Jacques Breuilh tire sa révérence
Il a créé les cliniques vétérinaires de Saint-Martin et de La Flotte il y a 40 ans, puis s’est associé avec Thierry Poitte et François Dommanget. Le Docteur Jacques Breuilh, bien connu notamment de tous les amoureux des animaux, a décidé de décrocher en cette fin d’année. Après avoir en octobre dernier intégré le groupe Fovéa, visant à pérenniser un modèle libéral vétérinaire.
A la fin des années 1970 et au début des années 1980, le Docteur Séris, vétérinaire ayant son cabinet principal à La Rochelle, venait consulter trois fois deux heures par semaine dans un cabinet situé près de la plage de La Cible. Il n’y avait pas de garde la nuit ou le dimanche et il n’était pas rare de soigner les chiens dans une voiture, sur le parking de l’embarcadère du bac. Le Pont n’était pas encore construit.
Le jeune Jacques Breuilh, récemment sorti de l’école nationale vétérinaire de Toulouse (1980) et ayant fait son service militaire dans la Marine à Rochefort, travaillait alors dans des cliniques rochelaises. En 1982 il rachète sa clientèle rochelaise et rétaise au Dr Séris, et crée le 1er avril la clinique vétérinaire de l’île de Ré, située à Saint-Martin. Habitant encore La Rochelle où il a grandi, il prend le bac chaque matin hors saison, tandis qu’en été il loge sur l’île de Ré. Puis il vient habiter l’île à l’année en 1984. Jusqu’en 1987 il est de garde tous les soirs et tous les week-ends, assure seul les urgences. Cette année-là, il construit la seconde clinique vétérinaire à La Flotte (60 m2) et s’associe dans une SCP avec Thierry Poitte, fraîchement sorti de la même école vétérinaire. En 1997, ce sera au tour de François Dommanget de les rejoindre. Le trio fonctionne bien, les prestations sont assurées jour et nuit (sur appel la nuit), chacun étant de garde à tour de rôle. En 2009 la nouvelle et vaste clinique vétérinaire de La Flotte est créée sur 400 m2. Agnès Dommanget les rejoindra dans la SCP en juin 2020.
Vétérinaire depuis près de 25 ans sur l’île de Ré, le Dr Poitte s’est tôt intéressé à la douleur animale : en mai 2016 il crée le Réseau Cap douleur, premier et leader en la matière, qui a pris depuis une ampleur considérable en France et à l’étranger. Il part former les vétérinaires aux quatre coins de l’hexagone et au-delà de nos frontières, n’exerçant plus que deux jours par semaine à la clinique flottaise, en se centrant sur la prise en charge de la douleur, puisqu’il est bien identifié et très sollicité en la matière. Jacques Breuilh ne tarit pas d’éloges sur son associé historique : « Ce qu’il a construit est extraordinaire, il apporte énormément à la clinique vétérinaire de l’île de Ré, en termes de notoriété, de compétences et nous avons pu grâce à lui bien mieux gérer la douleur animale et bénéficier bien avant tout le monde de médicaments à la pointe pour soulager celle-ci. Ce n’est pas un hasard s’il s’est penché sur la douleur animale, nous partageons la même façon d’appréhender les animaux. C’est lui qui nous a apporté le contact de Fovéa (lire ci-dessous), dont les créateurs sont des amis à lui, rencontrés lors de ses formations. Ce n’est pas avec plaisir que je pars à la retraite et quitte mon bébé, il faut savoir sauter le pas – je pense que Thierry fera de même dans quelques années -, mais je sais que Fovéa sera dans une démarche d’excellence et je suis content d’avoir participé à cette intégration dans un groupe. Je pars soulagé de savoir que ce que j’ai créé va se perpétuer. »
Si ce départ est teinté de nostalgie, Jacques Breuilh ne restera pas les bras croisés et il ne sera pas rare de le voir s’activer à Loix, où il s’est installé il y a près de 15 ans. Grand amoureux de l’île de Ré, il exploite depuis 14 ans ses marais salants, comme son père, qui était professeur de mathématiques et lui a légué ses marais de Loix.
Et la politique ? Jacques Breuilh a, en effet, été un temps investi dans la vie locale, faisant partie de la municipalité de Saint-Martin où il était adjoint au Maire, lorsqu’il habitait encore la capitale rétaise. « Je n’ai pas d’intention en la matière, je ne sais pas si je suis fait pour la politique, mais si on a besoin de moi, je répondrai présent » lâche sur le ton de la confidence ce proche de Lionel Quillet, qu’il admire pour son action en faveur de l’île de Ré.
