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Festival architecture + patrimoine
La Rédaction de Ré la Hune vous présente quelques-unes de ses belles découvertes, lors du Festival Architecture+Patrimoine organisé par le Service Patrimoine de La Communauté de Communes de l’île de Ré du 18 au 24 mai.
Découverte de l’Eglise de Saint-Martin
Silhouette dentelée sur un ciel pur et bleu… Stéphanie Le Lay, responsable du Service Patrimoine de la CdC, nous ramène à des temps éloignés.
Les premières traces remontent au XIe siècle, avec une existence avérée dès le XIIe car intégrée à la charte de donation de l’Abbaye des Châteliers. Cap sur le XVe : la période de construction est active et l’Eglise de Saint-Martin sera l’un des plus gros chantiers d’Aunis. A l’origine, on y entrait dans un tout autre sens. Mais un écroulement de façade au début du XVIIIe amènera la décision de tourner l’édifice. Sa vie fut difficile. Soumise aux guerres de religion puis au siège de l’Ile de Ré, elle est ensuite malmenée par des écroulements successifs aux XVIII et XIXe siècles avant de subir les outrages du feu au XXe . Des traces de réhabilitation sont ainsi visibles, comme autant de cicatrices témoignant d’un destin tourmenté. A certains endroits, on voit les vestiges de fortifications. C’est que sur une île sans châteaux, l’église pouvait servir de refuge à la population, avec une architecture adéquate directement implantée et la présence d’un puits à l’intérieur. Stéphanie nous montre les belles clés de voûte présentes dans les chapelles entourant le choeur, « passées totalement inaperçues » précise-t-elle. Autrefois, des maisons étaient accolées à l’église et face à elle, il en existait une seconde, à la place de la maison d’Ernest Cognacq. Baptisée Saint-Louis, elle a laissé peu de traces derrière elle.
Il y a beaucoup à dire encore sur ce monument classé. Mais c’est sur le XVe siècle que se concentrait ce rendez-vous avec l’Histoire. Charge à nous d’aller plus loin…
Pauline Leriche Rouard
Quoi de mieux pour illustrer le patrimoine religieux que l’Abbaye des Châteliers !
Situés à la Flotte, les vestiges de cette Abbaye Cistércienne du XIIe siècle représentent l’un des principaux centres d’intérêt de l’Ile de Ré. Les moines qui l’ont édifié sont à l’origine du développement économique de l’Ile dès le Moyen-âge. Il était donc naturel de mettre ce site à l’honneur en lui consacrant une journée dédiée à l’occasion du Festival.
Le dimanche 20 mai dès 10h, 30 personnes ont assisté à une visite guidée de l’édifice proposée pour en connaître les secrets et son histoire… Puis de 15h à 17h un Atelier libre d’Enluminure attendait un jeune public à partir de 8 ans pour s’initier au graphisme de l’architecture gothique.
Les Secrets de l’Enluminure
Hélène, du service Patrimoine à la Communauté De Communes, illustratrice de formation et guide conférencière, animait cet atelier. Sous un soleil de plomb, les enfants sont arrivés au compte-goutte… au retour de la plage pour tout savoir sur l’Enluminure. L’objectif de cet atelier dans ce cadre magnifique était de mettre en valeur le travail des moines copistes au Moyen-âge. Comme l’indique les plans de l’Abbaye un scriptorium existait sur le site, dans lequelles moines recopiaient les Bibles. Tout au long de l’Atelier Hélène a commenté et expliqué le métier du moine copiste, comment étaient fait les pigments avec cochenilles, blanc d’oeuf, lait d’ânesse, coquillage, lapilazuli… la fabrication des parchemins, l’invention de l’imprimerie etc…
Les participants (6 adultes et 20 enfants) à cet atelier avaient pour objectif de décorer les lettres de l’alphabet avec les couleurs d’origine mais sans utiliser de pigments ceci étant trop compliqué en extérieur. Ils choisissaient une lettre puis avec les outils mis à disposition comme pinceaux et gouache pour peindre l’intérieur de la lettre, encre de chine pour en faire les contours et terminer par la dorure sur toute la surface, ils ont pu avoir un aperçu de cette technique ancestrale.
