Gisèle Vergnon et Patrick Rayton à livre ouvert
L’une l’avait annoncé dès 2020, l’autre a gardé le suspense jusqu’en fin d’année 2024 : les maires de Sainte-Marie de Ré et La Couarde-sur-Mer ont confirmé qu’ils raccrochaient les crampons en 2026. Dialogues à bâtons rompus entre deux élus que Ré à la Hune suit depuis 2008 et a réunis un matin de février pour croiser leurs regards sur la fonction de maire, sur l’île de Ré.

Gisèle Vergnon tout comme Patrick Rayton ont la sérénité que seule l’expérience peut conférer, l’amour de leur territoire et de ses habitants chevillé au corps depuis 1995 pour Patrick, 2008 pour Gisèle. L’un comme l’autre a cessé son activité professionnelle pour se jeter à corps perdu dans la « vie politique ». Entre guillemets, car ici point de politique de droite ou de gauche, point de politique politicienne, mais bien la politique dans son sens le plus noble, celui de la vie de la cité, de l’organisation de l’action publique… et non dans une optique de lutte de pouvoir…
Itinéraire initiatique pour Patrick Rayton
Enfant du pays, Patrick Rayton a eu un mentor en politique en la personne de Paul Neveur qui l’a très tôt pris sous son aile, tout en lui laissant une grande liberté d’action. Ainsi, après avoir fait part au maire de La Couarde de son envie de s’investir dans la vie communale, il rejoint son équipe municipale dès 1995, alors âgé de 35 ans et réalise un mandat à ses côtés en tant que président de la commission des finances. Dès 2001, après des élections « tendues » puisque la liste d’opposition conduite par Michel Pelletier passe cinq élus au premier tour, contre trois pour la liste du maire sortant, qui sera finalement bien élue au second tour, Patrick Rayton devient le premier adjoint du maire, en charge des travaux et des finances. A mi-mandat, en 2005, Paul Neveur lui annonce qu’il entend lever le pied : « Cela va te préparer ! », argumente-t-il, le faisant aussi entrer à la CdC, en remplacement d’Anne Jouvin, déléguée communautaire démissionnaire. Alors Secrétaire général adjoint de la CAPEB 17 et ayant ouvert un magasin de décoration avec son épouse à La Couarde, Patrick démissionne de la Confédération en 2006 pour se consacrer pleinement à la vie municipale. « Avec Paul, c’était facile de travailler, entre 2001 et 2008 il m’a accordé une confiance extraordinaire ». Patrick se présente ainsi en tête de liste en 2008, avec pour premier adjoint Rémi Palito, avec qui il travaillait depuis très longtemps au niveau de représentations électives en Charente-Maritime. 2008, 2014 puis 2020, sa liste sera d’autant mieux élue qu’aucune liste adverse ne se constitue ! Dès 2008, il devient vice-président à la CdC, délégué à la gestion des ordures ménagères et à la promotion des produits du terroir, puis en 2020 devient premier vice-président de la CdC, délégué au littoral, à l’instruction de l’urbanisme, à la planification du PLUi et aux grands travaux. Constructeur, aménageur, organisateur, il l’est tout le temps, dans sa commune et sur l’ensemble des projets intercommunaux.
Violent conflit masculin pour Gisèle Vergnon
Bien loin de cet itinéraire initiatique, Gisèle Vergnon qui n’avait occupé aucune fonction élective jusqu’alors à Sainte-Marie, rejoint en 2007/2008 une liste qui la sollicite, avant que très vite certains lui demandent d’en prendre la tête. Elle consacre les huit mois qui suivent à cela, abandonnant le projet professionnel dans le secteur du tourisme qu’elle entendait lancer après avoir quitté l’Hôtel de La Monnaie à La Rochelle, qu’elle a très longtemps dirigé. Elue maire en 2008 face à Jacques Boucard, maire sortant, elle crée la surprise et l’avoue volontiers « Je n’avais aucune connaissance, aucune compétence, aucun engagement politique. Et aucune prétention. » Sur la liste, cinq femmes et dix-huit hommes, la parité n’a pas encore été introduite en politique ! Très vite, le climat devient conflictuel, cinq élus de son Conseil lui demandant de se cantonner à de la figuration et à son bureau et de leur laisser la main. Inenvisageable pour cette femme combative, qui avait courageusement accepté de mener la campagne municipale, avec succès. Peu préparée, violemment prise à partie, Gisèle tiendra bon. Onze des élus hommes démissionnent, provoquant de facto des élections complémentaires, dans un très court délai… d’un mois. Gisèle, soutenue par les autres femmes du Conseil et la DGS de la mairie, emporte celles-ci et attaque son second mandat de 2010 à 2014. Puis elle remporte les élections en 2014 et en 2020, annonçant alors son intention d’en rester là à l’issue de ce 4ème mandat. Ayant en 2008 voté pour Léon Gendre à l’élection indirecte de la CdC, elle ne fera pas partie du Bureau lors de ce premier mandat, étant simple déléguée communautaire. Elle deviendra vice-présidente déléguée au tourisme en 2014, puis DG de la SPL Destination Île de Ré lors de la prise de compétence tourisme par la CdC et viceprésidente Environnement.
