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Faire changer la doctrine de l’Etat
Après une première réunion au Bois-Plage le 5 juillet dernier qui avait suscité une forte mobilisation avec plus de 1 000 participants, on aurait pu s’attendre à ce que le « soufflé retombe », a fortiori en plein été. Ce sont pourtant près de 700 personnes qui sont venues assister à la réunion du 5 août au Bois-Plage et 700 personnes aussi à la réunion du 8 août à Ars en Ré.
C’est entouré des 8 autres Maires – seul Léon Gendre était absent, en ligne avec sa position (lire Ré à la Hune 89 et sur realahune.fr) – que le Président de la CdC a rappelé les fondamentaux. Digues et PPRL étant les deux mamelles d’un « désengagement programmé » de l’État.
L’État n’a jamais assumé la responsabilité des digues
En France sur 8600 km de digues, près de 3000 km de digues sont « orphelines », elles ne sont pas la propriété de l’État. Sur l’Île de Ré, aucun propriétaire n’est identifié. Depuis la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais et qui confie la responsabilité de la protection contre les inondations aux propriétaires riverains, l’État n’a jamais souhaité prendre la responsabilité des digues. Dès le 11e siècle les premières digues sont entretenues à l’initiative des populations, puis au 18e siècle l’État confie leur entretien à des entrepreneurs. De 1850 à 1870 sont menées de grandes campagnes de travaux sur les digues, avec les premières digues maçonnées, certes financées par l’État, qui n’en devient pas pour autant propriétaire. Idem dans les années 1950 avec une seconde grande campagne de travaux. De 1960 à 1987, l’État se désengage en confiant la gestion et l’entretien aux départements.
En 1988, soit six ans après la mise en place de la Décentralisation de 1982, le Conseil général de Charente- Maritime accepte de prendre la maîtrise d’ouvrage des travaux, sans prendre la responsabilité des digues pérennes. En 2008, un arrêté préfectoral de DIG (déclaration d’intérêt général) confie à la Communauté de communes de l’île de Ré la gestion et l’entretien des digues pérennes.
La conséquence de Xynthia le 28 février 2010 ne fut pas de constater que les digues étaient insuffisantes, avec des morts, des risques, un impact économique fort ni de lancer un grand plan digues national comme aux Pays-Bas, mais de chercher à qui en incombait la responsabilité. L’État imposant clairement sa volonté de trouver un responsable autre que lui-même. Des plans digues locaux sont lancés, au travers des PAPI (plan d’action et de prévention des inondations) validés par l’État, qui rajoute des procédures environnementales d’une complexité et d’une longueur telles que les digues ne se font pas, malgré 45 millions d’€ de travaux validés sur 11 projets pour l’île de Ré. Déjà le critère de validation des PAPI repose essentiellement sur une Analyse coût bénéfice (ACB) – donc sur le coût économique d’une digue – et non sur la sécurité des personnes, quel qu’en soit le prix. Selon Lionel Quillet l’ensemble de la doctrine de l’État repose sur une doctrine fluviale, « il n’existe pas d’expert national en matière de digues de protection à la mer ». Au-delà des PAPI, les communes se voient dans l’obligation d’élaborer un Plan communal de sauvegarde (PCS) qui rend les élus locaux responsables de l’évacuation des populations. Selon Lionel Quillet « l’État n’a jamais défendu les populations et n’entend pas infléchir cette doctrine qui s’est imposée progressivement depuis 30 ans, c’est pour cela que le PPRL arrive ».
Une carte de submersion équivalente à la carte de l’île de Ré « naturelle »
Alors que les travaux de digues ne se font pas, le Plan de prévention des risques littoraux (PPRL) avance lui à grands pas et avec des modélisations extrêmes. Ainsi, alors que le Retour d’expérience (REX) de Xynthia se traduit par 5 800 mètres de brèches de digues, 2400 ha submergés et aucune « ruine » (de digue) identifiée par la DDTM, l’État est en train d’imposer qu’un événement de type Xynthia + 20 cm provoquerait 39513 mètres de brèches et 4700 ha submergés sur l’île. La réponse immédiate après Xynthia s’est traduite par les fameuses zones noires devenues zones de solidarité avec 316 millions d’€ dépensés pour les rachats de biens situés en zones noires, soit l’équivalent du plan de défense de digues pour toute la Charente-Maritime.
