Immobilier : l’exception rétaise ?
Depuis la révolution française de 1789, l’accession à la propriété est un moteur économique puissant et l’objectif social de nombreux français. Dans un contexte de réformes réglementaires et fiscales, d’instabilité géopolitique et financière, le rêve de posséder sa « maison de pêcheur » sur l’île de Ré s’évanouit-il ? L’arrivée d’investisseurs quatari ou russes est-il une réalité ? Comment se comportent les prix ? Sujet complexe, souvent tabou, au centre de nombreuses préoccupations pour ceux qui se trouvent en situation d’acheter ou de vendre un bien. Ré à la Hune est allé sur le terrain, à la rencontre de professionnels de l’immobilier, pour répondre aux questions que se posent ses lecteurs sur l’évolution de l’immobilier rétais.
Pourquoi achète-t-on sur l’île de Ré ?
Par sa situation géographique, son environnement, la qualité de son littoral, un taux d’ensoleillement élevé, l’île de Ré a des atouts incontestables. L’accessibilité facilitée par les dessertes aériennes et ferroviaires, la liaison routière avec le continent, les infrastructures, les services, les équipements sanitaires de proximité, apportent de la valeur ajoutée à ce territoire limité et unique de 8100 hectares. Malgré de nombreuses mutations économiques, l’île de Ré a su préserver l’essentiel de son authenticité. La qualité de vie qu’elle offre est particulièrement recherchée par ceux qui veulent y vivre, pour les vacances d’abord, puis à l’année ensuite, à l’heure de la retraite. Lorsque l’on a la possibilité d’y résider, l’attachement à l’île de Ré est très fort. Avec l’accélération des activités touristiques, s’ouvrent de nouveaux défis sur la gestion de la fréquentation et la maîtrise des moyens de transports pour éviter la saturation routière.
Les biens rétais bénéficient d’un environnement et d’une qualité de vie appréciés, avec une cohérence territoriale, un niveau de service et de sécurité confortable.
Un territoire insulaire convoité mais protégé
Le Schéma de cohérence territoriale (SCOT), adopté par l’île de Ré, définit les orientations urbanistiques, sociales, culturelles et économiques de la vie rétaise pour les prochaines années. Ce document de référence affiche les grandes volontés politiques, la plus forte d’entre elles étant le respect du ratio 80 % d’espaces naturels et 20 % d’espaces urbains sur l’ensemble de l’île de Ré. Les prochains plans locaux d’urbanisme (PLU), traduiront réglementairement ces orientations, que chaque commune intégrera. Il y aura bien un coup de frein sur la construction : « Dès lors, il s’agit de passer d’un rythme moyen annuel de 130 nouvelles résidences secondaires à une moyenne de 100 nouvelles résidences secondaires par an, soit une production de 1000 résidences secondaires maximum sur la période 2010 – 2020. Ce chiffre doit s’entendre comme un plafond, ce qui n’exclut pas de rechercher des solutions pour une diminution encore plus forte de la production de résidences secondaires. En effet, sur le long terme (au-delà de 2020), l’objectif recherché est de tendre vers une production très faible à quasi-nulle de résidences secondaires. »
Lorsque l’offre de vente de terrains se fait durablement plus rare, mécaniquement les prix s’élèvent. Mais de nombreux paramètres peuvent en influencer le coût : situation, orientation, environnement, vue, voisinage, topographie etc. Les acheteurs raisonnent de moins en moins en prix au m2, mais sur un coût global intégrant le projet de construction, selon leur budget disponible. La projection de l’évolution des prix du foncier dans les prochaines années relève de la voyance. Tous les indicateurs sont cependant réunis pour estimer que les prix ne baisseront pas.
Les réformes de début 2012 ont-elles un impact ?
Les coups de rabot de début 2012 des dispositions financières, fiscales et juridiques concernant l’immobilier, au travers de la majoration des droits à construire, du nouveau calcul des plus-values immobilières, de la restriction du prêt à taux zéro, de l’amaigrissement de la loi Scellier, de la hausse du taux de TVA de 5,5 % à 7 %, n’auraient pas eu d’impact sur le marché rétais. La clientèle rétaise est peu concernée par ces mesures. Elle n’entre pas majoritairement dans les conditions d’attribution du prêt à taux zéro. Si elle acquiert un bien, c’est pour le conserver et souvent le transmettre. Elle est donc peu concernée par la réforme sur les plus-values et par la loi Scellier. La hausse de la TVA, intervient dans le surenchérissement du coût de la construction ou de la rénovation.
