Fin de vie : « Le dernier soin » du Docteur Yves de Locht
C’est ainsi qu’il qualifie un geste que l’on ose à peine nommer en France. L’euthanasie, le médecin Yves de Locht la pratique depuis des années en Belgique et son livre, « Docteur, rendez-moi ma liberté », est un témoignage bouleversant, préfacé, sans surprise, par le député Olivier Falorni.
Le sujet dépasse largement les rivages rétais et même les frontières de l’hexagone. Il est universel et nous concerne tous. C’est un grand sujet, de ceux qui ébranlent au plus profond, porté avec la conviction que l’on sait par Olivier Falorni. Aussi nous paraissait-il important de vous rendre compte de cette rencontre organisée à Lagord avec le médecin Yves de Locht. Un rendez-vous vers lequel nous sommes allés sans préjugés, avec seulement la conscience de toucher là à quelque chose de fondamental mais aussi d’infiniment délicat.
Un livre à la fois « rassurant et révoltant »
Ouvrant la conférence, Olivier Falorni présente l’ouvrage du Docteur Yves de Locht qu’il a lu « avec émotion et intérêt », un livre « qui ne donne pas de leçons mais des soins, du premier au dernier ». C’est aussi par ce livre que les deux hommes ont fait connaissance, le médecin belge ayant demandé au député porteur d’un projet de loi sur la fin de vie d’en rédiger la préface. Le Docteur de Locht se définit comme « un petit docteur », poursuit Olivier Falorni « C’est en fait un grand soignant et un humaniste profond ». Pour le député, ce livre est un témoignage « à la fois rassurant et révoltant ». Rassurant car il évoque le vécu d’un médecin qui pratique l’euthanasie et lève les inquiétudes qui pourraient peser sur l’existence d’une telle loi en France (applicable en Belgique depuis 2002). Mais en France, souligne l’élu, nous pratiquons à la fois « l’insuffisance, sous forme d’une certaine lâcheté hypocrite » et « la suffisance parce que nous aimons parler aux Français sans prendre la peine de regarder ce qu’il se passe ailleurs ». Révoltant donc pour le même élu qui rappelle sa rencontre avec Anne Bert, souffrant de la « double peine, celle infligée par la maladie de Charcot et l’obligation d’un exil pour pouvoir en finir ». C’est dit et sans langue de bois, le député, n’hésitant pas à rapprocher son combat de celui que mena en son temps Simone Veil en faveur de l’avortement, conclut son intervention par un « immense merci » au docteur Yves de Locht : « merci d’être là et d’être ce que vous êtes ».
La parole qui libère…
Merci à ce médecin pour son témoignage, son courage et son engagement. Merci ne serait-ce que pour l’opportunité offerte de parler sans détours mais non sans émotion. Car celle-ci est palpable dans la salle silencieuse, tandis que le Docteur de Locht raconte… Le pourquoi de ce livre porteur de témoignages de patients soigneusement recueillis par le médecin pour ne pas oublier, doublé du besoin de rétablir la réalité sur ce qu’il se passe en Belgique, et celle des demandes toujours plus nombreuses émanant de France qui illustrent, il faut bien le dire, une forme de surdité des pouvoirs publics français face à cette liberté ultime. « Je ne suis pas un donneur de mort. Je n’abrège pas la vie mais l’agonie » écrit le Docteur Yves de Locht.
Et celle qui fait mal
Libérateurs les mots font aussi mal. Ce sont de lourds jugements : « vend-il des kits d’euthanasie ? », « suppôt de Satan », qui ne sont que deux exemples de ce qu’il a pu entendre au long de sa carrière. Mais de la douleur exprimée par les mots, Yves de Locht retient celle de ses patients. « Chaque jour est un supplice pour moi », lui a dit ce jeune trentenaire devenu tétraplégique suite à une agression au couteau à la gorge qui provoqua un AVC d’une extrême gravité, ou encore le cri de cette femme atteinte de la maladie de Charcot, « je ne peux plus tendre les bras vers ceux que j’aime ». « Qui est capable de juger de la souffrance psychique ? » appuie le médecin au regard clair, suffisamment humble pour reconnaître que « la médecine a des limites, même si les souffrances physiques peuvent aujourd’hui être soulagées ». Se déclarant incapable de dire à un patient « on va encore attendre » ou « vous ne souffrez pas encore assez », Yves de Locht insiste sur l’indispensable empathie dont doit faire preuve tout médecin. Le « dernier soin » n’est pas un geste comme un autre, mais un acte terriblement impliquant car profondément humain.
Une assistance reconnaissante
Les questions sont nombreuses. Les hommages aussi. Remerciement de ce médecin généraliste à l’adresse d’Yves de Locht pour le courage de ses confrères belges mais aussi à Oliver Falorni de mener ce combat, de nombreux médecins français étant favorables à une loi. Remerciement de cette infirmière qui a accompagné le départ de ses parents et dénonce « la violence institutionnelle » et « le manque de lieux de partage et d’échange sur le sujet ». Est également évoquée la question épineuse de la religion. Loin de le gêner – Yves de Locht évoque son éducation au sein d’un « milieu catholique pratiquant » – il se déclare « très étonné de l’influence de hauts membres religieux sur les parlementaires français ». « Santé et fin de vie n’ont rien à voir avec ma religion et ma foi » conclut-il, rappelant que son premier patient fut justement un prêtre. Conclure sur une telle rencontre est difficile. On ne peut que saluer l’initiative et le niveau de conscience éclairée dans laquelle elle s’est déroulée. La fin de vie est une affaire personnelle pour ne pas dire intime qui ne souffre pas de jugement. Pour autant, force est de constater que la société française est aujourd’hui face à la question et que les pouvoirs publics ne pourront pas toujours l’éviter. Il est temps d’en finir avec les tabous.
Pauline Leriche Rouard
Belgique : une loi très encadrée
Contrairement aux idées reçues nourries d’ignorance, la loi belge est très stricte, exigeant avant toute ouverture de dossier trois conditions fondamentales :
– Une demande écrite datée et signée du patient et de lui seul ;
– Que le patient soit atteint d’une affection grave et incurable ;
– Que les souffrances physiques ou psychiques soient inapaisables.
S’ensuit une visite obligatoire au médecin choisi, l’avis d’un second médecin et enfin celui d’un 3ème, spécialiste de l’affection.
C’est seulement après tout cela que l’acte d’euthanasie pourra être envisagé et au patient que revient le choix de la date. Dans le cas de patients français, les rapports de ses médecins seront également nécessaires. Venu avec sa famille, le patient partira alors sans souffrance en quelques minutes. C’est le médecin qui aura lui-même été chercher le produit à la pharmacie.
Après le décès, il devra rendre des comptes à une commission de contrôle. Sur le plan juridique, l’euthanasie est considérée comme une mort naturelle.
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