Dossier Habitat
TENDANCES DU MARCHÉ IMMOBILIER
Les acquéreurs au centre du marché
Nous avons interrogé plusieurs agences immobilières rétaises, des Portes-en-Ré à Rivedoux-Plage, de Saint-Martin de Ré à Loix, toutes solidement et historiquement installées sur l’île. Si les tendances du marché immobilier qu’elles nous décrivent se rejoignent sensiblement, chacune traverse différemment cette période de forte évolution.
Un contexte national secoué
Le contexte d’inflation, de flambée des taux d’intérêt, de rénovation énergétique des logements, conduit à un rééquilibrage entre l’offre et la demande, toutes les agences interrogées reconstituent leur stock de biens en vente, après des années marquées par le vendeur-roi. La résistance reste toutefois forte, tant du côté des vendeurs – qui ne veulent pas baisser leur prix de vente, même après plusieurs mois de mise de leur bien sur le marché – que des acheteurs, qui font des offres sous évaluées.
Les prix se stabilisent, l’offre de logements restant insuffisante. Les acquéreurs se heurtent à plus de difficultés, que ce soit pour autofinancer leur achat ou obtenir un emprunt. Ainsi les primo-accédants sont en retrait, tandis que les secundoaccédants, qui disposent souvent d’un apport important avec la revente de leur précédente habitation et/ ou peuvent facilement emprunter, dynamisent le marché. Les délais de transaction s’allongent, les négociations se renforcent. L’écart entre le prix de mise en vente initial et le prix d’achat final a dépassé les 5 % au niveau national sur ce premier semestre 2023, traduisant une pression accrue de la part des acquéreurs sur les vendeurs.
L’île de Ré moindrement impactée
L’île de Ré n’échappe pas à ce phénomène de rééquilibrage, mais il y semble pour le moment moindre, puisque notre territoire comporte un très grand nombre de résidences secondaires, particulièrement sur les communes du Nord de l’île. Les propriétaires ne sont ainsi pas forcément pressés de vendre, hormis dans les cas de succession et/ou d’évolution de projet de vie des héritiers, les acheteurs potentiels ont globalement moins besoin de financements bancaires.
« Le marché est à l’arrêt, les demandes sont nettement moins nombreuses, tandis que les stocks de biens se remplissent. On a moins de visites, moins de déclenchements, c’est plus long et plus compliqué, on revient à 2007/2008 avec la crise des subprimes. On a aussi sur l’île de Ré toujours le problème de l’Impôt sur la Fortune Immobilière auquel sont soumis des propriétaires qui n’ont pas forcément des revenus à la hauteur. Le marché a besoin de vendeurs ayant une approche plus raisonnable. L’une des spécificités de l’île de Ré – comme les autres zones balnéaires certainement – est que les propriétaires ont les moyens de ne pas vendre leur bien, ils ont la possibilité de le garder ou de le louer. 2008 a été le point de départ de la démocratisation des locations saisonnières, y compris de la part de propriétaires qui auparavant auraient eu besoin de vendre et se sont tournés vers la location. », explique l’un des agents immobiliers interrogés.
Des freins à lever
Autre frein évoqué par celui-ci : « La loi du plafond des 35 % d’endettement qui s’applique systématiquement depuis un an, quels que soient les niveaux de revenus, sans regarder le « reste à vivre ». Cela a été une erreur monumentale de l’Etat français, qui pensait avec cette mesure éviter le surendettement, mais il aurait fallu différencier. »
Les collectivités territoriales et locales, pour lesquelles les droits de mutation représentent une manne, commencent d’ailleurs à accuser le coup de cette baisse de ressources.
Que faudrait-il faire pour relancer le marché ? « Il faut que les vendeurs soient plus raisonnables sur le prix de mise en vente, que les banques reprennent un mode d’attribution normal, en n’appliquant pas systématiquement ce taux maximal de 35 % et que les taux d’intérêt baissent un peu. »
« Dans ce contexte compliqué, l’île de Ré s’adapte. Elle reste attractive, ne connaît pas d’effondrement des prix et reste un marché de confort lié à l’importante proportion de résidences secondaires. Si le Covid a aussi été un fort accélérateur des ventes, certaines grandes maisons ne se vendraient certainement pas aujourd’hui et nous ne pourrons pas les revendre. »
Un rééquilibrage du marché bénéfique ?
Autre village, autre perception, même si cette gérante d’agence immobilière partage l’analyse, elle estime avoir très bien travaillé ces derniers mois et que l’année devrait être au niveau des années 2021 et 2022, qui furent très soutenues. « Certes, la demande est moins soutenue, nous avons un peu moins de clients et des demandes dans la fourchette de 600 à 800 K€ que nous ne pouvons satisfaire. Nous sommes aussi confrontés aux agences qui surcotent jusqu’à un point hallucinant – jusqu’à 30 % trop cher – pour rentrer un bien et cela fausse tout. Les bons produits aux bons prix partent assez rapidement. Nous ne sommes pas trop touchés par les refus de prêts, car les clients qui achètent des résidences secondaires ont déjà pour la plupart l’accord de leur banque ou ont la capacité financière. 2023 devrait être pour nous au niveau des deux années précédentes, je suis un peu plus inquiète pour 2024. Si cette conjoncture un peu plus compliquée peut conduire à un rééquilibrage des prix, ce serait un mal pour un bien. », conclue-t-elle.
