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Une île avant-gardiste
Après avoir publié sur son Site www.realahune.fr et via sa Newsletter dès jeudi 13 novembre toutes les cartes d’aléas de l’Etat et de la CdC, Ré à la Hune vous propose une édition spéciale PPRL (Plan de prévention des risques littoraux), afin de contribuer à la plus large information de ses lecteurs et de marquer sa solidarité auprès des Rétais, qu’ils soient résidents permanents ou secondaires, propriétaires ou locataires, professionnels ou particuliers, nordistes ou sudistes, car ce sont tous les équilibres socio-économiques de l’île de Ré qui sont aujourd’hui menacés.
Le traumatisme provoqué par la communication de la position et des cartes d’aléas de l’Etat lors du comité de pilotage du PPRL du 6 novembre dernier et juste après montre non seulement que les Rétais ne s’y sont pas trompés, mais aussi leur implication pour défendre leur territoire, qu’ils n’entendent pas sacrifier sur l’autel d’une « raison d’Etat » incompréhensible, tout comme au lendemain de Xynthia et des fameuses « zones noires » décrétées par l’Etat, sans réel fondement technique, et aussi vite transformées en « zones de solidarité », qui se sont ensuite singulièrement réduites.
« Une doctrine apocalyptique »
Il est constant pour les observateurs extérieurs que dans ce dossier du PPRL les élus rétais ont été à l’avant-garde et très actifs, tandis qu’in fine l’Etat a fait un arbitrage purement politique pour fuir ses responsabilités. Les réactions sont d’ailleurs quasi-unanimes, y compris d’éminents élus connus pour leur mesure et leur sens de l’Etat, à l’image de Dominique Bussereau pour qui « ce qui est imposé aujourd’hui aux élus locaux relève non pas du principe de précaution, mais du principe de l’exagération », d’Olivier Falorni pour lequel « la circulaire de 2011 prône une doctrine maximaliste, apocalyptique et l’Etat ouvre le parapluie ; l’île de Ré devient l’Atlantide ! », ou de Léon Gendre qui devant son conseil municipal a eu ces mots très justes : « A force de rendre le PPRL inapplicable, il sera inappliqué ! ».
Quelques voix dissonantes se sont fait entendre mais expliquer cet arbitrage de l’Etat dans le cadre de la révision du PPRL de l’île de Ré – qui a une portée nationale – par une attitude « belliqueuse » des élus rétais traduit au mieux une mauvaise foi évidente, au pire une méconnaissance du sujet et de ses enjeux nationaux.
Certes la Préfète de Charente-Maritime et les Services de l’Etat sont tenus par la circulaire du 27 juillet 2011, relative à la prise en compte du risque de submersion marine dans les PPRL. Bien sûr, l’objectif premier doit être d’obtenir une révision de la circulaire, ce à quoi vont s’employer les Députés Dominique Bussereau et Olivier Falorni à l’Assemblée Nationale, par une question écrite ou orale au Gouvernement avant la fin de l’année, et en prenant l’île de Ré comme exemple concret, tandis que le Président du Conseil général proposera une délibération à l’Assemblée départementale. Mais les élus estiment d’une part que l’Etat en fait une interprétation maximaliste sur l’île de Ré, et d’autre part que la Préfète de Charente-Maritime « l’applique de façon outrancière depuis juin 2013 et fait de la politique ».
Le PPRL n’en est qu’à ses débuts
Ils rappellent que les cartes d’aléas de l’Etat intégrées dans le « porter à connaissance » de la Préfète du 6 novembre n’ont pas plus de valeur réglementaire que celles de la Communauté de Communes de l’île de Ré, ayant aussi fait l’objet d’un « porter à connaissance » auprès de tous les élus municipaux le 12 novembre, et de la population. Par ailleurs, comme l’a justement précisé la Préfète lors de son point presse « la prescription des PPRN, notamment le périmètre mis à l’étude et les modalités de la concertation avec la population et les collectivités locales, fera l’objet d’un arrêté préfectoral qui marquera le départ du délai de trois ans au terme duquel les PPRN doivent être approuvés, pouvant être prolongé de 18 mois ».
