Ile de Ré, île protégée ou île sanctuarisée ?
En pleine enquête publique sur le SCOT (Schéma de cohérence territoriale) et alors que l’EPIR, collectif des associations environnementales de l’île de Ré, monte une nouvelle fois au créneau des médias, des professionnels regroupés dans la nouvelle association Réagir organisent une « contre-opposition ». Ils ne sont pas les seuls et les cahiers des commissaires-enquêteurs se remplissent dans certaines communes de réactions de « défenseurs » de la vie permanente et active, qui craignent qu’à trop vouloir « fi ger » l’île de Ré, elle ne devienne un « sanctuaire » sans vie économique ni sociale. En complément des points de vue de l’EPIR, déjà très médiatisés depuis 2 ans, Ré à la Hune a souhaité aussi donner la parole aux professionnels peu présents dans les médias et dans les réunions publiques du SCOT, et au Président de la Communauté de Communes de l’île de Ré, exaspéré par le « jusqu’au boutisme » de certaines associations.
Les associations environnementales, regroupées au sein du collectif « Ensemble protégeons l’île de Ré » (EPIR)
Si elles reconnaissent que « le SCOT a présenté d’incontestables avancées tout au long de son élaboration » notamment en matière de « construction de logements sociaux à vocation locative, de la gestion des espaces naturels et de la pérennité du secteur primaire », c’est pour mieux ensuite refuser « d’accepter ce SCoT pour deux raisons majeures » : il ne serait pas conforme à la réglementation relative au littoral, à l’environnement et à l’urbanisme ; et il ne répondrait pas aux exigences de prescriptions en matière d’urbanisation et d’hébergement touristique formulées par la Préfecture. Les associations contestent quatre aspects :
– La capacité d’accueil de l’île n’a pas été – selon elles – correctement calculée et « tous les chiffres montrent que l’île est déjà saturée lors des pics de fréquentation touristique. Accueillir plus de population et de constructions reviendrait à asphyxier notre territoire et à dégrader de façon irréversible son patrimoine ! »
– La maîtrise de l’urbanisation du résiduel constructible (somme des surfaces des parcelles, bâties ou non bâties, disponibles pour la construction, estimée à 264 ha) n’est pas prescrite aux communes. Les associations voudraient que le SCOT impose de limiter l’urbanisation à 20 % du résiduel constructible de l’île soit 53 ha, avec un tableau chiffré de la répartition des constructions entre les dix communes.
Leur principal argument est de dire que si le droit de propriété est effectivement inaliénable, le droit de construction, lui, est strictement encadré par la loi Grenelle 2 et la révision du code de l’urbanisme en 2010.
Elles souhaitent donc que le SCOT de l’île de Ré comporte des prescriptions fortes s’imposant aux futurs P.L.U. et mettant les communes à l’abri des pressions d’intérêts locaux. Sinon, selon elles, ce sont les 264 ha de résiduel constructible qui seront ouverts à la construction.
– Le gel de l’hébergement touristique n’est pas prescrit sur des bases chiffrées solides. D’après elles, 53.000 lits touristiques, et non pas 43.000, sont comptabilisés sur l’île aujourd’hui et « il faut interdire toute nouvelle structure d’hébergement touristique et faire respecter les règles d’usage des sols dans les campings ».
– Les zones artisanales « prévues à Sainte Marie et Saint-Martin se trouvent en site classé, rendant injustifiables de telles installations ».
Les associations souhaitent donc que les Rétais aillent remplir les cahiers de l’enquête publique… Reste à savoir dans quel sens iront les remarques des habitants…
Lionel Quillet, Président de la Communauté de Communes de l’île de Ré
Après plus de deux ans de concertation, beaucoup de remarques des acteurs du territoire prises en compte, et un projet de SCOT ayant reçu des avis favorables de la très grande majorité des acteurs publics associés (1 seul avis défavorable) et du Préfet (contrairement à ce que lui prédisaient les associations environnementalistes), Lionel Quillet ne cache plus son agacement face à cet « acharnement de l’EPIR qui n’est pas capable de prendre en compte l’avis général majoritaire favorable aux équilibres actuels du SCOT ». Il répond point par point aux critiques de l’EPIR.
« Concernant le résiduel urbanisable, il s’agit du premier SCOT qui bloque l’urbanisation, ce que ne faisait pas le Schéma Directeur. Par ailleurs, il n’existe pas de notion temporelle pour un permis de construire et aucune base juridique dans le droit français pour interdire de construire, l’avocat urbaniste de la CdC est formel sur ce point.
Les seuls cas où il est possible de passer outre sont au nombre de trois ; en cas de risque majeur de sécurité (PPRN), d’Utilité Publique (TGV, expansion…), ou encore si le terrain est racheté au prix du marché.
Par ailleurs plusieurs maires n’ont effectivement pas souhaité qu’un tableau « uniforme » par commune soit produit dans le cadre du SCOT, qui n’aurait pas été équitable (seules 4 communes du sud – sauf Saint-Martin – ont un résiduel important, les communes du nord n’en ayant que très peu) et surtout qui n’aurait trouvé aucun point d’appui juridique.
