Estivants – Rétais : un vivre ensemble sous tension(s)
Le débat n’est pas neuf mais d’année en année, le constat est le même : au coeur du mois d’août, alors que la saison bat son plein, les tensions entre visiteurs estivants et résidents permanents deviennent palpables.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, évacuons tout de suite les jugements à l’emporte-pièce. Non, il ne s’agit pas de fustiger une activité touristique fondamentale pour l’économie du territoire. Non, il ne s’agit pas non plus de mettre tous les estivants dans le même sac et de les accuser de tous les désagréments qui pimentent la période estivale. Sur ce thème, de nombreux Rétais ne sont hélas pas en reste. Il s’agit seulement de regarder les choses en face : en juillet et août, tout n’est pas rose sur Ré la Blanche.
De 18 000 habitants à…
C’est un fait, Ré, petit territoire tranquille en hiver, fait plus que doubler sa population l’été. Habitués à une fluidité de circulation qui ferait pâlir les villes de jalousie mais aussi à ne pas avoir de problèmes pour se garer ni à faire la queue nulle part, les rhétais voient rouge sur les routes saturées, face à des vélos imposant leur loi sur les pistes cyclables et tout ce qu’entraîne une massification de la population.
Alors quand fusent les invectives du type « Sans nous, vous ne mangeriez pas » ou les réflexions stupides du genre « je fais ce que je veux je suis en vacances », oui c’est vrai, le résident permanent aurait tendance à jeter le bébé avec l’eau du bain. Et oui, même si l’activité touristique est une ressource économique majeure, il a droit au respect. Il est quand même chez lui et sans rechigner à partager son territoire pour quelques semaines, il n’est pas non plus l’esclave de personnes se pensant omnipotentes. D’autant que non, tout le monde ne travaille pas dans le tourisme. L’Ile de Ré n’est pas un parc de loisirs ayant pour seule règles celles du marketing. Voilà c’est dit.
Mais il y a aussi à dire du côté de certains résidents permanents, comme cette jeune énervée traitant une habitante et sa fille de « sales touristes » et les menaçant d’une gifle, alors même qu’elle venait de faire preuve d’une incivilité qui lui a été signifiée. Ou encore de ces lieux d’accueil et de service – bars, restaurants, hébergements chez des particuliers – qui n’ont d’accueil que le nom et où la qualité laisse à désirer, comme si l’estivant n’était là que pour sortir son porte-monnaie, devant payer très cher cette Ile de Ré qui lui a été tant vantée.
A pied, en vélo ou en voiture
« Céder le passage » refusés, panneaux de Stop ignorés ou mépris des zones piétonnes, les infractions de circulation sont légion. Cela vaut pour les voitures et pour les vélos. Sur le dernier point Info Cyclo Tourisme, une conversation avec la Gendarmerie et la Police Municipale du Bois-Plage est édifiante : la plupart des cyclistes n’ont cure des règles, roulant trop vite, ignorant les arrêts réglementaires même à des ronds-points aussi importants que celui du Gros Jonc où nous nous trouvons. Pire, les forces de l’ordre constatent parfois que ce sont les enfants (initiés à l’école) qui tendent à s’arrêter aux Stop, du moins avant que leurs parents leur fasse signe que ce n’est pas la peine !
« Et regardez », continue-t-il, « depuis tout à l’heure, environ 80 vélos sont passés devant nous. Seuls 5 se sont arrêtés au Stop » (qui est à un mètre de nous). La présence des uniformes ? Elle ne les incite qu’à ralentir. « Les cyclistes se pensent prioritaires partout » précise le gendarme, « ignorant qu’une infraction telle que brûler un Stop y compris sur une piste cyclable peut leur valoir 90 € d’amende et un retrait de 4 points sur leur permis ». A bon entendeur…
Heureusement, les accidents ne sont le plus souvent pas graves mais certains conduisent quand même jusqu’à l’hôpital et ce sans qu’une voiture puisse être incriminée. Jusqu’à des décès même. Alors rappelons-le encore, la voiture est prioritaire et en zone urbaine, c’est le piéton qui l’est. Pas le vélo. Et si celui-ci peut s’épanouir sur les pistes cyclables, il n’en est pas moins soumis aux règles du Code de la Route.
Incivilités en tous genres
Habitués au calme de leurs venelles et à la propreté de leurs rues, de nombreux habitants constatent avec regret la dégradation de leur qualité de vie pendant la saison. Alors certes, 18 000 habitants feront toujours moins de dégâts et de bruit que plus de 100 000. C’est la règle du nombre. Mais quand même, certaines situations, à force de répétition, finissent par mettre les nerfs en boule. Comment faire autrement quand on est réveillé au coeur de la nuit par les cris de personnes éméchés remontant les rues sans se soucier le moins du monde de ceux qui dorment, s’amusant à donner des coups de pied dans les poubelles ou à les balancer au milieu des rues ? Comment ne pas être las quand on trouve régulièrement devant sa porte, canettes de bières, bouteilles et autres reliquats de pauses alors qu’il suffisait de faire un mètre pour déposer le tout dans une poubelle publique ? Cela en revanche et au regard de l’état habituel des rues, est bien le fait d’estivants mal éduqués, considérant qu’en vacances, ils peuvent se dispenser du savoir-vivre élémentaire.
Un problème sociétal
Il n’y a malheureusement guère de solution. Sur les pistes cyclables, les forces de l’ordre elles-mêmes constatent amèrement que le problème est quasi insoluble. Ré, victime de son succès, doit faire face à tous les aléas des cités balnéaires. Territoire insulaire protégé, l’île voit entrer chaque année la société et tout ce qu’elle comporte, ses richesses mais aussi ses dérives. Pour autant, il ne faut pas baisser les bras et les résidents permanents doivent aussi faire le ménage devant leur porte : être accueillants et aimables lorsqu’un touriste s’adresse à eux, quitte à le rappeler à l’ordre, toujours poliment, si son comportement est abusif, ne pas faire aux autres, sous prétexte qu’ils sont là pour quelques jours ou quelques semaines, ce qu’ils n’aimeraient pas qu’on leur fasse. Quant à certains touristes, rien ne les autorise à se croire en terrain conquis et à faire fi de tous principes sous prétexte qu’ils sont en vacances.
Constatons néanmoins que les touristes étrangers font souvent preuve de bien plus de civilité et de courtoisie que nos concitoyens nationaux. L’incivilité, un mal français ? Le débat est ouvert.
L’association des Amis de l’Ile de Ré rendra compte à la fin août des résultats d’une enquête sur le ressenti des résidents permanents face au tourisme. D’autre part, une autre étude a été diligentée par Destination Ile de Ré afin de mesurer auprès de la clientèle touristique la qualité des prestations de l’Ile de Ré dans tous les domaines. Le sujet n’est donc pas clos, loin de là, et une vraie réflexion est sans doute à mener pour que tout le monde y trouve son compte.
Pauline Leriche Rouard
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