Le droit de choisir sa mort, un ultime espace de liberté et de dignité encore à conquérir
Le député La Rochelle-île de Ré, Olivier Falorni, revient à la charge : il a déposé le 4 octobre une proposition de Loi « donnant le droit à une fin de vie libre et choisie », comme il s’y était engagé auprès d’Anne Bert, Saintaise atteinte de la « maladie de Charcot » (SLA), qui a été euthanasiée en Belgique ce même jour.
Le droit à une fin de vie libre et choisie figurait dans les engagements de campagne de François Hollande. Olivier Falorni, qui a déposé lors de son précédent mandat une proposition de Loi dans ce sens, a constaté avec amertume la frilosité du président, du gouvernement de l’époque et plus généralement des politiques sur un tel sujet, qui ne peut être consensuel. On connaît la suite : la Loi Claeys-Leonetti trop édulcorée pour apporter une solution de fond, une Loi « de renoncement et hypocrite » pour le député.
Alors qu’il débute sa campagne électorale, Olivier Falorni est contacté à la mi-avril 2017 par Anne Bert, dont le combat pour une fin de vie choisie a déjà été médiatisé. S’ils ne se sont rencontrés qu’une fois, ils échangeront par téléphone et mail toutes les semaines, puis tous les jours. Olivier Falorni prévient d’emblée : « Cette proposition de Loi n’est pas le fruit mais est riche de cette rencontre. Anne Bert ne l’a pas co-écrit, j’ai sollicité son avis et elle a participé à la rédaction des motifs. Nous n’avons jamais été dans le pathos. Il ne s’agit pas d’un combat morbide et Anne disait que de toutes façons il y aurait un jour une Loi en France mais que le temps était compté pour ceux qui viendront après elle et n’auront pas le temps ».
Un principe de « précaution politique » peu courageux
Le député ne se fait pas beaucoup d’illusions au vu de la grande frilosité des politiques sur les sujets de la Procréation Médicale Assistée (PMA) et de la fin de vie, frilosité qui l’interroge. Anne Bert lui a fait part de sa profonde déception à la suite de l’appel de la Ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui avait pourtant à titre personnel adhéré au principe d’une aide médicalisée au décès : celle-ci ne lui a guère laissé d’espoir quant à l’issue de son combat. Déçue mais toujours aussi déterminée, tout comme le député, qui espère que beaucoup d’autres députés déposeront des textes dans ce sens, sa fenêtre de tir étant étroite puisqu’il n’appartient pour le moment à aucun groupe parlementaire.
« Croyez-vous que la Loi sur l’IVG ou que celle de l’abolition de la peine de mort en France aient été consensuelles ? Non, bien sûr. Il nous faut une nouvelle Simone Veil capable de mener ce combat » martèle-t-il.
2000 actes d’euthanasie clandestine par an en France
Anne Bert rappelait d’ailleurs que près de 2000 actes d’euthanasie clandestine – donc de facto criminels – sont pratiqués en France sans aucun contrôle. Quand les tribunaux sont saisis d’une telle affaire, ils sont très mal à l’aise, rendant des jugements « intermédiaires » qui n’ont pas de sens : la Loi prévoit une peine de 30 ans d’emprisonnement pour un meurtre, que veut dire un jugement condamnant un « accompagnant » à par exemple un an d’emprisonnement avec sursis ? A-t-il commis un acte criminel ou non ?
Anne Bert était obsédée par le fait que cette proposition de Loi soit très encadrée, pour ne pas être contestable et c’est le cas du texte déposé par le député Olivier Falorni (lire ci-contre). Chacun garde son entière liberté, le malade peut à tout moment révoquer sa demande, le médecin peut invoquer sa clause de conscience et refuser de pratiquer l’euthanasie.
Des pays voisins bien plus matures sur les sujets sociologiques
Les Pays-Bas (loi du 12 avril 2001), la Belgique (loi du 28 mai 2002) ou encore le Luxembourg (loi du 16 mars 2009) ont sauté le pas en autorisant l’aide active à mourir depuis plusieurs années. « Non, la loi belge sur l’euthanasie n’a pas encouragé les spoliations d’héritage ni la liquidation des personnes âgées. Elle n’est pas non plus une solution d’ordre économique. Non elle n’a pas encouragé les malades à choisir cette porte de sortie – qui n’est jamais facilitée – puisque seuls 2 % des malades en fin de vie la choisissent. Non elle n’a pas non plus favorisé une multitude de dérives. Bien au contraire, la loi belge a balisé strictement l’aide active à mourir… Non le procédé létal n’est pas violent… Légiférer sur l’euthanasie n’est pas répondre à l’individuel mais bien à une volonté collective de pouvoir choisir en son âme et conscience ce que l’on veut faire des derniers instants de sa vie » déclare t- elle dans l’exposé des motifs.
La France comporte-t-elle assez de politiques courageux pour mener ce combat à son terme, fut-cet- il semé d’embûches, d’insultes, voire de menaces comme ce fut le cas lors du vote des lois sur l’abolition de la peine de mort ou sur l’IVG ? Le poids des convictions des hommes l’emportera-t-il un jour sur le poids des consignes des partis politiques ? C’est ce qu’espère Olivier Falorni, qui n’entend pas laisser mourir le combat d’une femme profondément digne et courageuse.
Nathalie Vauchez
La proposition de Loi en bref
L’assistance médicalisée permettant, par une aide active, une mort rapide et sans douleur, concerne une personne majeure en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable. Un comité médical doit être saisi pour s’assurer de la réalité de la situation médicale du patient et pour vérifier le caractère libre, éclairé et réfléchi de sa demande. Il doit aussi l’informer des possibilités offertes par les dispositifs de soins palliatifs.
La personne malade peut à tout moment révoquer sa demande. L’acte d’assistance médicalisée intervient sous le contrôle du médecin qui a reçu la demande.
Lorsqu’un patient n’est plus en mesure d’exprimer sa demande, il peut bénéficier d’une assistance médicalisée pour mourir à condition que celle-ci figure dans ses « directives anticipées ». Sa « personne de confiance » en fait alors la demande à son médecin.
Une telle mort résultant d’une assistance médicalisée mise en oeuvre strictement dans le cadre défini et légal, est considérée comme une mort naturelle, ce qui est fondamental au regard des contrats d’assurance-vie par exemple…
Enfin, les professionnels de santé ne sont pas tenus d’apporter leur concours à la mise en oeuvre d’une assistance médicalisée pour mourir. Dans ce cas ils sont tenus d’orienter immédiatement le patient vers un autre praticien susceptible de déférer à sa demande.
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