Dossier Habitat
Nouvelle Règlementation
Meublés de tourisme : un choix politique fort
Lors du Conseil du 28 mars dernier, les élus communautaires ont délibéré à l’unanimité en faveur de la mise en oeuvre de mesures de régulation des locations saisonnières. Un choix décisif pour le rééquilibrage entre vie permanente et tourisme.
A l’instar d’autres territoires très touristiques comme La Rochelle, Vannes, Saint-Malo ou encore Les Sables d’Olonne, l’île de Ré a ainsi franchi une étape décisive. Plusieurs études ont démontré une augmentation exponentielle* ces dernières années du nombre de meublés de tourisme sur les dix communes rétaises, résultant principalement de la transformation de locaux destinés à l’habitation principale pour la location de courte durée, au détriment de l’habitation permanente.
Corollaire immédiat : une réduction notoire des locations à l’année et une hausse des prix de l’immobilier et des loyers, devenus incompatibles avec les niveaux de revenus des habitants. La tension croissante constatée sur le marché de l’emploi et l’accès aux services, liée à l’impossibilité pour les employeurs rétais à loger leurs salariés, découle également directement de ce déséquilibre.
L’île de Ré classée en « Zone tendue », préalable indispensable
Pour pouvoir réguler le marché de la location, le préalable était que l’île de Ré soit reconnue en « zone tendue » (au sens de la Loi ALUR), ce qui est le cas depuis le 25 août 2023, après plusieurs années d’attente. Dès lors, pour restaurer un tant soit peu l’équilibre social, économique et sociologique du territoire, les élus ont saisi l’opportunité offerte aux intercommunalités, par le Code de la construction et de l’habitation, de décider de soumettre à autorisation préalable de changement d’usage le fait de louer un meublé (hors résidence principale) destiné à l’habitation de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage. Il appartient à l’EPCI (la CdC de l’île de Ré) de déterminer les conditions de délivrance et les critères de cette autorisation préalable.
Cette autorisation de changement d’usage doit permettre de répondre à la dégradation des conditions d’accès au logement pour les habitants permanents, en accroissant l’offre de logements à l’année. Elle s’inscrit dans le cadre d’une politique plus large de l’habitat, en cours d’élaboration via le PLH de l’île de Ré (Programme local de l’habitat).
2 meublés par personne et un quota par commune
Ainsi, le règlement voté par les élus communautaires, le 28 mars dernier, prévoit qu’à partir du 1er juin 2025, pour louer un meublé de tourisme, le propriétaire devra obtenir une autorisation de changement d’usage. Ce régime d’autorisation temporaire de changement d’usage pour les personnes physiques, sera limité à deux hébergements par foyer fiscal (sur toute l’île), pour une durée de trois ans, renouvelable expressément. Pour les personnes morales, la limite est également fixée à deux hébergements. Il instaure un quota par commune et à l’échelle de l’île (2781 meublés touristiques), c’est-à-dire un nombre maximum de logements pouvant être autorisés à la location touristique. Quand ces plafonds seront atteints par commune, plus aucune autorisation ne pourra être attribuée tant que des places ne se seront pas libérées. Il est à noter que pour un local à usage d’habitation qui est la résidence principale du propriétaire, celui-ci ne relève pas de cette procédure, dans la limite de 120 jours de location par an.
Un droit de priorité sera donné aux personnes physiques et morales s’étant déjà déclarées à la taxe de séjour au moins une fois ces trois dernières années et avant le 28 mars 2024. Les demandes d’autorisation de changement d’usage pourront être déposées à partir du 1er octobre 2024 pour les personnes bénéficiant de ce droit de priorité. Les autres pourront faire leur demande à partir du 1er janvier 2025.
Une commune pourra s’opposer au renouvellement de l’autorisation si des nuisances ont été constatées. Lorsque le changement d’usage est assorti de travaux entrant dans le champ d’application du permis de construire, la demande de celui-ci vaut demande de changement d’usage, le demandeur devant joindre le formulaire « changement d’usage » à sa demande de permis de construire. Les travaux ne peuvent être exécutés qu’après l’obtention de l’autorisation de changement d’usage.
Procédure d’enregistrement dans chaque commune
Pour que ce règlement soit opérationnel dans chaque commune, il faut que les conseils municipaux instaurent, par une délibération, la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable de location d’un meublé de tourisme. Les services de la CdC de l’île de Ré vont préparer un modèle de délibération pour les communes.
