Forte présence des étrangers, modulation des prix et météo, les facteurs-clés d’une saison réussie
Ré à la Hune a interrogé plusieurs professionnels du tourisme, du nord au sud de l’île de Ré, pour tenter d’établir un bilan de la saison allant des vacances de Pâques à fin septembre. Verdict : météo au beau fixe, malgré quelques nuages dans le ciel rétais. Forte fréquentation étrangère même en été, météo d’arrière-saison compensant celle de début d’été et politique raisonnable de prix, tels ont été les facteurs-clés d’une saison réussie.
Camping – Hôtel – Restaurant à Ars – Les Portes – Saint-Clément – Loix
L’heure du bilan de saison a sonné dans le nord de l’île
Difficile jusque-là pour les professionnels du tourisme de se faire une idée précise du bilan de la saison. Bien sûr, ils peuvent parfois le supputer, mais certains éléments leur échappent et peuvent rebattre les cartes à tout moment.
Une arrière-saison clémente
La météo est assurément le principal facteur susceptible de compromettre les objectifs des restaurateurs et des hôteliers. Si certains phénomènes climatiques ont pu jouer avec leurs nerfs cet été, ils ont sans nul doute été balayés par cette vague de chaleur qui a déferlé sur tout le pays ces dernières semaines. Sonia Murail, directrice du camping de La Pointe de Grignon à Ars-en-Ré, le confirme : « Septembre et octobre sont de très bons mois si la météo est au rendez-vous, ce qui a été le cas cette année ». Elle ajoute qu’avec ce beau temps, les séjours ont été plus longs qu’à l’accoutumée.
Un calendrier propice
Il faut croire que tous les éléments – ou presque – étaient réunis cet été pour assurer un bilan positif. A l’instar de Sonia Murail, Maëva Moreau, gérante du restaurant casseron La Bouche Rit, note que « les ponts de mai sont bien tombés ». Une chance, car la météo capricieuse du mois d’avril ne présageait rien de bon au dire des propriétaires de l’Hôtel Fleur de Ré à Loix : « La saison 2023 a démarré de façon frileuse par rapport à l’année passée, mais les mois suivants nous ont permis de rattraper cet écart ». Au camping des Baleines à Saint-Clément, on constate que le mois de juin, lui, a été plus chargé que d’habitude. Cependant, tout comme à La Pointe de Grignon, il a fallu attendre la mi-juillet pour « faire le plein ». Elise Marot, adjointe de direction des Baleines, a observé un glissement de la haute saison : celle-ci ne démarre plus au début du mois, mais se prolonge en revanche jusqu’à la mi-septembre. D’après Sonia Murail, la fréquentation « hors-saison » a en effet été plus importante cette année qu’en 2022. La clientèle internationale, très présente sur ces mois-là, a très certainement joué un rôle majeur dans la dynamisation de ces périodes habituellement plus creuses.
Un retour aux sources
Par ailleurs, la directrice nous explique que « Les demandes de mobile-home ont baissé au profit de certaines grandes chaînes, dont c’est le produit phare ; mais les demandes d’emplacements nus, elles, ont explosé ! ». Elle décèle un intérêt retrouvé pour les campings à taille humaine, recherchés pour leur simplicité et leur convivialité. Selon Les Baleines, qui tient absolument à conserver ses emplacements nus, cette offre s’est réduite d’années en années dans le nord de l’île. Dans un autre registre, Elise Marot remarque également chez sa clientèle une envie de consommer bio et local.
Le poids du contexte économique
Pourtant, l’inflation semble malgré tout peser dans la balance au moment de passer commande. A l’Ouest, Charlotte Marconnet, la gérante, constate que les enfants de moins de 12 ans ont déserté le restaurant. Maëva Moreau confirme : à La Bouche Rit aussi, les familles sont moins représentées.
En outre, si les clients ne semblent pas particulièrement se priver, ils sont néanmoins plus regardants, et renoncent parfois aux boissons. A l’hôtel Fleur de Ré, on l’a aussi remarqué : certains pensionnaires se passent désormais de petit-déjeuner. Eric Macron, gérant du Camion Pizza situé sur les villages des Portes, d’Ars et de Loix, le reconnaît : le coût des matières premières ayant augmenté, il a bien fallu le répercuter sur le prix des pizzas. La clientèle, toujours au rendezvous, a donc fait le choix de la qualité au détriment de la quantité !
