Et soudain, la terre s’est mise à trembler…
Un séisme de 5,3 à 5,8 sur l’échelle de Richter, dont l’épicentre se situe à proximité de La Laigne, a violemment secoué le département le vendredi 16 juin, à 18h38. Les témoins de cet évènement, rarissime par son intensité, nous racontent.
Ce vendredi 16 juin, William, un habitant de Cram-Chaban, commune de 650 habitants située à 3 kilomètres de La Laigne1, vient tout juste de rentrer du travail. Après une semaine bien chargée, le week-end s’annonce radieux, surtout avec la perspective de la finale du Top 14 de rugby qui oppose le lendemain son club de coeur, le Stade Rochelais, au Stade Toulousain. Il discute tranquillement avec son fils dans le salon, autour d’un verre, quand l’improbable se produit. « Il y a eu une forte détonation, un gros boom. Puis tout s’est mis à trembler pendant 3 à 4 secondes », confie le père de famille. Par réflexe, il entraine son fils à l’extérieur de la maison. Sur le coup, les images se bousculent dans sa tête : il pense à un crash d’avion à proximité, ou à l’explosion d’une bouteille de gaz. Très vite, il comprend qu’il s’agit en fait d’un tremblement de terre. Dans la maison, tous les objets, bibelots, cadres accrochés aux murs et autres souvenirs sont tombés au sol, les crépis sont lézardés, le chai en pierre d’un voisin s’est effondré en partie dans son jardin. « On sait que ça peut arriver, mais on n’y pense pas. Ma mère m’a souvent parlé du séisme de 1972 sur l’île d’Oléron2 lorsque j’étais enfant. Mais c’est la première fois que je vis un truc pareil », explique William, encore sous le choc.
Stupeur et tremblements
Au même moment, à Rivedoux, se tient dans la salle des fêtes l’assemblée générale de l’association communale de chasse agréée (Acca). Le maire de la commune, Patrice Raffarin, prend la parole en clôture de la réunion. Soudain, le son de sa voix est couvert par un bruit assourdissant, comme « si un avion à réaction venait de passer au-dessus de la salle ». « Il y a eu comme une ondulation, ma chaise s’est mise à balancer de gauche à droite. C’était très impressionnant », avoue l’édile. Dans la salle, les visages sont incrédules, comme abasourdis, et le temps se suspend quelques secondes, en même temps que le discours. Un peu sonné, le maire reprend ses esprits et abrège immédiatement sa prise de parole avec un peu d’humour, histoire de détendre l’atmosphère. « Si ça vous fait autant vibrer quand je parle, je vais en rester là ! » Les sourires ont du mal à masquer l’inquiétude, car tout le monde a compris qu’il s’agit d’un tremblement de terre. Alors que chacun se renseigne de son côté, Patrice Raffarin jette régulièrement un coup d’oeil inquiet sur le téléphone d’astreinte de la mairie. « Je craignais qu’il y ait des dégâts, mais je n’ai finalement pas reçu d’appel ».
Dans la commune voisine de La Flotte, un conseil d’administration vient de se tenir à la maison du Platin, où les bénévoles sont encore sur place. Une discussion autour des bateaux est brutalement interrompue par une énorme vibration. « Nous nous sommes demandé ce qu’il se passait. L’un d’entre-nous a reçu très vite un SMS, et nous avons compris que ce n’était pas une hallucination », confie Romain Masson, responsable du musée du Platin. Le séisme a aussi été ressenti au Bois-Plage et à La Couarde. Au nord de l’île, et même à Saint-Martin, il semble que le séisme a été beaucoup moins ressenti. Mais le lendemain, les discussions ne tournent qu’autour de cet évènement, même le dimanche pendant les commémorations de l’Appel du 18 juin 1940, du côté de La Flotte. Chacun se remémore ses propres expériences des tremblements de terre. Tous s’accordent à dire que c’est un des plus violents jamais ressentis dans la région.
Sur les lieux de l’épicentre, entre La Laigne et Cram-Chaban, les dégâts sont considérables (voir encadré) et les habitants sont totalement hagards. « Le lendemain, tout le monde était abattu. Beaucoup de gens ont passé la journée dehors, de peur de rentrer chez eux. On a même des amis qui ont dormi dans leur camping-car », témoigne William. La pression a du mal à retomber, d’autant qu’une réplique, de 5 sur l’échelle de Richter, les a de nouveau réveillés en pleine nuit, le 17 juin à 4h27 du matin3. « Nous avons bondi du lit, en attrapant quelques affaires. Nous nous sommes habillés dans le jardin. On se parlait avec les voisins à travers la nuit pour savoir si tout allait bien », confie William, qui n’est pas prêt d’oublier ce terrible weekend de juin 2023.
1) A une quarantaine de kilomètres à l’Est de La Rochelle.
2) Le 7 septembre 1972, à 22h26. De magnitude 5,7, il fut le plus violent ressenti dans la région depuis le début du XXème siècle.
3) Une seconde réplique, de 3,7, a eu lieu le même jour à 9h31.
250 maisons inhabitables, des dizaines de familles à reloger
Par chance, ce séisme de 5,3 à 5,8, qui a été ressenti dans tout l’Ouest du pays, n’a pas fait de victimes, à part un blessé léger dans les Deux-Sèvres.
Après le passage des experts du SDIS 17 et 79 dans chaque habitation du secteur de l’épicentre, et selon les déclarations du Ministre de la transition écologique Christophe Béchu venu sur place ce lundi 19 juin, environ 250 habitations classées en noir ou en rouge sur la Charente-Maritime (200) et les Deux-Sèvres (50) ont été déclarées inhabitables dans l’immédiat, dont environ 90 à La Laigne et 80 à Cram-Chaban (au moment où nous écrivons ces lignes, des opérations de contrôle sont encore en cours). L’église de La Laigne est également dans un état préoccupant et des fissures importantes sont apparues sur les murs de l’école. D’ores-et-déjà, on sait que les maisons les plus endommagées, classées en « noire », ne pourront probablement pas être réparées. Dans l’urgence, une salle des fêtes, un gymnase et même un ancien terrain de foot (et ses sanitaires) ont été ouverts pour accueillir les sinistrés. La solidarité a joué à plein, de nombreux habitants ayant trouvé refuge chez des amis ou de la famille dans des maisons épargnées. Sur place, des témoins confient que les maisons récentes, bâties selon les normes antisismiques, ont beaucoup mieux résisté que les habitations plus anciennes. « Il y a des maisons qu’on a mis 20 ans à retaper, et en l’espace de 4 secondes, tout est anéanti », confiait un habitant de Cram-Chaban.
Il faudra du temps pour panser les plaies (une cellule d’aide psychologique a été ouverte à La Laigne) et déterminer avec les experts quelles maisons peuvent être réparées ou non. Dans les prochains jours et prochaines semaines, il va falloir trouver des solutions d’hébergement pérennes pour des dizaines de familles. Dès le 17 juin, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé une procédure accélérée de reconnaissance de catastrophe naturelle. A noter que sur l’île de Ré, le maire de Rivedoux a proposé à ses homologues de La Laigne de mettre à disposition les services techniques de Rivedoux dans les prochains jours pour aider aux travaux de déblayage des gravats et de nettoyage.
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