Un règlement « proportionné, juste et efficace »
Peggy Luton, vice-présidente au logement, a présenté ce règlement comme « un compromis entre des règlements trop durs ou trop souples existant sur d’autres territoires. Il ne s’agit en aucun cas d’interdire la location touristique mais de ne pas permettre tout et n’importe quoi au détriment de la vie insulaire. Nous avons imaginé un règlement à la fois proportionné, juste et efficace dans le temps. En contrepartie, nous annoncerons cet été des aides directes aux propriétaires, destinées à promouvoir encore davantage la location à l’année. »
Le président Lionel Quillet a tenu à souligner la forte volonté politique qui sous-tend celui-ci : « Pour ma part, j’aurais été plus loin, mais j’ai cherché l’unanimité. Je rappelle que le pouvoir de contrôle de ce règlement revient aux maires. » Le numéro d’enregistrement (de compétence communale), afférent à chaque bien ayant un accord de changement d’usage, permet un certain contrôle, les plateformes de location étant tenues de vérifier l’existence de celui-ci. Elles doivent remonter une fois par an aux collectivités toutes les annonces avec leurs numéros, permettant à ces dernières de faire des croisements.
Le premier vice-président, Patrick Rayton, a précisé que « pour la réussite de cette opération je proposerai un complément dans ce que pourra apporter le PLH en matière de transformation de résidences touristiques en résidences permanentes. Ainsi, par exemple, aux Sables d’Olonne est apporté à ceux qui s’engagent à passer en résidence à l’année, une prime de 10 000 € sur trois ans. »
Saluant le vote unanime (et sans abstention) des 28 délégués communautaires, « qui était loin d’être acquis quand on a lancé la réflexion, avec des contre-pouvoirs qui se sont exercés », Lionel Quillet a souligné « la qualité et la solidarité de notre île. » Il est à noter que l’île de Ré est la première île française à adopter un tel règlement pour l’ensemble de son territoire.
Il conviendra de suivre de près la mise en application, et les effets induits de ce règlement, qui ne sont pas forcément tous bien connus à ce stade.
*Selon une étude réalisée par des chercheurs de l’Université de La Rochelle pour la CdC de l’île de Ré, les annonces de location de meublés de tourisme sur Abritel et Airbnb seraient passées de 1325 en 2016 à 5067 en 2022 (+282 %), avec un plateau atteint depuis 2019. Cette étude n’est pas exhaustive, puisque n’ont pas été prises en compte d’autres plateformes.
Nathalie Vauchez
Energie renouvelable
Quel avenir pour le solaire rétais ?
Au chapitre énergies renouvelables, il a toute sa place et son exploitation est désormais facilitée. Avec quelles perspectives ?
Avec plus de 2 500 heures d’ensoleillement annuel, l’Île de Ré tient la dragée haute aux territoires du sudest français. Bon d’accord, l’opacité grise de cet hiver avait certains jours de quoi faire douter, le changement climatique se faisant sentir. Raison de plus pour accélérer la cadence, et si l’éolien est loin de faire l’unanimité, le soleil lui, est une alternative naturelle et une source d’énergie inépuisable. Alors pourquoi s’en priver ?
Un parcours du combattant
Rappelons qu’au PLUi rétais validé en 2019 était d’emblée inscrite la possibilité d’intégrer aux toitures rétaises des panneaux photovoltaïques. Mais avec de telles contraintes d’urbanisme qu’il y avait de quoi décourager les plus audacieux. Avec une obligation d’encastrement des panneaux dans les toitures et la non visibilité obligatoire depuis les rues, sans oublier un avis à priori négatif des ABF*, les projets étaient quasi systématiquement retoqués. Autant d’obstacles qui laissaient à penser que oui au solaire, mais surtout pas ici, sur ce territoire classé et protégé à tel point qu’on finissait par le croire figé. Compréhensible à certains égards mais il faut bien vivre avec son temps. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que celui-ci a une lourde épée de Damoclès sur la tête, sans même évoquer les flambées inflationnistes des coûts de l’énergie.
Une évolution par étapes
Face à ce contexte d’ailleurs dénoncé par certaines associations, il fallait une volonté politique. En janvier 2022, la CdC initie un groupe de travail dédié aux énergies renouvelables, orchestré par la vice-présidente déléguée à l’environnement et au développement durable Gisèle Vergnon et le conseiller communautaire Patrick Salez. Leur mission ? Définir une stratégie à long terme, au travers d’une feuille de route concrète. Et c’est autour du solaire que s’organise leur premier travail.
Modification au PLUi
En 2023, c’est au plus haut niveau que l’évolution se profile. Par la loi du 10 mars relative à l’accélération de la production d’énergie renouvelable, l’Etat entend « lever tous les verrous qui retardent le déploiement des projets », selon les propos de la Ministre de la Transition Énergétique Agnès Pannier-Runacher. Côté verrous, un premier saute sur l’Île de Ré : adoptée début octobre 2023, la modification simplifiée N°2 du PLUi élargit le champ des possibles côté solaire, en acceptant notamment la surimposition des panneaux photovoltaïques, moins complexe à réaliser mais aussi moins coûteuse que l’encastrement. S’y ajoute un assouplissement sur la prise en compte des avis de l’Architecte des bâtiments de France (ABF).
Avis ‘simple’ ou ‘conforme’, quelles différences ?