Laura Silhol
Bistrot et hôtel à Sainte-Marie et Saint-Martin
Une juste politique tarifaire, clé du succès
La saison de Pâques à fin septembre a été tirée par une forte fréquentation étrangère et une très belle arrière-saison, grâce à une météo exceptionnelle. Mais dans le contexte inflationniste actuel, c’est avant tout l’application d’une stratégie des prix modulée qui explique la réussite de la saison.
Pour le Bistrot du Bar à Quai, à Sainte-Marie, la saison a été bonne, « même si elle ne m’a pas fait vibrer », précise Nicolas Pernes, le propriétaire. Si, en termes de fréquentation, la saison est comparable à celle de l’année dernière, le chiffre d’affaires de l’établissement a connu une légère baisse, mesurée entre 5 et 10%. « Ce sont les ventes additionnelles qui disparaissent : le verre de vin supplémentaire, le cognac à la fin du repas ! », analyse Nicolas Pernes. Pour lui, la présence des clients étrangers a permis de compenser le budget vacances des Français, revu à la baisse. Et pourtant, face à l’inflation à laquelle notre pays doit faire face, le Bistrot du Bar à Quai a pris le parti de ne pas augmenter ses tarifs : « On travaille à l’ardoise, donc on adapte tous les jours nos plats et nos tarifs en fonction des prix d’achat. Et quand c’est vraiment trop cher, on n’achète pas ! ». Une stratégie qui s’avère gagnante, puisque la clientèle très fidèle de ce bar-restaurant ouvert à l’année semble bien au rendez-vous, et notamment avec une très belle arrière-saison en termes de fréquentation. « On a fait des journées début octobre dignes d’un mois d’août ! » s’étonne Nicolas Pernes. Reste une zone d’ombre pour ce commerçant : « Ce qui m’inquiète, c’est l’augmentation prévue de la taxe d’occupation du domaine public… » Cette augmentation, qui serait basée sur un pourcentage du chiffre d’affaires des commerces, est un sujet brûlant, toujours en discussion entre les commerçants et la mairie !
Début de saison compliqué
Même constat sur la saison qui s’achève à La Maison Douce, hôtel 3 étoiles situé au coeur de Saint- Martin : « C’était une bonne saison, mais on a eu l’impression de devoir aller chercher les clients en permanence. », assure Nicolas Lopez, son directeur. Si, au niveau du chiffre d’affaires, le bilan de fin de saison est comparable à celui de l’année dernière, l’établissement a dû jongler tout l’été sur ses tarifs pour s’assurer d’un taux de remplissage satisfaisant. « Le début de saison a été très compliqué, nous avons dû baisser nos tarifs de 40% sur certains week-ends de mai et juin, pour remplir l’hôtel. » Avec, malgré tout, une récompense à la clé : « C’était la bonne solution, car nous avons fait un chiffre d’affaires plus important que l’année passée sur l’avant-saison ». Pour La Maison Douce, le mauvais temps du mois de juillet n’a pas été un frein, puisque les clients avaient réservé leur séjour à l’avance, même si « les réservations de dernière minute ont été en baisse à cause de la météo », précise Nicolas Lopez. Mieux : le mois d’août a été, comme pour le Bistrot du Bar à Quai, un mois exceptionnel. « On a même battu notre record depuis l’ouverture de l’hôtel ! », se réjouit Nicolas Lopez. Puis, pour La Maison Douce, la saison s’est terminée comme elle a commencé : « Dès que la rentrée est passée, nous avons retrouvé notre clientèle de retraités actifs, et ils font attention à leur budget. ». L’hôtel a fait à nouveau le choix de revoir ses tarifs à la baisse pour septembre, face aux réservations de toute dernière minute des clients, souvent pour le jour même, « du jamais vu ! » s’exclame Nicolas Lopez. Pari gagnant pour l’établissement : « On reste sur un bilan financier comparable à l’année passée, qui était une saison record ». Et du côté des ventes additionnelles ? « Heureusement que les Anglais étaient là ! Les Français ne dépensaient pas … On voyait bien qu’ils se serraient plus la ceinture ! ». Pour ces deux établissements, le constat global est le même : l’île de Ré reste un territoire privilégié pour l’hôtellerie-restauration : « On est quand même sur l’Ile de Ré, donc ça bosse ! Je ne dirais peut-être pas pareil si j’étais ailleurs en France », analyse, à juste titre, Nicolas Pernes.