Elle est intégrée au budget, sans être de nature à modifier le projet initial, quitte à se réserver quelques travaux pour réduire la facture.
Le stock d’acheteurs potentiels pour les biens rétais reste d’un bon niveau et très actif. Pour les vendeurs potentiels, la réforme du calcul des plus-values peut retarder la mise sur le marché, mais peu de retraits à la vente ont été constatés. Le volume des transactions est resté globalement stable.
La pierre : valeur refuge
Un peu boudée ces dernières années pour son rendement variant entre 3 et 5 %, « l’investissement pierre » retrouve ses vertus sécurisantes, dans un climat financier international instable et inquiétant. Ceux qui disposent de liquidités font le choix d’investir et portent leur choix sur des biens entre 200 000 et 500 000 €, pour sécuriser leur épargne.
Cette tendance « refuge », réactivée par l’endettement des états européens, les événements de Grèce etc., renforce la demande sur les territoires comme Ré, à forte attractivité touristique, mais surtout garants de la stabilité des prix dans un cadre réglementaire protecteur.
Pourquoi vend-on sur l’île de Ré ?
Comme dirait de La Pallice, pour qu’il y ait des acheteurs il faut des vendeurs ! Les propriétaires rétais se séparent difficilement de leurs biens. La mise en vente intervient, comme partout, dans diverses circonstances liées à la vie : divorce, décès, projet de vie, mutation professionnelle. Beaucoup de ventes sont aussi motivées par le rachat d’un autre bien sur l’île de Ré, plus adapté à son mode de vie, à l’agrandissement de la famille, à l’habitation principale, au fur et à mesure des années. Les ventes spéculatives, pour réaliser des plus-values, restent limitées. On vend également des biens reçus en héritage, en fonction de la gestion patrimoniale envisagée ou possible, et de la fiscalité ISF.
Le volume des mises en vente annuelles de biens fonciers et immobiliers correspond environ à 5 % du nombre de propriétés bâties et non bâties de l’île de Ré, assurant une fluidité du marché.
La difficulté d’évaluer le bon prix
De nombreux critères interviennent pour évaluer le coût d’un bien, techniques et aussi subjectifs. Le client a son échelle de valeur. Sur ces bases s’engage la négociation du prix affiché. La notion de charme, le coup de coeur pour certains, l’emporteront sur un diagnostic technique de la qualité de la construction, ou sur la situation du bien.
S’il y a des références notariales et fiscales, des comparaisons possibles avec des biens de même niveau, qui établissent les fourchettes de prix, l’acquisition reste une décision avec des motivations très personnelles, parfois contradictoires. L’important c’est de bien comprendre le désir du client, de répondre à son attente, de l’accompagner objectivement dans sa prise de décision. Le marché immobilier rétais se répartit en 3 niveaux de prix : les biens inférieurs ou égaux à 500 000 €, les biens compris entre 500 000 et 1 200 000 €, les biens supérieurs à 1 200 000 €. Chaque segment du marché implique un accompagnement spécifique et souvent un suivi de la clientèle après achat.
Un bien évalué au juste prix trouve acquéreur dans un délai moyen de trois à six mois après sa mise en vente. Le vendeur, conscient de la valeur de la pierre, qui ne laisse pas de marge de négociation doit revoir sa copie au risque de voir son bien se dégrader et se dévaluer. Le risque de déséquilibre du marché et de formation d’une bulle immobilière rétaise est peu probable : les prix proposés à la vente correspondent au budget d’une clientèle constituée de cadres de haut niveau, de patrons d’industrie, de PME, de professions libérales.
Des banquiers prudents
Les taux d’emprunt restent historiquement bas, autour de 5 %. En contrepartie des risques financiers inhérents à la période, les banquiers prennent un maximum de garanties lors du montage du dossier et sécurisent l’octroi de prêt par des cautions, des hypothèques etc. Sans apport personnel et sans garantie, il est difficile aujourd’hui d’obtenir le feu vert de la plupart des banques.
