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- Interview de Léon Gendre, maire de La Flotte et conseiller général
« Garder son idéal en politique, c’est rare, je m’y suis toujours attaché »
Ré à la Hune a interviewé Léon Gendre, dont l’engagement politique local depuis 38 ans en fait une figure incontournable de l’île de Ré et du Département. Souvent « seul contre tous », il a toujours suivi ses convictions.
Ré à la Hune : Quelle est votre position par rapport aux réformes territoriales en cours ?
Léon Gendre : Le mille-feuilles territorial dont on fait le procès n’existe pas, les stratifications de l’État existent depuis des lustres, le découpage administratif date du temps de la Royauté et les Départements sont les héritiers des Provinces, ils sont nés au lendemain de la Révolution et ont pris leur indépendance dans les années 1880. Ce n’est que depuis 1982 que les Départements votent puis exécutent les décisions ainsi votées. Les Régions quant à elles datent de Pompidou et de Gaulle. En France, les citoyens ne savent pas comment fonctionne leur pays.
Ce serait une erreur historique monumentale que de supprimer les Départements, qui sont les collectivités les plus proches des communes, dont les fonctions sont éminentes. En matière d’économies, c’est l’État qui devrait les réaliser. L’État s’est servi des DGF – dotations globales de fonctionnement – pour intensifier les communautés de communes, d’agglomération et les centres urbains, ce qui constitue une faute. Le système avec quatre pôles : communes, CdC/CdA, départements et régions, fonctionne très bien.
Je pense que la suppression des financements croisés serait une source importante d’économies. Par exemple en matière de relance économique, il y a des redondances entre la Ville de La Rochelle, la CDA, le Département et la Région, on ne sait plus qui fait quoi… Chacun a son staff et dépense beaucoup d’argent, parfois inutilement. Il faut resserrer les compétences.
Je suis par contre favorable à la constitution de dix grandes Régions au maximum et au maintien des Cantons. Je suis viscéralement opposé au binôme et pour le maintien des 51 cantons. Il y a actuellement 10 femmes au Conseil général, très compétentes, comme Marylise Fleuret-Pagnoux, Corinne Imbert, Sylvie Marcilly, Patricia Friou…
Il se dit que vous ne vous représenterez pas aux prochaines cantonales face au vraisemblable binôme que constitueront Lionel Quillet et Gisèle Vergnon, est-ce exact ?
Je suis élu depuis mars 1977 à la Mairie de La Flotte, ce qui fait 38 ans de mairie, je suis rentré au Conseil général en mai 1985, et y ait été réélu en 2011, face à Patrice Raffarin, soit 30 ans de mandat. Il y règne une très bonne ambiance sans clivage fort, ni conflit violent, entre la droite et la gauche, même si chacun défend une conception politique très différente. J’arrêterai ce mandat en 2015 – il se pourrait que le Conseil Constitutionnel ramène les élections à mars 2015 (NDLR : au lieu de fin 2015) – j’aurai 78 ans et j’entends me consacrer alors à mon mandat de maire. J’ai vu passer 42 maires, près de 900 élus, nous ne sommes que 12 maires en Charente-Maritime à avoir été élus puis réélus 7 fois !
Outre mon opposition au binôme, mon épouse m’a demandé d’arrêter en 2015 mon mandat de conseiller général, elle considère que nous avons assez « donné ». J’estime, pour ma part, avoir fait tout ce que je pouvais dans cette fonction. Et puis le mandat de maire est de loin le plus beau mandat, qui comporte un double avantage, celui même d’élu mais aussi celui de représentant de l’État, de premier magistrat. Et il me reste de belles choses à faire à La Flotte jusqu’à mes 83 ans !
« Dans le contexte actuel, je ne m’opposerai pas à la candidature d’un binôme Lionel Quillet / Gisèle Vergnon aux prochaines élections cantonales »
Dans un contexte actuel de canton unique pour l’île de Ré et de binôme, je ne serai pas candidat et ne serai pas opposé à une double candidature Lionel Quillet / Gisèle Vergnon.
Quelles sont les principales actions que vous avez menées au Conseil général ?
