Gilets jaunes : le combat continue
Frédérique Fertault-Michel, une femme gilet jaune engagée
Cette maman-célibataire de trois grands-enfants, aide-soignante à la recherche d’un emploi, vit à Saint-Martin. Frédérique Fertault-Michel, surnommée « la maman des gilets jaunes » sur l’île est engagée dans ce mouvement depuis le 17 novembre dernier et co-fondatrice avec Didier Bernard du groupe Ile de Ré en colère sur Facebook. Rencontre avec cette femme citoyenne impliquée.
Ré à La Hune : qu’est-ce qui a motivé votre mobilisation au sein de ce mouvement ?
Frédérique Fertault-Michel : mes enfants. Les deux grands ont une situation professionnelle stable, en CDI, ils sont domiciliés sur l’île mais travaillent à l’extérieur. Le coût du gas-oil est tel que leurs allers retours quotidiens amputent beaucoup leur budget, dès le milieu du mois c’est compliqué et difficile. Je veux que mes enfants puissent bénéficier de leur salaire pour en profiter, se faire plaisir. En tant que maman je m’inquiète pour l’avenir de mes enfants et notamment le dernier âgé de 14 ans.
Qu’attendez-vous du Gouvernement et du Président de la République ?
Quelles seraient les mesures à la hauteur de vos attentes ?
Tout d’abord que le Président nous écoute et ne pratique plus la politique des trois singes : rien voir, rien entendre, rien dire. Que le Président baisse les taxes sur les produits de première nécessité, baisse du train de vie de l’Etat comme la baisse des pensions de retraites et salaires des députés et sénateurs, un Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) pour redonner la parole au peuple directement sans passer par le parlement, le retour de l’ISF…
Que pensez-vous du déferlement de violences ?
Les forces de l’ordre énervent trois fois plus les gens avec la violence. Nous allons manifester pacifiquement, par exemple faire une marche à Bordeaux en décembre où pour la première fois de ma vie je me suis fait gazée par les CRS. J’étais énervée mais cela ne m’a pas découragée. On ne lâchera pas. On n’arrêtera pas. Ce n’est pas forcément un discours belliqueux mais un discours d’espoir. Les gens qui participent au mouvement des gilets jaunes ont reconquis un peu d’estime de soi, alors qu’ils se sentaient humiliés, méprisés. Cette détermination est porteuse de courage. « Ce mouvement m’a fait rencontrer de belles personnes, on redevient humain et cela personne ne pourra me l’enlever. On vit une entraide incroyable et belle. Sur l’île, ce sont près de mille personnes qui ont rejoint les rangs du mouvement ».
Propos recueillis par Florence Sabourin
Les femmes parmi les gilets jaunes
Frédérique Fertault-Michel malgré la fatigue, continue à préparer des actions, faire signer des pétitions, participer aux marches, imaginer des opérations d’envergure, attendre comment va s’organiser le grand débat national… afin d’être entendue et que le Gouvernement et le Président répondent à cette détresse collective.
Présentes en masse sur les rondspoints, dans la rue lors des manifestations, les femmes sont depuis le début très mobilisées.
Les femmes représentent 45% des gilets jaunes
Surgies des classes moyennes et populaires, elles portent et incarnent ce mouvement. On les voit, on les entend ce qui est assez rare dans ce type de mouvement social. Elles représentent 45% des gilets jaunes. Pour l’économiste Rachel Silvera(1), si tant de femmes ont enfilé le gilet jaune, « c’est parce que le mouvement parle concrètement de la baisse du pouvoir d’achat. Car ce sont elles, le plus souvent, qui essaient de remplir le caddy sans se mettre dans le rouge à la fin du mois ».
Beaucoup de ces femmes qui bloquent des péages ou défient la police ne se sentent pas représentées par les partis ou les syndicats, considérés comme des bastions masculins, surtout la CGT, alors qu’elles sont nombreuses dans les associations. Sans doute aussi, les syndicats donnent l’impression de défendre avant tout les salariés des grandes entreprises du public et du privé.