Lucile Dron
Restaurant – Décoration – Produits locaux à Saint-Martin et La Flotte
Les étrangers présents tout au long de la saison
Habituellement présents surtout en avant et après-saison, les étrangers, au premier rang desquels les Européens du nord ont fréquenté assidûment l’île tout l’été.
Au bar-restaurant de plage de Saint-Martin, La Cible, on dit merci aux étrangers qui, contrairement à leurs habitudes, ont été présents tout l’été ! Grégory Kindel résume ainsi la saison de son établissement, notant « un souci de pouvoir d’achat du côté des Français ». Des étrangers, qui ont profité de lignes d’avions élargies et plus accessibles. « Sur certains services, 50% des clients étaient des Anglais », souligne Grégory, notant également la présence de Néerlandais qui échangent beaucoup entre eux via les réseaux sociaux et se communiquent leurs adresses préférées. « Nous avons également bénéficié d’un très bon article dans le Sunday Times » (journal du dimanche distribué au Royaume-Uni et en Irlande). Une belle surprise car la journaliste venue se restaurer à La Cible, ne s’était pas présentée.
Une belle arrière-saison
Côté météo, un printemps médiocre assorti d’un mois de juillet très instable ont évidemment impacté le lieu situé sur la plage. Heureusement, la belle arrière-saison a compensé, d’autant que La Cible, privatisable fermée depuis fin septembre, a accueilli plusieurs mariages bénéficiant d’un temps de rêve début octobre.
Côté personnel saisonnier, Grégory note « moins de difficultés de recrutement que l’année dernière ».
Quant à l’édition 2023 de la Fête de la Musique, soirée devenue un véritable évènement, « elle a vu passer 5000 personnes, venant même de La Rochelle », se réjouit Grégory. Mais Grégory pense déjà à l’année prochaine, celle des 10 ans de La Cible !
Pour la boutique de mobilier et décoration Les Singulières, située à La Croix Michaud et ouverte à l’année, « la saison n’est pas une valeur absolue », estime Cécile d’Humières. Ce qui est sûr c’est que « juin a été désastreux », poursuitelle, précisant que l’activité a été préservée par la livraison d’une grosse commande passée en hiver. Au final, Cécile note une baisse de 10% de chiffre d’affaires sur les mois de juin, juillet et août, en comparaison avec la même période des années précédentes. Et ce sont ici aussi les étrangers (propriétaires de résidences secondaires) qui ont fait la différence. Et septembre ? « Le mois de très bons contacts et d’une importante commande de clients américains, déjà clients de la boutique » précise Cécile qui s’interroge sur une baisse éventuelle d’attractivité de la zone commerciale de La Croix Michaud. « Nous ne sommes pas les seules à avoir ce sentiment », ajoute-t-elle.
A Saint-Martin, Pascal Lemoine, responsable du magasin Le Moulin du Puits Salé, a noté moins de monde fréquentant la capitale de l’île de Ré en juillet : « Il n’y avait qu’à regarder le nombre de places de stationnement libres pour le constater », justifie t- il. Ni mauvaise, ni exceptionnelle, Pascal qualifie tout simplement la saison 2023 de « normale ». Il en est donc satisfait. « Mais nous avons toujours pratiqué une politique de prix corrects » ajoute-t-il. Les clients habitués de la boutique le savent et les autres n’ont qu’à le constater. Dans le contexte actuel, l’argument prix est un atout indéniable.
Pauline Leriche-Rouard
G M S – Saint-Martin
« L’une des meilleures saisons jamais faites »
Alexandre Desfontaines, président du magasin E. Leclerc de Saint-Martin, est très satisfait de la saison en termes de niveau d’activité, la politique de prix de l’enseigne n’y étant évidemment pas étrangère. Il lui faudra toutefois attendre encore quelques mois pour savoir ce qu’il en est en termes de rentabilité.