Autrement dit, le processus d’élaboration du PPRL de l’île de Ré n’en est qu’à ses débuts…
Aussi le Président de la CdC et les Maires entendent-ils continuer « le dialogue » avec l’Etat, comme ils estiment l’avoir toujours fait, même s’il a parfois été musclé notamment à l’été 2013, et appellent-ils les Rétais à s’informer objectivement et à rentrer en résistance, de façon démocratique et pacifique, notamment en participant aux côtés de leurs élus municipaux aux réunions publiques qui seront organisées par la Préfète avant la fin de l’année pour présenter les cartes d’aléas, l’une sur le canton nord, l’autre sur le canton sud.
Tout comme ils appellent les acteurs économiques à se mobiliser bien plus qu’ils ne l’ont fait jusque-là, en faisant réellement entendre leur voix et leurs problématiques auprès de la Préfète et du Ministère, en suscitant une montée au créneau des syndicats professionnels régionaux et nationaux.
La Préfète a en effet précisé aux associations des professionnels et propriétaires rétais, Avenir, Réagir et Ré-veille, qu’elle a reçues en Préfecture le 7 novembre qu’elle n’a pas de « mandat pour l’activité économique ». Autrement dit, le poids des professionnels rétais et l’enjeu de la vie socio-économique de l’île de Ré n’ont été ni mesurés, ni intégrés par le Ministère lors de son arbitrage. Le lobby des assurances est lui très présent et écouté dans le dossier des PPRL…
Lionel Quillet et les Maires sont persuadés que la position de l’Etat va s’assouplir dans un temps plus ou moins long, et notamment une fois que l’Etat aura transféré l’intégralité de sa responsabilité sur les élus locaux avec l’entrée en vigueur de la Loi GEMAPI au 1er janvier 2016. Mais ils savent que les cinq communes du nord de l’île de Ré n’ont plus le temps, que certains professionnels et particuliers sont à l’agonie et que les dossiers insolubles se multiplient, notamment dans le cadre des successions.
« Les élus continueront de dialoguer avec force et conviction, car si nous n’avançons pas dans l’année qui vient ce sera ensuite trop tard, les territoires qui ont entériné les cartes se retrouvent dans des situations inextricables. Mais j’ai besoin de vous ! » a martelé ces derniers jours Lionel Quillet auprès des habitants et des professionnels rétais.
Voir le dossier PPRL et nouvelles cartes d’aléas (novembre 2014) et les cartes de l’Etat et de la CdC de l’île de Ré
Voir la vidéo consacrée à la conférence débat du 14 novembre 2014 (défense des côtes de l’île de Ré)
Voir l’appel à la mobilisation Ré-Yé de la carte pour le 22 novembre
Ce qu’ils en disent
Participant à la conférence-débat « SOS Littoral » organisée par Sud-Ouest en partenariat avec la CdC, le 14 novembre dernier, ces invités ont apporté des témoignages intéressants, soit lors de la conférence, soit en marge de celle-ci, dont voici quelques extraits.
Maître Jean-Marc Février, avocat en droit public au Barreau de Paris, avocat de la CdC de l’île de Ré, il a récemment obtenu l’annulation par la Cour d’Appel de Lyon du PPRI d’Alès.