Tous ses patients à quatre pattes et leurs maîtres, qui le côtoient pour certains depuis 40 ans, pour lui avoir confié plusieurs générations de leurs compagnons, se joignent à Ré à la Hune pour souhaiter à Jacques une retraite heureuse… et active !
TENDANCES
Le marché vétérinaire en pleine mutation
Au 1er octobre 2022, les cliniques de La Flotte et Saint-Martin ont intégré le groupe de vétérinaires Fovéa, participant ainsi à la consolidation d’un marché en forte évolution.
Le marché vétérinaire est encore principalement constitué d’établissements indépendants : 15% seulement des 5300 établissements en France appartiennent à un groupe financier. Cinq groupes prédominants se partagent 598 établissements, soit 10 %, d’autres plus petits groupes se partagent les 212 cliniques ayant choisi la voie de la « consolidation ».
Les cliniques vétérinaires de l’île intégrées à Fovéa
Les vétérinaires associés de l’île de Ré ont, pour leur part, choisi Fovéa, un groupe encore à taille humaine, dont l’ADN est de préserver dans son fonctionnement un modèle libéral vétérinaire. Ce groupe ambitionne d’être le leader sur l’Ouest du pays, en associant à terme 150 à 200 cliniques, 70% canines (animaux de compagnie) et 30% rurales (animaux d’élevage). Il sollicite l’implication de ses associés vétérinaires pour son développement et entend pérenniser un capital non vétérinaire respectueux de l’esprit libéral.
Ce mouvement de concentration/ financiarisation des cliniques vétérinaires s’explique en partie par les évolutions du marché, même si l’on sait aussi que les capitaux des financiers vont là où la rentabilité est intéressante… La féminisation de la profession, la mutation du mode d’exercice vers le salariat (les jeunes vétérinaires n’ont plus forcément envie de travailler à plein temps ni d’assurer les gardes de nuit et du WE), mais aussi le niveau d’investissement élevé qui fait qu’aujourd’hui les vétérinaires gagnent moins bien leur vie que les médecins, alors que c’était l’inverse il y a 20 ans encore, tout cela explique que la tentation est grande de rejoindre un groupe, qui permet aussi de mutualiser les achats de médicaments, la gestion des stocks, celle des ressources humaines, autant de compétences qui ne constituent pas le coeur de métier des vétérinaires.
Le sens de l’histoire… économique de la profession
« Il s’agit d’une évolution très importante et indispensable à l’exercice de la profession, il faut amortir des investissements en matériel de pointe. Les vétérinaires tendent aussi de plus en plus à se spécialiser, faire partie d’un réseau permet d’échanger sur des cas difficiles et d’être plus performant », explique Jacques Breuilh, fondateur des cliniques vétérinaires de l’île de Ré (lire ci-dessus).
« On a choisi une petite structure, qui garde l’esprit de la profession libérale et nous laisse la liberté de la gestion opérationnelle, celle de fixer nos tarifs, nous sommes attachés à maintenir des tarifs raisonnables, pour que les gens puissent faire soigner leurs animaux. Il y a deux types d’actions, les actions A qui concernent le fonctionnement et les décisions opérationnelles et sont détenues à 100% par les vétérinaires, et les actions B faites d’investissements, concernant aussi les financiers. Chacun des vétérinaires associés détient ces deux types d’actions, il n’y a pas de dividendes pour les actionnaires, mais la plus-value à la revente. L’autre avantage de cette évolution est qu’un vétérinaire salarié n’a plus à investir. »
Si le groupe Fovéa s’est montré intéressé par les cliniques de l’île de Ré, c’est d’après Jacques Breuilh pour « ses équipes intéressantes, l’image de l’île sur laquelle il compte s’appuyer pour convaincre d’autres cliniques et aussi du fait du développement par Thierry Poitte du réseau Cap Douleur, qui est partenaire de Fovéa. »
Avec son départ à la retraite, Jacques Breuilh va céder ses actions A à ses associés vétérinaires, mais conserver ses actions B. Une façon d’avoir toujours un regard, certes plus éloigné, sur l’activité qu’il a créée il y a 40 ans ?
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