En tant que président de la Commission environnement – économies d’énergie – gestion des espaces naturels – déchets, mais aussi en tant que vice-président au Conseil des Rivages du sud-ouest et au Conservatoire du Littoral, j’ai été le porte-parole environnemental au Conseil général pour toute la Charente-Maritime et favorisé l’intensification des acquisitions d’espaces naturels. En la matière, c’est l’île de Ré qui a le plus d’avance, nous possédons 1500 hectares sur 6000 hectares d’espaces naturels. Si nous en avions la possibilité, je serais favorable à ce que l’on achète tout, sauf dans le cadre des marais et des terres cultivées par les agriculteurs, et des extensions d’activités primaires. Je ne viendrai jamais concurrencer un professionnel.
On vous a parfois reproché, notamment lors de la dernière campagne des cantonales, de ne pas gérer ces espaces préemptés, qu’en est-il ?
Pour gérer, il faut posséder une entité, on ne peut gérer des petits bouts. Exceptées les Evières, nous n’avons pas beaucoup d’entités. Sur La Flotte, les espaces sont plus concentrés, mais ailleurs sur l’île de Ré nous sommes sur du « gruyère »…
Vous avez voté pour Lionel Quillet en tant que président de la CdC, lors des élections communautaires de 2014 et vous avez même participé à la dernière réunion publique ayant trait à la révision du PPRL, alors que vous n’aviez assisté à aucune des précédentes réunions. Vos relations avec Lionel Quillet et vos collègues maires des 9 autres communes de l’île de Ré se sont-elles apaisées ?
J’estime que Lionel Quillet est un bon maire à Loix, il y mène un peu le même type de politique qu’à La Flotte, il a bien géré le développement maîtrisé du village, dans un périmètre contenu, l’équipement de sa zone artisanale, les équipements sportifs. À la CdC il s’est bien battu pour la défense des côtes et la politique du logement me paraît bien abordée, avec notamment le rachat des Brises Marines et celui de la Maison de Retraite de Saint-Martin, pour laquelle j’ai aussi oeuvré… Tout cela va dans le bon sens, et je ne suis pas forcément en opposition avec Lionel Quillet, mais plus avec les Maires qui exercent une pression politique sur lui.
Ma principale opposition porte sur le SCOT, je pense qu’il faut revoir complètement la capacité d’accueil de l’île de Ré et travailler parcelle par parcelle, en restant contraignant. Je reproche aux élus d’avoir transformé les prescriptions du résiduel constructible en préconisations, après l’enquête publique. C’est pourquoi j’ai attaqué le SCOT. Le Tribunal Administratif devrait se prononcer en 2015.
Avec la loi ALUR, la problématique des élus ne va-t-elle pas être plutôt d’empêcher la densification urbaine, sachant que les principaux outils de contrainte disparaissent ?
Non, il y a les AVAP (Aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine, naturel et bâti) qui succèdent aux ZPPAUP et permettent de maîtriser l’urbanisation. À La Flotte, notre PLU et notre AVAP sont prêts, il nous suffira d’assembler les deux. Je travaille à cet égard très différem-ment de mes collègues maires, nous avons réalisé l’inventaire parcelle par parcelle du résiduel constructible, segmenté par superficie. Si La Flotte n’a plus que 15 hectares à urbaniser, la commune de Sainte-Marie en a 45 hectares et j’ai largement donné mon avis lors des réunions de PLU de Sainte-Marie, tout comme à celles de Rivedoux, en tant que Maire de commune limitrophe. Sainte-Marie, Rivedoux et Le Bois ont des résiduels constructibles énormes, ainsi que Les Portes.
« J’ai géré La Flotte avec une politique très différente de celle menée dans les autres communes, c’est de là que vient mon divorce avec les autres maires de l’île de Ré »
La loi Alur est conçue pour les grandes villes, la France est incapable de régler son problème de logements : en Allemagne, le coût du logement représente 13 % des revenus des ménages, là où il représente 30 % des revenus des Français ! Avec mon AVAP sur La Flotte je peux n’avoir à terme que 120 à 150 maisons supplémentaires, alors que théoriquement il y aurait un potentiel de 450 maisons si nous ne gérions pas le résiduel constructible de façons très contraignante. Dès 1977, j’ai dessiné la commune de La Flotte avec une politique très différente de celle menée dans les autres communes, c’est de là que vient le divorce de Léon Gendre avec les autres maires de l’île de Ré. En politique on ne s’aligne pas, on suit ses convictions et son idéal. Garder son idéal c’est rare, c’est ce à quoi je me suis toujours tenu.