« L’Etat joue plus blanc que blanc. La plupart des élus locaux n’ont pas vu arriver le volet GEMAPI de la loi de modernisation de l’action publique, c’est à dire le transfert de la responsabilité et du financement des digues. Nous vivons une vraie révolution culturelle au plan juridique, car toutes les digues publiques – et la responsabilité inhérente – vont être transférées aux communes, alors que certaines d’entre elles n’ont ni la capacité technique, ni la surface financière pour faire face à ces enjeux – d’où de fortes disparités prévisibles entre les territoires – et l’Etat se retire dans le même temps tout en se positionnant en arbitre de la sécurité publique ! »…
« Plus le processus avance, plus la négociation avec l’Etat rentre dans le dur. Sur l’île de Ré la réaction est assez atypique par rapport au reste du pays, les politiques y ont fait le choix de prendre leurs responsabilités, ils en ont les moyens politiques et financiers, et ils mènent un combat d’avant-garde face aux schémas très improvisés de l’Etat, car il faut se rappeler que la réglementation sur les digues ne date que de décembre 2007, on n’en est qu’au début de l’histoire en termes de sécurité publique. Vous avez la chance d’avoir des élus éveillés ».
JW Van der Meer, expert international des digues, professeur émérite de l’UNESCO
« Il existe trois types d’actions pour protéger les populations : 1 – la protection par des digues qui aux Pays- Bas peuvent atteindre 12 m et par des écluses, notamment. 2 – l’aménagement du territoire avec des tertres, des maisons flottantes, le rehaussement d’installations portuaires, etc. 3 – Un dispositif d’évacuation efficace. Aux Pays-Bas le volet « protection » représente 95 % du dispositif. En France, vous n’êtes pas protégés pour des conditions extrêmes, quant aux deux autres volets d’aménagement du territoire et d’évacuation des populations, ils sont inexistant pour l’un et assez mal organisé pour l’autre.
Aux Pays-Bas avec ce type de politique Amsterdam, Rotterdam et La Haye seraient inondées et il faudrait déplacer 5 millions d’habitants ». « Le problème en ce moment n’est pas de trouver des solutions innovantes, mais bien de renforcer les digues qui ne sont pas à niveau ».
Didier Rihouey, ingénieur océanographe, président de Casagec Ingénierie
« Il existe des méthodologies stratégiques locales de défense du trait de côte, comme à Lacanau. Ne rien faire est toujours ce qui coûte le plus cher. L’Etat ne fait pas de la prospective mais de la politique ». « Il ne s ‘agit pas d’un problème de qualité des cabinets d’ingénierie, ni technique, mais de doctrine, il faut se baser sur les faits et non sur une approche forfaitaire et être ultra pragmatique ».
Lionel Quillet, président de la CdC de l’île de Ré
« En France, il n’y a pas un sou d’argent publique mis dans la protection du littoral, l’ensemble des financements proviennent du Fonds Barnier, qui est un fonds d’assurances ».
« Le transfert de responsabilité de l’Etat vers la Communauté de Communes est très violent. Sur le territoire, nous n’avons pas de pression pour construire, les Rétais veulent simplement protéger l’existant et ils ne comprennent pas qu’avec 800 ans d’histoire de protection de l’île nous ne soyons pas capables d’avancer… Mais seul l’Etat peut valider les digues… L’Etat a refusé au lendemain de Xynthia que les collectivités reconstruisent les digues plus haut, et donc puissent se donner une chance de bien protéger le territoire, et il instruit ou exerce son contrôle de légalité sur les permis de construire à Xynthia + 60 cm ! Sur l’île de Ré, l’eau rentrant des 4 côtés en même temps selon la méthode forfaitaire de l’Etat, ce qui est impossible, le modèle est 4 fois plus faux qu’ailleurs !»
Marie-Ange Morin, présidente de l’association pour l’urgence de la sauvegarde et l’essor de Charron
« Nous on se bat pour sauver notre peau, le 21 mars 2015 il y aura la grande marée du siècle, une marée d’équinoxe avec un coefficient de 119… Quand sera-t-on protégés ? »
L’avocat de l’association de Charron
Sur la contre-digue construite sans autorisation,je viens d’avoir connaissance du jugement, le tribunal administratif est d’accord sur la notion d’urgence mais a déclaré les travaux illégaux car « le danger n’est pas imminent ! »
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