- Environnement & Patrimoine
- Lettre ouverte du collectif Nemo
Information sur un projet dévastateur
APRÈS LA LETTRE OUVERTE N° 1 DE DOMINIQUE CHEVILLON, PUBLIÉE DANS RÉ À LA HUNE 219, ET INFORMANT NOS LECTEURS DU PROJET D’UNE « GRAPPE » DE PARCS ÉOLIENS OFFSHORE QUI S’ÉTALERAIENT LE LONG DE CÔTES OLÉRONAISES, RÉTAISES ET VENDÉENNES, JUSQU’AUX SABLES D’OLONNE, NOUS PUBLIONS LA LETTRE N° 2 DES REPRÉSENTANTS DU COLLECTIF NEMO, DANS LAQUELLE ILS EXPLIQUENT EN QUOI CONSISTE UN PARC ÉOLIEN EN MER ET CE QUE SOUS-TEND SA RÉALISATION, SELON EUX
En quoi consiste un parc éolien en mer et que sous-tend sa réalisation ?
Les éoliennes font presque toujours l’objet d’une publicité flatteuse. On ne montre jamais ce qu’il en est vraiment des éoliennes, et des travaux, de surface ou souterrains, nécessaires à la mise en place des parcs éoliens. La plus grande partie de la population française vit en ville et ainsi n’a pas pu prendre vraiment conscience de la réalité des importants dégâts qui en résultent pour l’environnement, mais aussi pour les hommes. Mais ceux qui habitent en milieu rural vivent cette réalité, avec des éoliennes qui deviennent gigantesques. L’hostilité des riverains directement concernés est devenue quasi générale à leur égard. Des promoteurs insatiables, financiers, industriels, collectivités, administrations, se tournent donc vers l’éolien marin, où il n’y a pas d’électeurs, pour imposer leurs machines. C’est ainsi qu’ils viennent de jeter leur dévolu sur une zone de 3 000 km2 (Figure 1) située entre Les Sables d’Olonne et Royan, avec l’objectif d’y créer une grappe de parcs d’éoliennes posées ou flottantes.
Incohérence incroyable, ce gigantesque projet industriel est prévu notamment dans le Parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis, une grande Aire marine protégée d’importance européenne et nationale. Le premier projet concerne un parc ou un ensemble de parcs d’éoliennes posées au large de la côte Ouest de l’île d’Oléron, d’une puissance totale de 1000 mégawatts (mille millions de watts), soit un gigawatt (1 GW). Nous faisons ici une description d’ensemble de ce que serait cette première tranche :
LES ÉOLIENNES : DU GIGANTISME ASSURÉ
Elles seraient(1) du modèle Haliade X-12 de l’entreprise américaine General Electric, d’une puissance électrique nominale (= maximale) de 12 millions de watts (12 MW), ou d’un modèle analogue. Il en faudrait 83 pour réaliser un parc ou des parcs d’une puissance totale de 1 GW (1 milliard de watts).
Ces éoliennes sont gigantesques (Figure 2) : leur hauteur au-dessus de l’eau pales comprises est, selon le constructeur, de 260 mètres, soit presque les 324 mètres de la tour Eiffel. La nacelle fait 21 mètres de long, 10 mètres de haut et pèse 700 tonnes.
Les pales font 107 mètres de long, pèsent 50 tonnes chacune et balayent une surface de 38 000 m2, soit la surface de 4 terrains de football. Elles entraînent une génératrice, faite d’un aimant tournant dans un bobinage électrique. Nous estimons, faute de valeurs publiées par le constructeur, que ce bobinage utilise environ 2 tonnes de cuivre. L’aimant serait un aimant dit permanent contenant des terres rares, environ 2 tonnes de néodyme et 500 kg de dysprosium. Le mât de 150 mètres de haut pèse environ 1500 tonnes.
L’ensemble contient environ 4000 litres d’huile de lubrification et nécessite environ 7 tonnes de peinture de protection anticorrosion.
La figure 3 permet de se faire une idée de ces géantes par comparaison visuelle avec quelques monuments emblématiques pour les habitants concernés.
Ce gigantisme vise à chercher le vent en hauteur, où sa vitesse moyenne est plus élevée qu’à plus basse altitude, améliorant ainsi le rendement énergétique de l’éolienne.
De tels monstres doivent être solidement arrimés au fond de la mer, pour résister aux fortes houles et aux vents des tempêtes.
Il existe trois techniques pour cela, monopieu, jacket et béton gravitaire (figure 4) :
– Le monopieu : Il s’agit d’un pieu creux d’acier que l’on enfonce dans le sol marin avec un marteau hydraulique, ou que l’on enfonce également à force dans un puits préalablement foré.
– Le treillis : il s’agit d’un treillis métallique quadrangulaire fixé aux quatre coins par des pieux de dimensions plus modestes que dans le premier cas.
– Le béton gravitaire : il s’agit d’un énorme bloc de béton déposé sur le sol marin sur une surface rendue auparavant parfaitement horizontale.
Dans le cas d’Oléron, il s’agirait probablement de monopieux en acier. Etant donné la masse et la hauteur d’une Haliade X-12, le diamètre de ces pieux serait de l’ordre de 10 mètres à 11 mètres de diamètre. La longueur de la partie enfoncée dans le sol varierait, en fonction de la nature du sol marin (figures 4 à 6), d’environ 4 à 6 fois ce diamètre, soit 40 à 60 mètres ! Pour éviter tout affouillement autour du pieu, ce sol marin devrait être arasé et consolidé autour du pieu sur un cercle d’un diamètre d’à peu près la longueur d’une pale, soit environ 100 m pour une surface d’à peu près 8000 m2, équivalente à celle d’un terrain de football. Nous ne savons pas si ces pieux seront enfoncés directement à grands coups de marteau hydraulique ou forcés dans un puit foré préalablement.