Le SCOT doit formuler les prescriptions et préconisations, mais c’est aux communes de les décliner dans le cadre de leurs PLU, le SCOT n’a pas vocation à se substituer aux PLU. Il intègre cependant tout un arsenal d’outils réglementaires qui faciliteront le travail des maires pour ne pas trop densifier ».
Les commissaires enquêteurs seront les « juges de paix ».
Ceci avant que n’interviennent aux alentours du mois de septembre le plan de prévention des risques naturels (PPRN) et la « carte des aléas » dont les premières moutures rendraient tout le nord de l’île totalement inconstructible. Lionel Quillet espère bien que les travaux des digues proposés (45 millions d’€ pour les priorités sur les 5 années à venir, dans le cadre du programme d’action et de prévention des inondations (PAPI) qui sera présenté le 12 juillet prochain devant une commission de 70 experts, qui attribueront ou non la labellisation de ce programme d’actions) permettront de modifier sensiblement les niveaux de risque et d’aboutir à une cartographie moins « conservatrice ».
Alors que l’EPIR devrait être satisfaite du fait que le PPRN va forcément réduire comme peau de chagrin les zones constructibles, le collectif s’inquiète au contraire d’un éventuel transfert du résiduel constructible du nord de l’île vers le sud, qui conduirait à une urbanisation forte du sud.
Pour ce qui est de la critique sur le calcul de la capacité d’accueil, Lionel Quillet rappelle qu’« ont été pris en compte trois indicateurs : le traitement des ordures ménagères qui indique une fréquentation au plus haut de l’été de 138 000 personnes, les chiffres de l’État quant à la capacité d’hébergement autour de 140 000 personnes, sans oublier le comptage qui a été fait des visites à la journée sur l’île de Ré. Le chiffre de 145 000 personnes est donc en haut de la fourchette. Quant à la “capacité de charge“ que certains voudraient opposer, outre le fait qu’elle n’aurait aucun fondement juridique et serait discriminatoire, tous les réseaux – eau, assainissement et EDF – montrent une capacité très importante sans commune mesure avec la fréquentation actuelle de l’île de Ré ».
Enfin pour ce qui concerne les zones d’activités, elles devront être regardées dans le cadre des PLU. Lionel Quillet entend toutefois mieux intégrer les enjeux liés à l’avenir de l’ostréiculture.
« Le SCOT rétais apporte donc un encadrement strict et une maitrise de l’urbanisation en s’appuyant sur des bases strictement légales, ceci malgré les fortes pressions exercées par différents lobbyings, ce serait risquer de fragiliser ce SCOT que de vouloir introduire des contraintes supplémentaires et ne reposant sur aucun fondement juridique.
Les avis favorables des personnes publiques associées, le vote des élus devraient déjà faire comprendre où se situe l’avis majoritaire, le rapport des commissaires enquêteurs attendu pour fin juillet devra être le “juge de paix“, suivi de la délibération des élus communautaires en septembre puis du contrôle de légalité avant la fin d’année. »
NV
Ré Agir veut se faire entendre
L’objectif d’Aurélien Ravet, directeur du camping Sunêlia Interlude au Bois-Plage, en créant l’association Ré Agir avec en plus de lui seize autres membres actifs, était essentiellement le maintien de l’activité économique dans l’île.
Les dix-sept membres de l’association appartiennent à des secteurs d’activité différents. Elle rassemble entre autres des commerçants, des entrepreneurs individuels, des artisans et des exploitants exerçant des activités primaires sur l’île. S’ils ont tous décidé de se réunir dans le cadre de cette association c’est pour qu’on les entende.
Jusque-là, comme l’explique Aurélien Ravet, bon nombre d’entre eux ont fait, en tant que professionnels, des propositions aux élus mais sans jamais réussir à se faire entendre. « Nous pensons que l’île doit rester sauvage et que pour cela il faut la protéger mais cela ne signifie pas qu’il faut la figer comme certains le souhaitent. Il faut maintenir la vie économique et pour qu’elle perdure intégrer les besoins des actifs pour qu’ils puissent travailler correctement. Nous sommes concernés par la défense de l’environnement au même titre que les associations environnementales car nous sommes conscients que cette qualité environnementale attire les touristes et amène de nouveaux résidents qui nous font vivre. » Pour schématiser : oui à la protection, non au musée, oui à la vie économique, non à l’immobilisme.
Parmi les préoccupations essentielles de l’association se trouvent l’installation sur l’île des jeunes agriculteurs, les futurs aménagements du littoral dont on ne sait s’ils prendront en compte le matériel à stocker et la hauteur appropriée pour les hangars à bateaux, la mise en place de quotas pour les mobil-home dans l’hôtellerie de plein air, jamais consultée selon Aurélien Ravet. Ces quotas réduisant le nombre des mobilhome entraînerait la réduction du personnel et le gel de certains investissements. Enfin, si l’association est d’accord avec la limitation de l’urbanisation à 20 % du résiduel constructible, elle s’inquiète de l’établissement du plan de prévention des risques naturels (PPRN) et de la pérennité des permis de construire précédemment accordés.
Pour se faire entendre et expliquer son action, Ré Agir organisera une réunion d’information le 18 juin à 18 heures aux Grenettes.
CB
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