Françoise Verchère, témoignage d’un combat
En prolongement de son AG, MAT-Ré avait prévu en ce samedi 23 octobre un débat public, animé par Françoise Verchère, figure représentative du combat mené sur l’emblématique dossier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Se revendiquant « fille de la République » ayant une « haute vision de la notion d’utilité publique », Françoise Verchère raconte comment elle s’est retrouvée directement concernée. En tant que Maire de Bouguenais tout d’abord (commune d’implantation de l’actuel aéroport nantais), le projet l’interroge, « mais plus on pose de questions moins on a de réponses », souligne-t-elle, puis en tant qu’élue du Département de Loire-Atlantique, dont elle quittera la vice-présidence « en raison des contradictions ». « On nous demandait d’un côté de préserver l’environnement et de l’autre d’autoriser la destruction de 1 500 hectares de zones humides où naissent les rivières », explique-t-elle, précisant non sans humour qu’elle « ne sait pas faire le grand écart ».
« Les armes du Droit »
Libérée de ces fonctions, Françoise Verchère s’engage alors dans le combat et participe à la création d’un collectif d’élus qui de 2010 à 2018 « sera l’un des piliers de la lutte fondée sur le trépied Juridique-Politique-Citoyen ». « La ZAD de Notre-Dame-des-Landes en est l’un des éléments mais ce n’est pas le seul », précise-t-elle, apportant sur celle-ci un éclairage un peu différent de la version médiatique.
S’engagent alors six années de lutte sur le fond du dossier. Sur le plan juridique, tous les actes ont été attaqués. De nombreuses batailles qui donneront lieu à deux victoires significatives : « La première a permis l’accès à l’Europe, l’autre se gagnera devant le Conseil d’Etat sur un argument que nous défendions depuis le début », énonce Françoise Verchère. Tout cela mènera en 2018 à l’annulation du projet. « Mais la justice peut arriver beaucoup trop tard », précise-t-elle, rappelant que « certains projets ont été jugés illégaux après réalisation ».
Jeu de dupes ?
Au fil de son récit, le constat de Françoise Verchère est clair : « Nous avons joué le jeu des procédures juridiques ou participé de manière positive, mais tout est biaisé », affirme-t-elle déroulant une à une les différentes étapes. La déclaration d’Utilité Publique (DUP) ? « Elle arrive avec un projet déjà travaillé par un noyau qui est d’accord. Alors on fait en sorte qu’il y ait ’acceptabilité’. Moralité, le citoyen est ‘déjà cuit’ ». L’enquête publique ? « Si les avis sont contre, le Préfet valide quand même. Il n’y a pas d’obligation d’explication ». Les études environnementales ? « Elles sont orchestrées directement par le porteur du projet qui choisit et paie les prestataires ». Quant aux « recours juridiques, ils ne sont pas suspensifs », rappelle Française Verchère, ajoutant que la France n’a « aucune culture de l’évaluation ».
Le silence de l’assistance en dit long sur ce discours auquel Françoise Verchère ajoute l’existence de « pratiques et d’habitudes inacceptables ». Forte de son expérience, elle entend par là les possibilités de conflit d’intérêts, le manque de transparence (« les lois sont très bien faites mais ne sont pas respectées »), les mensonges (« évaluations biaisées ») ou encore les contre-expertises, « non prises en compte alors qu’elles sont inscrites à la loi », les élus « qui ne lisent pas toujours les dossiers, un drame car ils engagent l’argent public », et jusqu’à la justice « qui peut elle-même être soumise à des pressions ». « Mobiliser les capacités de tous est capital » affirme Françoise Verchère, concluant néanmoins sur « la grande richesse de l’expérience humaine » qu’elle a vécue, compensant « un investissement total ».
Le mot de la fin sera pour Michel Lardeux, évoquant non sans humour les nombreux regards qu’il a échangés avec Frédéric Jacq durant l’intervention de Françoise Verchère, les propos de cette dernière faisant largement écho à ce que vit l’association MAT-Ré depuis déjà dix ans.
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