La densité d’agences immobilières et de mandataires sur l’île de Ré fait aussi que le « gâteau » est à partager entre beaucoup d’intervenants. C’est le jeu de la concurrence, sauf qu’aux yeux de certains acteurs, celle-ci ne serait pas toujours loyale, avec des contraintes et des compétences assez différentes.
Cet autre responsable d’agence confirme : « Le marché a totalement changé cette année, on a davantage de biens à la vente et beaucoup moins d’acquéreurs, en moyenne on passe de dix contacts pour un bien l’an passé à trois contacts cette année. Ceux-ci négocient plus et sont plus longs à se décider, on doit faire davantage attention aux acquéreurs. Nous tirons bien notre épingle du jeu du fait de notre notoriété, aussi parce que nous avons la confiance des acheteurs sur notre commercialisation au juste prix. Et l’île de Ré reste un marché privilégié, très peu de nos dossiers capotent par manque de financement, nous sommes sur des résidences secondaires supérieures à 1 – 1,3 M€, les acquéreurs sont déjà propriétaires et pas concernés. »
Moins de pression pour les propriétaires de résidences secondaires
Pour notre dernière agence interviewée, actrice historique du marché, même son de cloche : « Avec la pénurie de biens, aucune négociation n’était possible. On a à nouveau plus de biens, les gens ont accepté le Covid, ils savent qu’on ne sera pas reconfiné demain, le projet de vivre au vert est un peu moins prégnant. On a de tout, des maisons à rénover, des produits clé en main, avec un peu plus de grosses propriétés. Le niveau des taux d’intérêt impacte tout le monde. Nos clients, vendeurs et acheteurs, nous font confiance sur nos avis de valeur, conformes aux prix de marché. Il m’est arrivé de refuser de rentrer des maisons, dont le prix était surévalué. Après la forte inflation depuis le Covid, les prix aujourd’hui stagnent, mais le marché de l’île de Ré reste haut. Les propriétaires de maisons secondaires les ont souvent financées depuis longtemps, ils en profitent et ont moins de pression financière. Ils préfèrent conserver leur bien plutôt que de consentir des baisses de prix, ils peuvent attendre. On a toujours bien sûr, cela a toujours été, les maisons de famille mises en vente lors des successions, ou quelques années après, lorsque les besoins et intérêts des héritiers divergent. On a aussi les propriétaires qui cherchent plus grand ou plus petit. Concernant les pays de vacances, ils s’ouvrent à nouveau, les Français vont certainement davantage repartir à l’étranger, mais cela n’a pas d’impact pour nous en termes de transactions, les locations seront peut-être plus touchées, comme elles le sont par le dernière minute, qui prend une part plus importante chaque année. ».
Effectivement le marché des locations saisonnières semble, pour le moment, en net recul sur le moyen de gamme, certainement au profit d’hébergements un peu moins onéreux comme les campings, qui font le plein. Quant au marché des transactions immobilières professionnelles, très spécifique et exigeant une très forte valeur ajoutée de la part des rares agences concernées, il reste porteur.
Informations recueillies par Nathalie Vauchez.
Merci aux agences :
Morgan Morice ORPI Immobilier, Cap Ouest Transactions, Hénault Immobilier et l’Agence du Fier Transactions d’avoir partagé avec Ré à la Hune leur analyse du marché immobilier rétais.
Pour les tendances nationales, nous nous sommes notamment appuyés sur le billet de tendances semestriel Laforêt.
POLITIQUE DE LOGEMENT
L’île de Ré reconnue « zone tendue »
Le caractère de « zones tendues » a été reconnu pour les dix communes de l’île de Ré, qui subissent une raréfaction des logements louables à l’année au profit des locations de meublés de tourisme. Le 13 juin 2023, le Comité des finances locales (CFL) a donné un avis favorable au projet de décret listant 3700 communes en zone tendue en France dont 2600 nouvelles. Leur point commun ? Devoir concilier le soutien de l’économie touristique, notamment à travers le développement des meublés de tourisme, et le maintien de leur vocation résidentielle.
Enregistrement, changement d’usage et taxe d’habitation
Elles vont pouvoir délibérer pour mettre en place le changement d’usage pour les meublés de tourisme ainsi que la procédure d’enregistrement, sans avoir à solliciter préalablement le préfet. Ces communes ont également la possibilité de mettre en place, pour 2024, en prenant une délibération avant le 1er octobre 2023, la taxe annuelle sur les logements vacants et la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS). Ces différentes possibilités ouvertes par la loi ALUR étaient jusqu’à présent réservées qu’aux seules agglomérations, métropoles et communes listées dans le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013.
Ces mesures vont s’appliquer différemment selon les communes, qui auront le choix par exemple de majorer ou non la taxe d’habitation pour les résidents secondaires ou de maîtriser plus ou moins les locations touristiques. Par exemple, l’encadrement des loyers en relocation va pouvoir s’appliquer. Le numéro d’enregistrement va permettre aux élus de mieux connaître le marché du logement et de mieux le contrôler. Autre point important, les collectivités pourront établir des critères de changement d’usage, évidemment proportionnés à la difficulté à se loger.
La CdC de l’île de Ré va élaborer une feuille de route intercommunale, chaque commune ayant in fine le choix de sa politique de logement.
Nathalie Vauchez
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