Précurseur, Gisèle sera la seule femme maire de l’île de Ré de 2008 à 2020, rejointe depuis par deux collègues féminines à Arsen- Ré et Saint-Clément. « Le regard des hommes a beaucoup changé au fil des années, notamment avec l’instauration de la parité obligatoire à partir des élections municipales de 2014 », (sauf pour les communes de moins de mille habitants, où le panachage est de mise).
Deux profils et deux parcours très différents donc, et pourtant beaucoup de constats partagés et une grande solidarité entre eux…
Pourquoi tourner la page en 2026 ?
A commencer par leur souhait de tourner la page en 2026. Mais pourquoi ? « J’aurai 70 ans en octobre 2025, j’ai été totalement engagée jusqu’à aujourd’hui avec de très longues journées de travail, pas de vie extérieure depuis seize ans, j’ai besoin de profiter de ma famille, de mes amis, de bouger et puis il est temps de laisser la place aux jeunes ! », explique Gisèle Vergnon, dont le rêve le plus cher est d’« avoir du temps, plus d’horaires ni d’agenda, poser le téléphone ! » Même son de cloche pour Patrick Rayton : « Ce qui me bouffe à titre personnel, c’est l’agenda, on en devient totalement tributaire, géré par celui-ci, quitte à se tromper parfois de priorités. » « Dans ma tête, j’avais décidé de ne pas dépasser 70 ans. J’aurai 67 ans en 2026, soit 73 ans à la fin du prochain mandat. J’ai à peu près dix ans où je peux être encore en forme, voyager avec ma conjointe, profiter de la vie, elle aussi a subi mon agenda depuis trois mandats de maire et bien plus. Cela devient de plus en plus lourd, cette fonction de maire avec toutes ces contraintes administratives. Ce n’est pas la motivation pour mon village qui me manque, mais il faut être raisonnable. Je vais pouvoir faire plus de sport, voir mes petits-enfants, produire gambas et huîtres dans mon marais, cultiver mon potager, voyager et randonner… » Vivre, quoi !
Rapport d’étonnement !
Tous deux venus d’une vie professionnelle toute autre, qu’est-ce qui les a le plus étonnés dans leurs mandats de maire ? « Le rapport de forces dans la vie publique », lâche tout de go Patrick Rayton. « Elu démocratiquement, je croyais que le maire avait du pouvoir, or il doit en permanence se justifier dans ses relations avec l’Etat et en référer à ses représentants. Nos administrés pensent que c’est nous qui décidons, mais c’est loin d’être aussi simple, nos pouvoirs sont très limités et nous sommes confrontés à la lourdeur administrative. Quand on écrit au Préfet, il met souvent trois mois pour répondre, a contrario l’Etat nous demande souvent des réponses à ses sollicitations dans les quinze jours. Je ne percevais pas cette réalité comme cela, de devoir toujours référer… Les services de l’Etat sont suspicieux sur les décisions des élus. » Gisèle Vergnon ne dit guère autre chose, évoquant « la lenteur administrative, le poids de la hiérarchie – Département, Région, Services de l’Etat. Même quand on prend à bras le corps un dossier, on est soumis à des procédures et des études… qui nous sont reprochées. »
Xynthia et la détresse humaine les a marqués au fer rouge
Quant à ce qui les a le plus marqués, l’un et l’autre, au cours de ces trois mandats de maire, Xynthia et ses traumatismes arrivent largement en tête. « Cela nous a marqués bien au-delà du visible mais a aussi singulièrement renforcé notre solidarité entre élus à la CdC. Avec les nouveaux élus arrivés après 2020, la solidarité existe mais sous une autre forme. La détresse humaine, la dimension humaine de notre fonction prend tout son sens quand il faut intervenir dans l’urgence, trouver des solutions puis préserver ensuite le territoire, mouiller la chemise durant quinze jours non-stop, avec une mairie alors ouverte 24h/24. Cela a été très marquant et en même temps on constate que les gens oublient très vite. », estime Patrick Rayton. Même si Sainte-Marie a été comparativement Couarde, Gisèle Vergnon se rappelle encore de son arrivée à Atalante à 3 heures du matin, « où une vague d’1,80 m venait de desceller les baignoires, et le cataclysme sur le site. La solidarité entre élus a été très forte, on a enchaîné avec les réunions d’urgence à la CdC où le partage fut bien au-delà de la solidarité, autour de la défense de notre territoire. »