Cette journée se terminait par du cinéma en plein air avec la projection d’un dessin animé à partir de 22 h sur l’une des façades de l’Abbaye. « Brendan et le secret de Kells » un très beau film d’animation expliquait comment un petit garçon formé par des moines devenait enlumineur. Cette journée et cette soirée ont connu un vif succès grâce à une météo très favorable et un programme s’adressant à l’ensemble de la famille, chacun pouvant y trouver son intérêt.*
Florence Sabourin
Visite de l’église d’Ars en Ré
Hélène Gaudin a organisé une « balade » commentée autour et dans le choeur de l’église. Elle a fourni un certain nombre de renseignements sur cet édifice, particulièrement typique, caractérisé par l’originalité de son clocher noir et blanc.
Les premières mentions de la paroisse d’Ars remontent entre la fin du XIe et le début du XIIe siècle. A cette époque, Elbe de Mauléon fait don du quart de ses pêcheries (d’Ars et de Loix) aux moines de l’abbaye de Saint-Michel en l’Herm. On peut donc penser que l’église a, bel et bien, été édifiée à cette époque. Toutefois, nous savons qu’une seconde construction englobe la première. Celle-ci date de la fin du XVIe siècle. Le premier monument présente une architecture romane dont nous pouvons, aujourd’hui, observer certaines traces.
L’intervenante a insisté sur la description des murs, de la nef et du clocher. Le premier clocher était une tour carrée de 14 mètres de hauteur, celui que nous pouvons admirer, aujourd’hui, a été édifié sur les bases du précédent et culmine à 42 mètres. Il témoigne, bien évidemment, d’un autre style architectural. Peint en noir et blanc, il sert d’amer pour la navigation.
Hélène Gaudin s’est, ensuite, exprimée sur la façade de l’édifice, le portail d’entrée. L’intervenante a expliqué que durant les périodes de troubles (notamment pendant la guerre de Cent ans), l’église a servi de lieu de refuge à la population. Tout comme celles de Saint-Martin et de Sainte-Marie, elle entre dans la catégorie des églises fortifiées.
Une nécropole au coeur du village
Après être revenue sur certains détails concernant l’autel et sur les vitraux, Hélène Gaudin a fait observer la plaque de pierre portant les noms de 62 défunts, inhumés dans l’église de 1600 à 1771. Il s’agit de curés et de vicaires en fonction durant cette période, ainsi que des officiers de l’armée du maréchal de Toiras, tombés lors de la bataille qui fut livrée au sud d’Ars, contre les troupes protestantes de Soubise, en 1625 ; enfin, de quelques notables et serviteurs de l’église.
Depuis 2017, l’église qui porte le nom de Saint-Etienne, est en cours de restauration.
Jacques Buisson
Une abbaye cistercienne en milieu insulaire
Lors de cette conférence sur l’histoire de l’abbaye des Châteliers, Jacques Boucard a relaté l’histoire de Notre-Dame de Ré, dite « des Châteliers », du XIIe au XVIe siècle. L’érudit rétais a signalé, dès le début de son intervention, que les sources écrites concernant l’édifice religieux ont, en grande partie, disparu (notamment lors des guerres de Religion et de la Révolution Française).
L’archipel rétais (composé des îles de Ré, d’Ars, de Loix et des Portes), était, quasiment à l’abandon après les invasions normandes. L’abbaye a vu le jour dans un contexte historique tumultueux. Ré est sous domination anglaise de 1154 à 1243. De son côté, Elbe de Mauléon, seigneur de Ré, montre un intérêt particulier pour ce territoire dès le XIIe siècle. Il compte bien développer la culture de la vigne, et mise sur l’organisation et le soutien de la population pour défendre l’île. C’est dans ce cadre politique et économique que les moines cisterciens vont construire l’abbaye, dans un lieu éloigné de la présence humaine. Le conférencier a employé le terme de « solitude retirée »… Un édifice sobre, dans lequel la prière revêt une importance primordiale. Les principes de l’ordre reposent sur une trilogie très claire : ascétisme, rigueur liturgique et introduction et introduction du travail manuel. Deux personnages sont à l’origine de l’abbaye : Isaac, abbé de l’Etoile, et Jean, abbé de Trizay. Avec le soutien de la hiérarchie cistercienne, ils ont directement traité avec Elbe de Mauléon. Jusqu’à la fin du Moyen-âge, l’abbaye des Châteliers va rythmer la vie sociale sur l’île dont le développement va prendre un essor remarquable.