« Il a été un peu plus compliqué de trouver des collaborateurs pour la saison et cela s’est fait plus tard, par contre nous avons recruté des saisonniers de qualité et les canaux de recrutement ont véritablement évolué, les plateformes numériques étant désormais centrales. », précise d’entrée de jeu le dirigeant.
« La saison a été très bonne, l’une des meilleurs jamais faites depuis notre implantation en 1995. Nous avons très bien progressé en termes de volumes, notre enseigne est très porteuse, identifiée comme très bien placée en termes de prix. Nous n’avons pas répercuté l’intégralité des hausses successives de prix. Le volume des marques des industriels a baissé, mais on s’y retrouve très largement avec la progression des marques distributeurs et 1ers prix. Nos clients ont modifié leurs habitudes de consommation et je pense durablement, puisque pour un certain nombre de produits d’entrée de gamme ils sont satisfaits de la qualité de ceux-ci. Les marques de distributeurs sont montées en gamme, elles sont à la manoeuvre en matière d’innovation et de RSE* et les clients constatent d’eux-mêmes leur bon rapport qualité/prix. L’activité du Drive a aussi fortement progressé pour sa seconde année d’implantation, les clients sont nombreux à préenregistrer leur panier avec les basiques incontournables, les courses sont ainsi faites plus vite. »
Si la clientèle des produits bio est relativement préservée sur l’île de Ré, la consommation de ces produits diminue, même en GMS, tandis qu’a contrario celle des produits des « Alliances Locales » se maintient. « On a des produits locaux de qualité sur l’île de Ré pour 90% d’entre eux, ce qui n’est pas le cas partout », estime le dirigeant.
En grande distribution, la fréquentation des étrangers est revenue à un niveau standard d’avant Covid, selon lui.
Toutefois, Alexandre Desfontaines porte un regard lucide sur notre territoire. « Je pense que l’île de Ré a atteint un plafond de verre en termes de niveaux de prix. Elle a été très en avance en matière de pistes cyclables et a longtemps capitalisé là-dessus ainsi que sur ses plages, mais les autres territoires se sont mis à niveau. Les touristes qui n’avaient jamais visité l’île confirment que le site est extraordinaire… mais aussi extrêmement cher, notamment au regard des activités proposées. »
« Nous devons regarder tous ensemble ce que nous pouvons améliorer dans notre contexte îlien. On ne peut quasiment plus y faire la fête, nous avons des problèmes de mobilité évidents qui se sont encore vus lors des très beaux week-ends d’octobre, avec des files interminables de voitures. »
Le niveau et les comportements de consommation en grande distribution sont intéressants car ils constituent un reflet toujours significatif – bien que partiel – de la saison touristique. Les évolutions de fréquentation de l’île par les résidents dits « secondaires », qui pour une grande part d’entre eux viennent de plus en plus souvent et adaptent en conséquence leurs habitudes de vie sur place, sont à intégrer pour songer à renouveler un modèle économique qui a vécu et atteint certaines de ses limites.
Nathalie Vauchez
*Responsabilité sociale et environnementale.
Statistiques du Pont de l’ île de Ré
Pont : la saison 2023 a été tirée par les ailes de saison
Les chiffres d’entrées du Pont de l’île de Ré témoignent d’une certaine stabilité globale de fréquentation de l’île de Ré. Comme on le pressentait, la fréquentation a été en hausse sur les ailes de saison et notamment en arrière-saison. A cet égard, les chiffres d’octobre viendront très certainement renforcer le bon bilan d’arrière-saison, avec une première quinzaine exceptionnelle – à tous points de vue – au niveau de la météo et de la fréquentation.
Le tableau ci-contre est bien sûr à interpréter avec prudence, d’autant que la fréquentation des navettes gratuites, en hausse, a des répercussions – c’est le but ! – sur le nombre de voitures franchissant le pont. On peut aussi imaginer que dans un contexte inflationniste, les passages à vélo et à pied, non comptabilisés, ont progressé, notamment durant toute la période de haute saison, où le plein tarif est de rigueur.
Enfin, on le sait, les flux des résidents permanents comptent pour une très large part dans le nombre d’entrées (et sorties) sur l’île de Ré.
Ces chiffres constituent une simple indication et ne permettent en aucun cas à eux seuls de quantifier et qualifier la fréquentation de l’île de Ré.
Nathalie Vauchez
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