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Jana, une vie en Rose
Depuis quatre ans, Jana Rose a repris le flambeau familial de l’exploitation ostréicole La Rétaise avec sa soeur Charlotte. Portrait d’une jeune fille tout feu tout flamme qui s’est retroussé les manches pour relever un sacré défi.

« Vous êtes certain que raconter mon parcours va intéresser les gens ? » D’entrée, on est frappé par deux choses chez Jana Rose : son regard droit et clair planté dans vos yeux, et son parler vrai qui fait du bien. À 26 ans à peine sonnés – elle les a eus en décembre dernier -, cette Couardaise née à La Rochelle a repris depuis cinq ans La Rétaise, l’exploitation ostréicole de son père Franck, parti à Nieul élever en nurserie des naissains.
L’avenir est devant elle
Après une scolarité tranquille et sans encombre, c’est d’abord le milieu de l’équitation qui interpelle Jana. À force de monter dès qu’elle en a l’occasion, sur l’île ou en vacances, son truc à elle, c’est les chevaux. Va donc pour un bac Pro en élevage de chevaux à La Roche-sur-Yon, en Vendée. Des études atypiques qu’elle reconnaît « avoir adorées ».
Puis c’est le temps de l’expérience en entreprise et le retour sur l’île. Ce sera le sel et Rivesaline, à La Couarde, avec l’accompagnement bienveillant de Cédric Fortunier. « Il me voyait un peu perdue après mon bac, et lui avait besoin de quelqu’un pour l’aider dans le développement de sa société. J’ai donc fait deux ans en alternance chez Rivesaline pendant mon BTS commercial, de 19 à 21 ans. » Pour décrocher des clients, elle sillonne en voiture le département, voire la région Poitou-Charentes. La vie impitoyable et rude de « commerciale », où l’on ne rentre pas chez soi tous les soirs et où les portes se ferment plus souvent qu’à son tour, la plupart du temps sans ménagement. Pas son truc, à Jana. « J’étais mauvaise, j’ai détesté faire ça, reconnaît-elle aujourd’hui, ça n’est pas du tout dans mon caractère. Je n’ai pas envie de forcer une vente, donc je n’étais pas très pushy. » Pas grave, Cédric et Jana se quittent bons amis.
On est en 2020. Le confinement arrive, et avec lui les grandes questions et les décisions pas toujours faciles à prendre. Les cartes sont rebattues : les parents de Jana cherchent à vendre La Rétaise pour développer de nouveaux projets sur le continent. Pas question de laisser filer une occasion pareille. Jana et sa soeur Charlotte, de six ans son aînée, y voient l’opportunité de reprendre l’affaire. Des parcs à huîtres au Grouin, un emplacement en or sur les pistes cyclables, entre La Couarde et Ars, pour faire découvrir la dégustation des produits aux vacanciers, un savoirfaire certain, des infrastructures… Il n’en fallait pas plus pour décider Jana. Elle a alors 22 ans, l’avenir devant elle et de l’énergie à revendre.
Deux cents couverts par jour l’été
C’est ici, dans ce bâtiment construit dans les années 1970, que les soeurs Rose vont se lancer dans la production et la dégustation saisonnière. Avec Jana à la manoeuvre dans les parcs, et Charlotte, au service l’été, à la compta l’hiver. « Charlotte c’est le boute-entrain, elle fait tout le temps des blagues avec les clients. J’adore tellement ma soeur… » Après une formation « 280 heures » diplômante à Bourcefrancle- Chapus, au pied du pont de l’île d’Oléron, Jana est prête à se lancer dans sa production de spéciales et de fines de claires. Elle acquiert un tracteur qu’elle conduit elle-même, et envisage bientôt l’achat d’une trieuse, « mais c’est un investissement qui coûte cher, entre 30 et 40.000 euros minimum d’occasion. »
L’été, une dizaine d’employés font tourner la boutique, pour une cadence qui frôle les deux cents couverts par jour. Sur la table, des assiettes d’huîtres évidemment, mais aussi des palourdes, des moules et des crevettes impériales des marais. Le tout servi accompagné d’une bouteille de blanc d’ici. Au milieu des bancs et des grandes tablées, six chiens adorables qui font le spectacle et que les enfants adorent : deux bergers australiens, un husky, un bouledogue français et un cane corso.
Jeune et femme, un double symbole
À 26 ans, Jana incarne sans même le vouloir cette génération qui croit en l’avenir agricole de l’île et souhaite s’y implanter durablement pour investir dans son développement. Et puis, comment ne pas le mentionner, elle fait partie de ces rares femmes à exercer un métier jusqu’ici masculin dans son écrasante majorité.
Comment vit-elle, d’ailleurs, ce double symbole ? Et en a-t-elle conscience, seulement ? « Femme dans un métier d’homme, je n’y pense pas en me levant le matin, je m’en fiche même un peu pour tout dire. Pour le côté jeune, c’est bien si ça peut donner envie à d’autres de rester sur l’île et de découvrir le métier. On a besoin de préparer les années qui arrivent, d’assurer une forme de continuité. »
Les années à venir justement, pour ce qui concerne La Rétaise, elle les voit avec beaucoup d’optimisme et autant d’envies. « On va commencer des travaux de rénovation au printemps, explique-t-elle, la bâtisse en a bien besoin. C’est un endroit avec un potentiel incroyable et pas mal de possibilités d’extension. Aujourd’hui, on se met un peu la pression parce qu’on fonctionne au jour le jour. Dans quelques années, j’espère avoir plus de visibilité et de stabilité. » Faire vivre cet endroit que Rétais et touristes apprécient et connaissent bien… Quoi que lui réserve la suite, le pari est déjà largement gagné.

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