Un édifice religieux dans les turbulences de l’histoire
Après avoir donné une suite de commentaires et d’explications sur les plans, Jacques Boucard a retracé les moments forts qui ont marqué la vie de l’abbaye : en 1294, elle est incendiée par les Anglais qui récidivent en 1388. Ces mêmes Anglais la pillent en 1404 et la détruisent en 1457. Après sa restauration, elle subit une destruction totale durant les guerres de Religion. En 1623, l’abbaye, et ses biens, est unie à la congrégation de l’Oratoire (par une bulle pontificale. L’année suivante, les prêtres de l’Oratoire hésitent à se lancer dans des travaux de réfection, vue la proximité de La Rochelle, ville huguenote. En 1625, la reconstruction est définitivement abandonnée. L’abbaye va servir de carrière pour bâtir le Fort La Prée.
Aujourd’hui, les vestiges des « Châteliers » sont l’objet de visites régulièrement organisées par le Musée du Platin de La Flotte-en-Ré.
Jacques Buisson
L’Art Gothique
La conférence sur l’architecture gothique en Aunis, donnée par Yves Blomme, professeur en théologie et en histoire de l’Église contemporaine, souligne la magnificence du flamboyant.
Au moyen âge, il y avait plus de paroisses que de communes, les nombreuses églises de nos campagnes en témoignent. Dans l’île de Ré c’était l’inverse, il n’existait à cette époque que quatre églises, celles d’Ars, de Ste-Marie, de St-Martin et de La Flotte. Les autres n’étaient que des chapelles, l’église de St-Clément date du XIXe , celle de Rivedoux du XXe .
Sur Ré, le seul vestige gothique antérieur à la période flamboyante est l’abbaye des Châteliers, malgré la transformation, a posteriori, de sa grande baie à arc flamboyant.
De l’église fortifiée de Ste-Marie, qui rappelle celle d’Angoulin, ne subsistent du XVe siècle que le clocher, sa flèche, son chemin de ronde et ses corbeaux. On peut encore y lire les nombreux impacts d’arquebuses dont il a souffert. Sur le tambour du clocher on admire la virtuosité des tailleurs de pierres dans le dessin des crochets ornant les lanterneaux. La forme et le dessin de ces crochets, en feuilles de chicorée frisée, parfois de chêne, sont des éléments caractéristiques du gothique flamboyant (1450-1480).
Dans l’église d’Ars, la base du clocher, d’époque romane supporte un clocher d’inspiration gothique ajouté vers 1645.
L’église de St-Martin, aussi appelée le Grand Fort, reste un témoignage majeur de l’architecture gothique.
Selon l’analyse d’Yves Blomme et contrairement à l’idée établie, l’église St-Martin n’aurait pas souffert de destructions lors des guerres de religions, la somptueuse construction initialement prévue n’aurait simplement jamais été achevée. On y distingue encore des statues de saints dans leur intégralité et le départ de l’escalier de la façade Nord ne saurait être confondu avec une démolition où une destruction.
Ici, plus qu’ailleurs, la finesse de l’ornementation, très naturaliste, le grand portail double, inspiré de la cathédrale de Saintes, son tympan, probablement à jours dans son état premier et les mâchicoulis sur arc et non sur consoles marquent la somptuosité du gothique flamboyant. L’édifice fut ensuite soumis à une reconstruction tardive (XVII et XVIIIe siècles) et à l’occidentalisation de son clocher, tel qu’on peut le voir aujourd’hui.
En conclusion, Yves Blomme a donné une lecture nouvelle des édifices moyenâgeux dont beaucoup n’auraient jamais été achevés alors qu’on accuse, bien souvent tord, les protestants de les avoir ruinés lors des guerres de religions.
Véronique Hugerot
L’architecture religieuse du XXe siècle
Cette conférence a permis d’expliquer la rupture architecturale d’après la seconde guerre mondiale.
Plus de 4000 édifices religieux ont été sinistrés en France pendant la seconde guerre mondiale.