Sur l’île de Ré, il fut décrété qu’il n’y avait aucune zone noire et seules 21 maisons furent touchées. Or « ce sont les mêmes experts du Ministère de l’Environnement qui ont fait ces études en 2011 et qui élaborent le PPRL depuis 2012 ». Les mêmes qui accordèrent des travaux d’urgence pour les digues à hauteur de 13 millions d’€ sur l’île de Ré au lendemain de Xynthia, mais interdirent de rehausser ces digues. Le Président Lionel Quillet – à l’instar de ce qu’il se passe aux Pays Bas – a demandé à avoir communication d’une hauteur de sécurité, il n’a jamais reçu de réponse.
Le cabinet CASAJEC est venu témoigner que les modélisations actuelles de l’État font que l’on aboutit à une carte de submersion identique à celle qu’on obtiendrait sans aucune protection de l’île, avec une île de Ré revenue à son état naturel.
Déjà 75 documents d’urbanisme « retoqués » en 2 mois
Rappelant que ce sont avec cette première modélisation des niveaux d’eau – et la seconde modélisation des cartes d’aléas tenant compte de la vitesse de l’eau sera pire – ce sont 13930 habitations qui sont impactées et 1241 bâtiments (commerces, artisans, bâtiment, agriculture, administrations, santé, social…), Lionel Quillet a martelé que c’est l’existant qui est impacté. Alors que ces cartes de niveaux d’eau présentées aux élus le 11 juin dernier sont de simples cartes de travail – faites sans aucune concertation malgré les obligations légales – devant aboutir en 2015 à la finalisation du PPRL, et qu’elles n’ont aucune valeur juridique, elles sont devenues opposables dès le 12 juin dans le cadre de l’instruction des permis de construire. Le juge administratif n’est pas là pour étudier ces cartes, ni statuer sur une absence de bon sens, il constate simplement en vertu du principe de précaution qu’il existe une carte de risque qui implique une responsabilité pénale pour les élus. Et la machine est déjà en marche, puisqu’entre le 12 juin et le 14 août 2013 ce sont 75 certificats d’urbanisme et permis de construire qui ont reçu un avis négatif, sans compter toutes les demandes qui n’ont pas été déposées vu le contexte. Ainsi du jour au lendemain les métiers de l’habitat se retrouvent avec un cahier de commandes réduit comme peau de chagrin, et déjà des licenciements et des non-recrutements sont enregistrés. « Tout le projet d’aménagement du territoire, avec les crèches, les logements, les écoles… ne veut plus rien dire » a déploré le Président, alors que l’île de Ré ce sont 18000 habitants permanents qui assurent la continuité de l’île de Ré, complétés par les résidents secondaires, ce qui constitue un équilibre pour le territoire plutôt bien ».
Les élus avaient déjà tiré la sonnette d’alarme à l’été 2012 (lire nos articles sur realahune.fr) en prédisant exactement ce qu’il se passe aujourd’hui, suscitant certaines réactions d’incrédulité, voire de la contre information…
Une absence totale de concertation de l’État
L’autre point d’exaspération du Président réside dans l’absence totale de concertation de l’État, qui est pourtant dans l’obligation légale de créer un comité de pilotage avec notamment les élus locaux. À ceux qui arguent que l’île de Ré se distingue encore, qu’ailleurs tout se passe bien, Lionel Quillet a répondu en citant – coupures de presse à l’appui – moult territoires qui s’alarment tels Noirmoutier, La Faute sur Mer, l’Aiguillon sur Mer, la Baie du Mont Saint- Michel, Carnac, Esnandes, Charron, ou encore côté fluvial, la Haute Loire. « Cette doctrine fausse au niveau national est basée sur la volonté de désengagement de l’État, qui s’appuie sur une fausse appréciation technique. Nous avons à peine un hiver pour faire bouger les choses. Bonne nouvelle les choses bougeront, il ne peut en être autrement. Mauvaise nouvelle, combien de temps tiendrons- nous, le temps joue en notre défaveur » a-t-il martelé.
Aussi, au-delà des actions déjà menées – motion signée par les délégués communautaires confortés par une note technique de 20 pages, mobilisation de la population, création et actions de trois associations, etc. – le Président a annoncé que les élus lançaient entre le 6 et le 9 août la construction d’une digue au Goisil, une digue prévue dans le PAPI labellisé, pour « montrer qu’ils sont des élus responsables qui protègent la population face au désengagement de l’État » et ils demanderont qu’elle soit prise en compte dans le PPRL. « La Couarde aura une défense forte, car en plus on va la construire un peu plus haute »
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