Or les femmes en jaune ont souvent des statuts flous, flottants : CDD à répétition, intérimaires, auto-entrepreneuses à tous petits revenus, et parfois plusieurs casquettes, précaires, salariées isolées à domicile (assistantes maternelles, aides à domicile des personnes âgées, femmes de ménage). Et surtout, parmi elles, beaucoup de femmes à temps partiel, comme 30% des actives, contre 8% des hommes. La précarisation des emplois frappe de plein fouet les femmes : elles représentent les 3/4 des salariés à bas salaires. Ce qui frappe, c’est aussi la présence de nombreuses seniors et retraitées en jaune. Mais la hausse de la CSG n’était pas leur seule angoisse. « Elles ont peur de toucher une retraite minable. Il y a une vraie peur de la pauvreté future, quand on a connu des interruptions de carrière, du temps partiel, des inégalités salariales. Actuellement, les pensions des femmes sont déjà environ 40 % moins élevées que celle des hommes ».
Sans oublier Une explosion du nombre de mères monoparentales. Les femmes représentent 85 % des familles monoparentales selon l’Insee, autant de sujets pointés par ce mouvement en quête de justice sociale.
Florence Sabourin
Les cahiers de doléances et le grand débat national
Jusqu’à ce jour aucune démocratie ne s’est livrée à ce type d’exercice. Sur l’île de Ré, Patrice Raffarin, le maire de Rivedoux, a décidé en écho à l’appel du Président de l’Association des Maires Ruraux de France de participer à l’opération « mairie portes ouvertes » et d’ouvrir un cahier de doléances. 3 à 5000 communes en France sur 35 000 ont répondu également à cet appel. Le samedi 8 décembre, date nationale retenue, les Rivedousais et autres Rétais ont été nombreux à venir déposer leurs doléances en mairie, sur un cahier destiné à ce recueil.
Face à ce nombre incroyable de retours de la part des administrés, pour bon nombre ne faisant pas partie du mouvement des gilets jaunes, Patrice Raffarin a pris l’initiative de laisser ouvert le cahier des doléances toute la semaine qui a suivi et encore aujourd’hui, le cahier s’enrichit et se nourrit tous les jours. Les sujets principaux sont la fiscalité, le train de vie de l’Etat, le retour de l’ISF. La semaine dernière, une copie de ce document a été adressée au Président de l’Association des Maires Ruraux de France, Monsieur Berberian, qui l’a remis avec ceux des autres communes, au Président Emmanuel Macron lors d’un rendez- vous à l’Elysée le 14 janvier dernier. Par ailleurs, deux autres copies ont également été adressées à notre Député Olivier Falorni et au Préfet.
Une certaine amertume
Patrice Raffarin nous confiait subir, en tant que maire, comme la population, des décisions verticales, venues d’en haut, sans concertation. « Ce grand malaise social de nos citoyens, nous les maires, nous le ressentons depuis des années. Il monte, il monte… et il aura fallu ce mouvement des gilets jaunes pour que l’Etat se rende compte de sa déconnexion avec la base. Depuis le début de ce mandat, les maires sont maltraités, méprisés. Le dialogue est rompu. On ne réussira pas la France sans les communes. Je suis amer. Quel gâchis… ».
D’ailleurs, l’Etat a bien compris le rôle majeur que peuvent jouer les communes dans le grand débat national et il va les utiliser. « Je veux être optimiste et favoriser l’expression citoyenne. Nous allons proposer à Rivedoux plusieurs choses pour qu’il résulte de cette consultation une avancée. Le cahier des doléances se poursuit, une réunion publique aura lieu pour rencontrer nos administrés, quatre réunions seront organisées autour des quatre grands thèmes de la lettre du Président adressée aux Français. Nous mettrons à disposition des personnes ressources autres que les élus pour animer le débat. Je me rendrai disponible pour des rendez-vous individuels et permettre de renouer le dialogue, certaines personnes préférant ne pas débattre en public ».
Toutes ces doléances doivent nourrir le grand débat qui se tient actuellement même si sept Français sur dix pensent que cela ne servira à rien et réfutent ce grand débat qui vient du haut… Edouard Philippe le Premier Ministre assurait : « Les gens font un effort pour venir déposer leurs doléances, c’est qu’ils s’impliquent. On va entendre, on va écouter et on va en tenir compte ».
Florence Sabourin
Une salle pour les Gilets Jaunes : La municipalité de Rivedoux plage a décidé le 17 janvier de mettre à disposition des Gilets Jaunes la salle d’extension de la salle des fêtes de la commune tous les lundis de 14h à 22h. Ils pourront ainsi s’y réunir et prévoient d’y tenir une permanence.
Grand débat public à Rivedoux : La Municipalité de Rivedoux-Plage organise un débat public mercredi 13 février 2019 à 18h30 à la salle des fêtes, ouvert à tous les citoyens. Seront débattus les quatre thèmes du grand débat national, avec un animateur neutre.
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