Pourquoi n’avez-vous pas été solidaire de Lionel Quillet et des autres maires dans leur combat contre l’État dans le cadre de la révision du PPRL de l’île de Ré ?
Si je reconnais que l’État a eu la main un peu lourde, j’estime que l’on peut contester dans rentrer en conflit ouvert, a fortiori avec la Préfète qui n’est que le porte-parole du Ministère et à l’égard de laquelle Lionel Quillet et les maires ont manqué de courtoisie. On dialogue avec les autorités, sans se fâcher. Par ailleurs, prendre comme chefs de file les agents immobiliers n’a pas été judicieux, les entrepreneurs sont plus légitimes à le faire. Au final, il ne faut pas se leurrer, la carte sera celle de l’État, qui est un document technique et politique…
Soutenez-vous le combat des professionnels de la mer face à la dégradation des eaux littorales ?
Oui, évidemment, mais je suis époustouflé de voir que les ostréiculteurs et les myticulteurs ne mettent pas en cause l’agriculture intensive, par solidarité professionnelle sans doute.
Pourtant lors des barrages filtrants sur le Pont de l’île de Ré début juillet, ils ont bien incriminés les produits phystosanitaires et les nitrates utilisés notamment par les céréaliers ?
Non, je n’ai lu cela nulle part dans les médias (NDLR : Ré à la Hune s’en est pourtant fait l’écho). Le Président de la Chambre d’Agriculture de Charente-Maritime, Luc Servant, m’a envoyé un courrier en date du 16 mai 2014 me reprochant mes propos tenus lors de la réunion du Conseil général du 25 avril 2014, qui ont certes été rapportés sous une forme un peu brutale dans Sud- Ouest. Mais sur le fond, je ne renie aucun de ces propos et j’ai répondu à Luc Servant le 22 mai lui rappelant que je ne suis pas le seul à me poser des questions quant à l’impact des pratiques agricoles intensives, la Charente étant décrite dans les conclusions d’analyses et études menées par les agences de l’eau sur l’état des eaux des fleuves et rivières de France comme un « nid à pesticides utilisés par l’agriculture ».
Petit à petit, l’agriculture est devenue dépendante de ses nombreux partenaires, entre autres les industriels des produits phytosanitaires et les banquiers qui obligent à encore mieux rentabiliser les exploitations. Mon propos n’est pas d’accabler la profession qui m’est chère… Mais la FNSEA pèse très lourd…
Vous avez récemment reproché aux élus rétais de ne pas vous avoir communiqué l’utilisation faite de l’écotaxe, pour la gestion de laquelle vous avez reçu délégation du Président Bussereau, or ceux-ci maintiennent qu’ils vous ont fourni toutes les informations lors d’une réunion qui s’est tenue au Conseil général. Ré à la Hune a d’ailleurs fait un article complet sur l’utilisation par les communes de cette écotaxe, obtenant sans difficultés les informations des 10 communes. Qu’en est-il ?
Je maintiens que nous n’avons pas eu communication de ces informations et de l’utilisation faite des 650 000 € qui reviennent aux communes.
Êtes-vous favorable au Parc Naturel Marin et que pensez-vous du développement du Grand Port Maritime de La Rochelle ?
Jacques Toubon, arrivé en fin d’entretien : Le Parc Naturel Marin peut créer un environnement favorable face au problème de la dégradation des eaux littorales. Quant au développement portuaire, il faut le replacer dans des perspectives historiques, qui ne sont pas forcément écologiques, et vont vers la poldérisation, ainsi que dans un contexte économique difficile.
Léon Gendre : Je suis favorable au développement du Grand Port Maritime sur des bases étudiées et dès lors que l’on prolonge l’A831 pour optimiser le trafic routier.
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