LA RÉALISATION D’UN PARC : DES TRAVAUX TITANESQUES
Les éoliennes seraient reliées par des câbles électriques de 33 000 volts à un énorme collecteur doté d’un héliport appelé sous-station. Pour chaque tranche de 500 MW il en partirait deux lignes à très haute tension, 225 000 volts, qui se raccorderaient à une station d’atterrage sur la côte. De là une ligne à 225 000 volts irait rejoindre le réseau national à très haute tension (THT), 225 000 ou 400 000 volts (figure 7). Etant donnée la longueur de cette ligne dans le cas de ce ou de ces parcs, et cette électricité n’étant pas consommée sur le trajet, une station intermédiaire dite de compensation de puissance réactive serait nécessaire à mi-chemin.
Tout ce dispositif devrait être doublé pour un parc de 1 GW ! (2)
En effet, il était initialement prévu qu’un seul parc serait installé au large de la côte Ouest d’Oléron, qu’il aurait une puissance de 500 MW et que le raccordement se ferait à travers la Presqu’île d’Arvert pour aller rejoindre le réseau à 400 000 volts à Préguillac près de Saintes. Nous en avions alors estimé le coût à environ 500 millions d’euros. Maintenant qu’il ne s’agit plus d’un parc de 500 MW, nous ne connaissons pas le dispositif qui serait retenu, ni son coût, sans doute de l’ordre de 1 milliard d’euros par GW. C’est un point à surveiller de près, car ces informations ne seront pas données spontanément aux habitants.
L’exemple du parc de Fécamp (figure 8) donne une idée de la façon dont pourraient être disposées les éoliennes.
Le parc de Fécamp, comme celui de Saint-Nazaire en cours de construction, est un parc d’environ 80 éoliennes de puissance unitaire 6 MW, qui occuperait une surface de 70 à 80 km2.
La distance entre les éoliennes serait de l’ordre du km. Cet éloignement est rendu nécessaire pour éviter que les éoliennes ne se « prennent le vent » les unes les autres. Il doit être d’autant plus grand que la puissance des éoliennes est importante. Une règle de pouce est que la puissance d’un parc est de ce fait à peu près la même par unité de surface occupée par les éoliennes, quelle que soit la puissance des éoliennes utilisées.
Un parc de 1 GW près de l’île d’Oléron requerrait alors une surface d’environ 300 km2 se décomposant ainsi :
– Une surface d’environ 180 km2 pour les seules éoliennes (83 éoliennes de 12 MW)
– Une surface de sécurité tout autour du parc d’environ 100 km2 pour assurer la sécurité des grands navires (distance du parc de 3 miles nautiques).
– Une surface d’une dizaine de km2 pour le passage des lignes à 225 000 volts sortant du parc pour aller à terre.
Ces éoliennes seraient reliées à une sous-station (collecteur) par des lignes électriques dont la longueur totale serait d’environ 200 km. Nous estimons à environ 6 tonnes de cuivre par MW de puissance, soit ici 6000 tonnes, la quantité de cuivre qui devrait être utilisée pour cela. La sous-station serait une construction énorme munie d’un héliport, d’où partiraient deux lignes à 225 000 volts pour rejoindre une station d’atterrage sur la côte. Toutes ces lignes devraient être protégées soit par ensouillage, soit par enrochement.
Ce sont donc des travaux titanesques.
La réalisation des fondations et l’arasement du sol marin entraîneraient la production de grandes quantités de déblais de roches et de boues, dont des boues de forages contenant des produits toxiques. Leur masse par éolienne implantée serait de l’ordre de 10 000 tonnes(3), soit environ 800.000 tonnes pour la totalité du parc !
S’ajouteraient à cela les déblais et boues produits par la construction de la sous-station (collecteur) et l’ensouillage des câbles électriques.
Ces déblais et boues seraient redistribués par les courants puis se déposeraient sur les fonds marins, modifiant ainsi l’habitat de nombreuses espèces marines. C’est donc une véritable zone industrielle de plusieurs milliers de km2 qu’il est envisagé de construire sur nos côtes, du Sud de l’île d’Oléron aux Sables d’Olonne, à grands renforts de navires et d’engins de toutes sortes, cela en premier lieu dans un Parc naturel marin d’importance européenne. Nous estimons que les éoliennes auraient une durée de vie d’environ 20 ans du fait de la corrosion marine et devraient donc être renouvelées tous les 20 ans. Ne pouvant réutiliser les premières fondations, de nouvelles fondations devraient être construites.
Tous les 20 ans environ ce Parc Naturel Marin devrait donc être à nouveau bouleversé par des travaux gigantesques.
Vous aurez bientôt connaissance d’une lettre d’information n°3, dans laquelle seront détaillés les travaux nécessaires à ces industries et les atteintes à l’environnement qui en résulteront.
1 – Nous mettons au conditionnel car l’Etat ne donne aucune information technique autre que la puissance de la première tranche, 1 GW
2 – Source RTE
3 – Calcul de ce tonnage : déblais de forage pour un puits de 10 mètres de diamètre et de 50 mètres de profondeur, en comptant une densité initiale de 2, 5 pour les roches excavées : 3925 m3 x 2,5 = 9810 tonnes. La réalisation d’une protection antiaffouillement que nous n’avons pas comptée ici parce qu’elle n’est pas toujours nécessaire (mais peut-être le serait-elle à Oléron ?) y ajouterait environ 20 000 tonnes.
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