Jusqu’ici l’avis de l’ABF est dit ‘conforme’ dans trois communes – La Flotte, Sainte- Marie et Saint-Martin – ainsi que dans un périmètre de 500 m de l’église d’Ars. Autrement dit, il devait être obligatoirement suivi par les maires en cas d’avis PUBLI-RÉDACTIONNEL défavorable, même si ceux-ci jugeaient des projets acceptables. A contrario, face à un avis ‘simple’, l’élu, autorité compétente en la matière, peut décider d’approuver un projet dans son arrêté d’autorisation. Voilà pour les grandes lignes mais au final ce n’est pas si simple car l’île de Ré reste ce qu’elle est : un territoire contraint.
A proximité de monuments historiques et de sites patrimoniaux remarquables, l’avis des ABF devra toujours être ‘conforme’. Autant dire que du côté de Saint-Martin, La Flotte, Sainte-Marie ou Ars-en-Ré, rien n’est gagné, tandis que Le Bois-Plage, La Couarde, Loix, Saint-Clément ou Les Portes pourront eux bénéficier d’avis ‘simples’. Mais là aussi, avec quelques réserves. Car la règle d’invisibilité depuis la rue demeure, a fortiori concernant les maisons anciennes des centres-villages, et autres bourgeoises ou représentatives de l’architecture balnéaire, ainsi que les anciens bâtiments type chais ou moulins. N’oublions pas non plus que le territoire est sous le joug de la loi Littoral. Ainsi ont été récusés certains projets comme ces « fermes solaires », dont une était pour exemple envisagée au Bois-Plage aux Gâchettes, zone de la future ex déchetterie, mais pas dans « une zone de continuité urbaine » comme imposé.
Où en est-on aujourd’hui ?
Soyons déjà clairs sur un point : par conscience écologique ou pour des raisons plus matérialistes, les Rétais ne désarment pas sur le solaire, et les projets déposés dans les services d’urbanisme des communes étaient déjà nombreux. Mais oui, sans aucun doute, la modification apportée au PLUi porte déjà ses fruits. « C’est dans l’air du temps et les demandes déjà nombreuses ont effectivement progressé », nous dit-on à Rivedoux. « Oui, il y a une évolution des demandes mais sur les sites patrimoniaux remarquables cela reste compliqué », nous confirme-t-on à Sainte-Marie. A La Flotte, « pas de passage du simple au double » et la commune attend la fin de la consultation de la carte APER* (voir encadré) qui « va ouvrir des portes et en fermer d’autres », sur un village également inscrit en sites patrimoniaux remarquables. Au Bois-Plage, « une nette augmentation des demandes de panneaux photovoltaïques est enregistrée depuis la modification du PLUi mais attention, les demandes sont à distinguer des autorisations », souligne Nolwenn Guillemin, adjointe à la direction générale de la Commune, en référence aux avis de l’ABF.
Autant de commentaires prudents et en demi-teinte, mais restons positifs, les lignes ont bougé et bougeront sans doute encore. Toutes les communes contactées soulignent aussi le dynamisme commercial d’entreprises voyant s’ouvrir un marché jusqu’alors très fermé. Ce qui bien sûr compte dans l’effet d’entraînement. Rappelons à cet effet et sans aucune mauvaise intention, que la vigilance est de mise sur le choix des prestataires, surtout si l’on espère dans le soutien financier proposé par les aides existantes.
Pauline Leriche Rouard
Dix communes, dix cartes
Quatre grands volets composent la loi d’Accélération pour la Production d’Énergie Renouvelable (APER), soit : « construire une planification territoriale des énergies renouvelables conduite par les élus de terrain, accélérer les procédures administratives concernant les énergies solaire, thermique, photovoltaïque et agrivoltaïque, accélérer le développement des installations de production d’énergie renouvelable en mer, améliorer le financement des énergies renouvelables et instaurer des mécanismes de partage de la valeur ».
En réponse, la CdC a adopté une méthode propre à satisfaire les exigences de cohérence autant que celles des différents élus. La planification territoriale évoquée dans la loi se matérialise donc ici par dix cartes montrant le potentiel de production insulaire en matière d’énergie solaire. Les cartes sont actuellement déployées dans les communes pour consultation du public, avant le temps de la validation en Conseil Communautaire
Le Bois-Plage a son cadastre solaire
Le projet a été présenté par un collectif citoyen boitais lors du budget participatif communal. Sélectionné, il est aujourd’hui réalisé et se révèle un outil judicieux, fluide et pragmatique. Par la simple saisie de son adresse, on peut ainsi découvrir le potentiel solaire de sa toiture puis poursuivre la démarche en choisissant un type de projet et obtenir un premier rapport pouvant aider à la réflexion où à se lancer dans sa réalisation. Une initiative qui pourrait faire des petits…
www.leboisplage.cadastre-solaire.fr
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