La clientèle du marché rétais est constituée en moyenne de quinquagénaires. La clientèle étrangère se limite aux pays limitrophes de la France, avec une forte présence belge. On achète aussi sur l’île de Ré pour rejoindre un groupe familial ou des relations déjà implantées. L
’ensemble de ces constations convergent pour que chacun estime que les prix du foncier et des biens immobiliers rétais ne baisseront pas. Les prix marquent actuellement un léger palier, dans l’attente du résultat des élections présidentielles et législatives. Toutefois, le marché immobilier rétais garde le cap et affronte avec sérénité les turbulences économiques et financières actuelles.
Des dommages collatéraux
Cette situation fait le bonheur des uns et le malheur des autres. Par effet induit, les difficultés pour les jeunes ménages sont réelles. Avec des loyers élevés et le coût du foncier hors de leurs possibilités, ils rencontrent d’énormes difficultés à s’installer et à travailler sur l’île de Ré. Avec 33 % de la population âgée de plus de 60 ans, et le nombre de résidences principales en baisse, l’île de Ré doit maintenant relever le challenge du logement social locatif pour maintenir les jeunes ménages, et assurer le renouvellement de la population active, indispensable aux activités l’Ile de Ré. C’est l’un des enjeux fixés par le SCOT.
Philippe Lailler, agent mandataire dans le réseau OptimHome, au Bois-Plage-en-Ré
«L’accession à la propriété sur l’île de Ré devient de plus en plus sélective financièrement. Avec des biens proposés dans une large fourchette de prix entre 200 000 à 1 200 000 €, nous touchons une clientèle de quinquagénaires, installés socialement, qui présentent un niveau de solvabilité élevé. Les prix sont stables et nous avons actuellement un effet plateau, lié à l’environnement national et international. L’île de Ré se caractérise par une constance des prix et j’enregistre actuellement des demandes “d’investissements refuge” sur des biens d’entrée de gamme, autour de 200 000 €. Notre clientèle est attentive aux évolutions réglementaires et aux nouvelles propositions d’augmentation de + 30 % de la surface constructible, au calcul de surface de plancher qui aura une incidence sur la taxe d’habitation. Le phénomène exceptionnel de submersion Xynthia a eu peu d’impact sur le niveau des demandes d’achats qui restent soutenues. De nouvelles préconisations de construction prenant en compte ce risque vont à terme impacter le coût de la construction sur l’île de Ré.
Nous devons mettre toute notre compétence au service du client pour optimiser et sécuriser l’achat ou la vente d’un bien. »
Claire Baudrais et Jean-Charles Bain ont succédé à Pierre-Loïc Vauchez à l’Agence Immobilière du Fier, aux Portes-en-Ré
« Notre agence implantée aux Portes-en-Ré et à Ars a plus de trente ans d’expérience sur le nord-ouest de l’île de Ré. Nous avons des clients fidèles qui, en fonction de l’évolution de leurs besoins et de leurs moyens, nous confient à différentes périodes de leur vie, la vente de leurs biens et l’achat d’une nouvelle maison sur Ré. Souvent, à leur demande, nous devons également implanter autour d’eux leur famille ou leurs amis. Sur notre secteur du bout de l’île, nous avons une clientèle belge, des grandes familles du nord et des clients de toute la France. Nous n’avons pas encore de clients russes ou chinois. Les nouvelles mesures fiscales de début 2012 n’ont pas freiné notre clientèle, ni d’ailleurs les projets d’augmentation de surface constructible, qui s’avéreraient inapplicables sur Ré. La qualité de vie est particulièrement appréciée ici, par des cadres de haut niveau, des chefs d’industrie, des professions libérales, des artistes… Nous avons une vision sereine et une bonne connaissance de notre marché immobilier dont nous suivons l’évolution. Le turn-over naturel des biens, de l’ordre de 5 %, nous assure un volume d’offres de biens de nature à satisfaire une clientèle exigeante. Après la baisse de 2008, les prix se stabilisent. Les moyens réglementaires de protection (SCOT, PLU) se mettent en place, et la réalisation des digues sécurisent durablement notre territoire. Le charme préservé de notre île, l’authenticité, le caractère, la possibilité d’y vivre sans être importuné, sont des facteurs qui tiennent le marché immobilier. Pour comparaison Oléron est à moins 40 % ! »