Pour la reconstruction, l’Église et l’État ont dû faire appel à des architectes plus accoutumés à bâtir des logements. C’est l’occasion d’une réflexion sur le renouveau de l’architecture sacrée.
Le renouveau par la forme. On cherche à sortir des codes, on observe alors la disparition de la forme en croix, l’inclusion des salles paroissiales, la construction circulaire avec une réflexion sur le rôle de l’accès comme à l’église de St Maximin de Boust de Georges Henry Pingusson.
Le renouveau par la technique. À Notre-Dame de Royan, les ingénieurs se sont associés aux architectes pour étayer la structure à l’aide de voiles de béton précontraints en V, une approche gothique du point d’appui qui dématérialise l’église, la couverture en forme de selle de cheval est autoportante.
Le XXe siècle fut un moment important de l’architecture religieuse avec un questionnement nouveau sur le sacré. Le Corbusier recentre le débat, il est le seul architecte moderne à avoir cherché à quoi tient le sacré dans une église. C’est dans la chapelle de Ronchamp en Haute-Saône (1950-1955) que l’on mesure sa quête. Il y étudie le cheminement et la séquence d’accès avec l’oeil du pèlerin au terme de son voyage, la chapelle devait donc être accueillante. L’édifice se perçoit, depuis l’extérieur jusqu’au coeur, comme une suite d’événements visuels, comparable à une suite musicale. Les formes sont simples, elles composent avec la lumière, le décor est rare et les matériaux bruts.
La modernité dans l’architecture religieuse sera finalement reconnue et acceptée lors du concile Vatican II (1962-1965). Les architectes de la seconde moitié du XXe siècle reviendront alors vers la modestie et la pauvreté évangélique à travers les formes et les matériaux. Puis, en résonance avec le développement urbain, viendront les églises en préfabriqué, en nid d’abeille, les églises mécano et même gonflables, qui s’inscrivent au coeur des cités actuelles avec leurs parkings etau plus près du centre commercial.
Une conférence donnée par Gilles Ragot, professeur en histoire de l’art contemporain à l’université Montaigne de Bordeaux.
Véronique Hugerot
La Vigne et le Clocher : une exposition des plus originales
Du 22 au 24 mai, des étiquettes de bouteilles de vin ont tapissé une partie des murs du bureau d’accueil du Bois-plage.
Joël Wildi fréquente l’île de Ré depuis plus de cinquante ans. Il possède une résidence secondaire à Saint-Martin. C’est un admirateur du festival « Architecture + Patrimoine », depuis sa création. Grand collectionneur d’étiquettes de bouteilles de vin (il en possède plus de 10 000, dont près de 1 500 ayant un rapport direct avec l’église), il a décidé de présenter quelques-unes d’entre elles. Une partie de la vie de l’histoire de la vie ecclésiastique est liée à celle de la vigne. Produire le « sang du Seigneur » est aussi un acte religieux… Nous avons tous en mémoire les références aux moines de Rabelais, même si certains d’entre eux confondaient le « service divin » avec le « service du vin », dans le célèbre passage de « Frère Jean des Entomneurs »…
Joël Wildi a eu l’idée, dans son exposition, de privilégier une série d’étiquettes sur lesquelles figurent le nom des saints, patrons des églises rétaises : Entre autres, un Côte du Rhône « Saint-Sauveur » qui nous fait penser à la chapelle de Sainte-Marie de Ré, un Bourgogne appelé « Tous les saints » (« Notre-Dame de tous les saints » est le nom de l’église du Bois-plage), ou encore un vin suisse « Sainte-Catherine » pour évoquer les églises de Loix et de La Flotte…
Jacques Buisson
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Vos réactions
Bonjour,
Dans la partie du Professeur Blomme sur l’art gothique, je lis « Dans l’église d’Ars, la base du clocher, d’époque romane supporte un clocher d’inspiration gothique ajouté vers 1645. »
Avez-vous des informations à ce sujet ? Une source écrite que je pourrais consulter ?
Je cherche cette information depuis quelques temps déjà et serais particulièrement contente d’en savoir plus.
Bien à vous,
Catherine Durup de Baleine
Guide bénévole de l’Association Les Amis de l’Eglise d’Ars en Ré