Evidemment, les situations de détresse humaine auxquelles les maires sont confrontés les marquent profondément au cours de leurs mandats. Ils en parlent peu, par discrétion et par pudeur, mais cette détresse est ancrée au plus profond de leur chair, à laquelle ils essaient de trouver des solutions. Car le maire est avant tout un élu de proximité, souvent le dernier recours quand on a frappé à toutes les portes. « C’est un travail de l’ombre, souvent fait de plein de détails, dont on ne parle parfois même pas aux élus de l’équipe… Mais ce que je retiens aussi, c’est le plaisir de travailler en équipe, avec les élus et les collaborateurs, j’ai plaisir à venir en mairie, le côté humain, les relations humaines sont une nécessité liée à notre dimension de proximité, cela ne se fait pas en visio ! », tacle Patrick Rayton à l’égard de ce candidat potentiel, pensant pouvoir gérer la commune depuis sa résidence principale, à Paris ! « L’écoute et le temps induit sont primordiaux. »
« Un jour, j’ai été contactée par un Monsieur qui dormait dans sa voiture, j’ai tout lâché et passé ma journée à chercher une solution pour qu’il soit hébergé le soir même », se rappelle Gisèle Vergnon, en guise d’exemple de situations auxquelles elle fut confrontée. Des actes nobles, qui donnent tout son sens au rôle du maire, ils en auraient beaucoup à raconter, l’un et l’autre comme tous leurs collègues maires.
De belles réalisations et des craintes
Mais de quelles réalisations sontils le plus fiers ? « Le pôle médical et le marché du Mail, auxquels on a commencé à penser en 2005, portés sur leurs fonds baptismaux en 2009 et qu’il aura fallu cinq années pour réaliser », pour Patrick Rayton. Tandis que Gisèle Vergnon cite d’emblée le logement et les 97 maisons construites.
Leur plus grande crainte ? « Si l’école de La Couarde devait fermer. En 2008, mon plus grand regret a été la fermeture d’une classe, on se bagarre pour cette école, on travaille au RPI (Regroupement pédagogique intercommunal) avec Saint-Martin, on fait des efforts importants en termes de logements, avec 27 nouveaux logements sociaux prévus à La Couarde et 25 à Saint-Martin, soit plus de cinquante nouveaux logements dans les trois ans. Une école est essentielle à la vie d’un village. »
Gisèle Vergnon est pour sa part « chagrinée » voire inquiète par la qualité de la restauration collective (scolaire, crèches, maisons de retraite, CDAIR) sur l’île de Ré.
Ouvrir une nouvelle page, sans regrets
Auront-ils des regrets, à l’heure de rendre leur écharpe de maire ? « J’ai du mal à regarder derrière, j’ai des projets personnels, je n’aurai pas de regrets », affirme le maire de La Couarde qui s’interroge toutefois sur l’évolution des moyens des collectivités, même sur l’île de Ré, même à la CdC. Pas de regrets non plus en perspective pour la maire de Sainte-Marie, qui espère surtout que l’île de Ré et sa CdC resteront « préservées » de la Communauté d’agglomération rochelaise. « Même si les élus rochelais nous disent que cela ne changerait rien, je crois tout le contraire et l’île de Ré perdrait à coup sûr son identité. »
Pour être un bon maire, à leurs yeux, il faut beaucoup d’écoute et d’humanisme, agir en son âme et conscience, savoir écouter et ensuite prendre les bonnes décisions, savoir dire non à des administrés mais aussi à des élus ou des collaborateurs. Et surtout ne pas attendre de remerciements. « Les reproches sont difficiles à encaisser sur le coup mais on passe vite à autre chose, on est là pour le regard collectif ! »
Une fois n’est pas coutume, Ré à la Hune remercie ces deux maires de leur disponibilité et de leur confiance souvent manifestée depuis 2008, notre journal (créé fin 2007) a grandi avec eux, les a observés, a témoigné de leurs actions et continuera son chemin, en espérant les croiser régulièrement au détour d’une venelle de village, sur un chemin de marais… ou au fil des mots qui remplissent nos pages.

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