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Gustave Dechézeaux : une victime de la révolution
Gustave Dechézeaux, illustre Flottais, est l’un des fondateurs de la première République. Droit, intègre, en avance sur son temps, il lutta pour la liberté d’opinion et d’expression. Il fut un artisan de la Révolution française et l’une de ses premières victimes.
Né dans une famille protestante le 8 octobre 1760 à La Flotte, Gustave Dechézeaux sera néanmoins baptisé le lendemain à l’église catholique. C’était à l’époque, le seul moyen pour que les enfants issus de familles protestantes figurent sur les registres d’état-civil que tenaient les curés de chaque commune. Son père, Étienne-Laurent Dechézeaux, armateur aisé, vivait, comme beaucoup d’autres négociants installés à La Flotte et sur le port de Saint-Martin, du commerce du bois et du sel avec les pays du nord de l’Europe. Ces familles de négociants entretenaient des liens suivis avec leurs homologues nordiques et recevaient les enfants de leurs partenaires pour compléter leur formation. C’est ainsi qu’après des études à Paris, Gustave Dechézeaux, sera envoyé à 14 ans en tant que stagiaire en Hollande, à Beverwijk, où il apprendra les pratiques du commerce international et les langues étrangères. Il séjournera plusieurs années dans les pays où son père a des intérêts. En 1784, de retour dans l’île de Ré, il fonde un commerce d’armateur avec pour associé Jacob Lem, un Norvégien. N’oublions pas qu’il existait des liens privilégiés entre la Norvège et la famille Dechézeaux, puisqu’au moment de la révocation de l’Édit de Nantes, les Dechézeaux d’Ars, préférant quitter la France, s’étaient exilés à Bergen en Norvège. Gustave Dechézeaux reçoit une bonne éducation et ses voyages lui ont apporté une ouverture d’esprit que n’ont pas le reste de ses concitoyens. Nourri des idées du « Siècle des Lumières », il est convaincu de la nécessité de s’opposer à l’obscurantisme, de diffuser la connaissance auprès d’un public éclairé et de s’opposer à l’intolérance et aux abus de l’Église et de l’État. Séduit par la franc-maçonnerie, il y adhére. C’est un homme libre, intègre et sûr de son jugement. Il eut été étonnant, qu’il se contente de l’île de Ré pour mettre ses idées en application.
L’engagement en politique
En 1790, à 30 ans, il est nommé commandant de la Garde nationale. En 1791, il fonde la Société populaire de La Flotte. Après la fuite du roi à Varennes, l’assemblée propose au peuple de se former en Convention nationale. Gustave Dechézeaux se présente à la députation. Il est apprécié de tous y compris ses employés et connu pour sa générosité et son intégrité. Il est élu député du département de Charente-inférieure en même temps que dix autres députés ; le 6 septembre 1792. Il monte à Paris après voir sensibilisé les Rétais au fait que l’avènement de la République est proche et s’inscrit au groupe des Girondins dont il est loin de partager cependant toutes les idées. Lorsque la Convention doit juger Louis XVI, Dechézeaux, scandalisé par la mascarade du procès, prononce un discours qui scellera son sort. « C’est dans quatre jours que vous voulez que Louis Capet soit traduit à la barre, accusé, entendu et jugé. Législateurs ! Quels sont donc les motifs puissants qui peuvent vous faire oublier jusqu’aux premiers éléments de la justice ? Si Louis Capet n’est qu’un criminel ordinaire, vous ne pouvez lui refuser ce que la loi accorde aux autres, car l’exception serait injuste. » Le discours fit scandale, à Paris comme à Rochefort où se tenait le Tribunal Révolutionnaire de la Charente-inférieure. Gustave Dechézeaux ne modifia pas sa position et ne vota pas la mort du roi mais seulement sa détention. En ces temps troublés, il n’en faudra pas moins pour qu’il soit qualifié de contre-révolutionnaire et les machinations qui devaient le détruire se mettront alors en marche.
Exécuté à 34 ans
Isolé, Gustave Dechézeaux continue néanmoins à se rendre régulièrement à l’assemblée où il collabore activement à l’élaboration du texte, puis au vote de la Constitution de l’an I, la plus démocratique jamais connue en France et texte fondateur de la première république. Il adresse le texte à ratifier à ses concitoyens puis la ratification étant faite, il démissionne. Mais avant, au moment où les Girondins sont arrêtés, il fait une déclaration écrite dans laquelle il accuse la Convention, déclarant qu’elle n’était plus libre et attaque de front les députés. Il signe ainsi son arrêt de mort. Il rentre chez lui. Ses fidèles lui conseillent de fuir en Angleterre car sa démission lui ôte tout protection. Le 6 novembre 1793, Lequiniot et Laignelot, conventionnels en mission, le font arrêter. Condamné à mort pour le motif d’avoir conspiré contre la République, il est condamné et guillotiné à Rochefort immédiatement après la lecture du jugement, le 17 janvier 1794. C’est dire à quel point les justes font peur. Il laissait une épouse Marguerite-Françoise et deux fi llettes. Sa veuve et son frère Achille Dechézeaux obtiendront sa réhabilitation et que ses biens soient rendus à ses héritiers, le 18 avril 1795.
Sources : Histoire de l’île de Ré du Dr Kemmerer, Les Grandes heures de l’île de Ré de Bernard Guillonneau, L’histoire de l’île de Ré d’A. Gaudin
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