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Il était une fois, à la Flotte, une poissonnière et trois marins…
Son sac de matelot bien rempli d’une bonne bouteille de bulles et d’une boîte des madeleines gourmandes dont elle a le secret, Jacqueline arrive au rendez-vous avec Henri, Claude et Patrick. L’équipage est au complet, prêt à appareiller pour évoquer ensemble une époque formidable.
Henri Fays et Claude Bobinet, 89 printemps chacun, se connaissent depuis leur plus tendre enfance. Leurs routes maritimes ne se sont jamais écartées, même par temps de brume ! Henri s’est retrouvé à 11 ans soutien de famille avec 6 soeurs.
Deux copains inséparables, en mer comme à terre
Il fallait travailler ! Après une éphémère tentative comme apprenti-boulanger, c’est la mer qui nourrira la famille. Il s’embarque pour la pêche au large en 1940, à l’âge de 13 ans, sur le « Roule ta bosse » commandé par Charles Pinault, et se souvient encore des marées de quinze jours en 1947: sur «l’Azur », le légendaire bateau du grand André Chaigne. « Un de mes meilleurs patrons ! A cette époque nous revenions les cales pleines de poissons » souligne Henri, qui, en 1954, navigua sur le « Louis-Monique » le dernier thonier du port de La Flotte, commandé par Pierre Pays. « Rassemblant mes économies, car les banques ne prêtaient pas facilement, je me suis fait construire mon propre bateau aux Chantiers d’Ors dans l’île d’Oléron. Je prenais le bac tôt le matin et j’allais avec ma mobylette, suivre sa construction à Ors. Mon coureauleur « Véronique » m’a accompagné de 1965 à 1981, par tous les temps. J’avais mon GPS dans la tête et je faisais mes filets moi-même, à ma façon unique, en tenant compte de la connaissance de mon bateau et de sa puissance moteur”.
Son complice Claude Bobinet a suivi les traces de son père dont le bateau « Le risque tout » n’était pas ponté. « Nous faisions la pêche aux moules, aux crevettes grises (bouc) que nous faisions cuire en arrivant, et aussi le chalut. En 1958, j’ai comme Henri fait construire mon bateau à Saint-Gilles-Croix de vie. Un coureauleur baptisé « Gagne ta croûte », avec lequel j’ai pêché jusqu’en 1981, des rougets, des soles, des céteaux… dans le pertuis breton. Nous avons arrêté la pêche la même année avec Henri. Nous avons aussi connu des années difficiles en 1970 avec la mortalité du banc de pétoncles. Je me souviendrai toute ma vie du panneau de 45 kg qui en me tombant sur le pied, m’a déboité tous les orteils que le grand Baptiste m’a remis en place en débarquant. Je l’ai aussi échappé belle quand j’ai dû couper mon ciré pris dans le cabestan, pour ne pas être broyé ». Henri et Claude rigolent aujourd’hui de toutes ces péripéties et de leurs facéties sur « le banc des accusés » quand ils décourageaient la sortie en mer des moins téméraires pour être les premiers sur zone de pêche.
Jacqueline, une sirène, bonne fée des marins flottais
Jacqueline Aumon est une figure inoubliable du commerce flottais, depuis 1959. Par tous les temps, à toute heure, Jacqueline attendait fidèlement le retour de pêche des bateaux pour acheter le poisson pêché. La vie de Jacqueline est unique. Scolarisée à l’école Sainte-Catherine, elle est une sportive, formée à la dure école de la gymnastique qu’elle pratiquait à la société « Pour la France ». A 14 ans, Jacqueline apprend sur le tas le métier de poissonnière chez Mme Chabot, mareyeur-armateur rue Charles Biret. « Mon père est décédé en 1959, mes frères et moi étions très jeunes et notre milieu modeste. Il fallait travailler et j’ai appris tout le métier, depuis l’achat du poisson au pêcheur ou à l’encan, jusqu’à la vente au magasin. La Flotte était alors un grand port de pêche où venaient les Noirmoutrins et les Sablais qui pêchaient aux pétoncles et aux coquilles. Quand Mme Chabot a pris sa retraite en 1965, j’ai créé ma poissonnerie rue du général de Gaulle » se rappelle Jacqueline avec un souvenir ému de Mr et Mme Poncet, qui lui prêtèrent le local.
La réputation de la poissonnerie fût à la hauteur du travail de Jacqueline, de ses mots aimables pour sa clientèle, mais surtout de la qualité irréprochable du poisson frais acheté aux marins comme Henri, Claude ou Patrick, ancien patron du Jemapa, qui à l’âge de 10 ans fût le matelot saisonnier de Jacqueline, portant déjà les caisses pleines de poissons.
En 1968, la poissonnerie s’installe définitivement rue du marché à la Flotte et ne désemplit pas, avec de longues files aux heures d’ouverture. « Des journées de travail bien remplies, qui commençaient avec le premier bac selon les saisons, 4 h 45 ou 5 h 45. Direction l’encan du vieux port de pêche rochelais, pour avoir la bonne place à la criée » explique Jacqueline, qui devait s’imposer dans un milieu d’hommes. « Je chargeais vite pour revenir avec le bac de 7 h 45 et installer le magasin ». Le souvenir du dernier bac sur le Gabriel Chobelet reste fort pour Jacqueline : « Souvent le capitaine m’attendait pour décoller du ponton le matin, et nous passions des traversées mémorables à apprendre les dernières nouvelles des uns et des autres. Tout le monde se parlait, c’était une autre époque et 42 ans de poissonnerie : un bonheur ». Modeste, elle ne dira pas combien sa poissonnerie dynamisa le commerce flottais, car la clientèle venait de tout le canton. Les souvenirs échangés et les sourires complices partagés avec Henri, Claude et Patrick en disent long sur leur amitié réciproque et la solidarité des gens de mer.
Nul doute qu’ils continueront la conversation sur le quai de la Flotte, autour de Jérémy, le jeune patron du Jemapa, qui vend depuis peu sur le quai son poisson frais pêché.
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