Chrystelle Longeville, Agence du Port (réseau ORPI) à La Flotte
« Avec le réseau ORPI, pour satisfaire au mieux notre clientèle, nous formons nos conseillers, dans les domaines de la fiscalité et de la gestion de patrimoine. Le respect du client est notre ligne de conduite. Par une bonne compréhension du besoin et des souhaits de notre clientèle, nous sommes en capacité de présenter des offres sélectionnées, adaptées aux contraintes et aux exigences sur différentes gammes de produits. Notre stock de mandats n’augmente pas et l’île de Ré continue à attirer de nouveaux acheteurs. La stabilité est au rendez-vous. Le marché est fluide et lorsqu’un bien est estimé sérieusement, au juste prix, il se vend en moins de trois mois. L’évaluation du prix au m2 se déplace aujourd’hui vers l’estimation globale du bien, tenant compte de sa situation, son environnement, sa qualité, son potentiel, son charme…
Par caractère, depuis 2005, j’ai toujours été en quête de nouveaux partenaires à l’étranger. Cela a permis à notre agence, de réaliser des ventes tant avec des familles de New Zélande, de Russie ou d’Amérique Latine. Les étrangers n’achètent pas plus cher ou moins cher, par contre, ils veulent tout comprendre avant de signer un compromis, être en confiance, bénéficier d’un « vrai » service, cette clientèle nous a souvent appris à être encore plus performant et exigeant.
Par goût des belles pierres, par envie et en quête des emplacements n° 1, notre agence est reconnue par les propriétaires sur le marché spécifique de l’immobilier de luxe. Chaque année nous vendons des propriétés à plus de 2 000 000 €. L’île de Ré, par la protection de son territoire, comme les terrains avec « vue sur mer », ou par son histoire, offre peu de très belles propriétés, l’offre est rare. Cette propriété devient « un trésor ». Notre rôle est de savoir mettre en valeur chacune de ces pépites. En 2012, ORPI vient de mettre en ligne un support dédié à cette offre, www.orpi-prestige.com Notre agence intervient sur tous les segments du marché, de 200 000 € à plus de 1 200 000 €, de Rivedoux jusqu’aux Portes-en-Ré, avec une clientèle française et étrangères très diversifiée. Devenir propriétaire sur Ré est pour notre clientèle la décision d’une vie, un rêve que nous devons accompagner et sécuriser. C’est beaucoup d’argent, et il faut aussi savoir déconseiller un choix qui ne correspond pas aux attentes exprimées, par une bonne connaissance du bien, de son environnement, de son histoire…
J’analyse en permanence le marché, et pose ma réflexion en me documentant beaucoup, en interrogeant, en écrivant, pour informer mes collaborateurs et mes clients. Je suis plutôt optimiste et c’est le bon moment pour acheter car les prix sont stables. »
Hugues Renard, ACCORD Immobilier à Saint-Martin-de-Ré
« L’évolution du marché immobilier rétais est souvent parallèle à celle du marché parisien. Nous avons une grosse clientèle parisienne. La pierre retrouve plus une valeur refuge que spéculative. Les prix sont stables. Mais les nouvelles normes de construction (économie d’énergies, anti-sismicité…) et l’augmentation du coût des matériaux et de la main d’oeuvre vont encore élever les coûts de construction. L’attractivité de l’île, par sa qualité de vie et sa sécurité, tient élevé le niveau du marché. Nous aimerions avoir plus de biens à proposer à nos clients acquéreurs, aujourd’hui nombreux. L’évaluation d’un bien est toujours un acte délicat ; honnêteté et expérience en sont les deux piliers. La surévaluation des biens n’est profitable ni aux acquéreurs ni aux vendeurs qui se laissent malheureusement souvent amadouer par les chants trompeurs de certaines sirènes. Si Xynthia a peut-être éloigné une clientèle que nous n’avons plus vue, le SCOT participera à la protection de l’île, qui constitue l’un des critères “qualité” recherchés par nos clients.
S’il fallait définir la singularité du marché immobilier rétais, je dirais qu’il amortit mieux les variations de prix à la baisse que le marché national et qu’en revanche il est moins bridé à la hausse. Être propriétaire d’une partie de l’île de Ré est le rêve de beaucoup. Revendre est vécu comme une régression.
Pour toutes ces raisons, je suis optimiste et je suis certain que c’est encore pour longtemps raisonnable et profitable d’investir sur l’île de Ré. »
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