- Environnement & Patrimoine
- Réunion publique
Digue et érosion sur l’île : faisons le point !
Le 2 mai dernier se tenait une réunion publique, organisée par la Communauté de Communes, portant sur les digues rétaises, le risque de submersion et l’érosion naturelle de nos côtes. Près de trois cents personnes y ont assisté, témoignant ainsi de leur préoccupation à ce sujet.
L’occasion pour Lionel Quillet, président de la CdC de l’île de Ré, de faire le point sur les solutions mises en place par les collectivités pour répondre à cet enjeu majeur pour l’île, accompagné de Patrick Rayton, 1er vice-président notamment délégué au littoral et du cabinet spécialisé Casagec.
Des risques ancrés dans l’histoire de l’île
Avec ses 107 km de linéaire de côtes, l’île de Ré a toujours été un territoire soumis aux aléas climatiques. Et si la montée des eaux est une réalité (qui reste cependant maîtrisée), le risque principal sur l’île de Ré, comme sur l’ensemble du territoire français, reste l’évènement climatique d’envergure. C’est d’ailleurs dès le 12ème siècle que les populations rétaises ont commencé à se protéger des éléments par la création de levées dans les marais salants, avec un entretien de ces structures traditionnellement réalisé par les riverains. C’est ensuite au 19ème siècle qu’ont été construites les premières digues maçonnées. Pendant cette même période, l’île de Ré subissait les affronts de quatorze vimers (une tempête d’envergure arrivant à marée haute lors d’un fort coefficient de marée) sur les cinquante-cinq recensés depuis le 16ème siècle. La fin de la Seconde Guerre Mondiale et les années 1950 ont vu, elles, les derniers grands travaux de remise à niveau des digues, mais également un désengagement progressif de l’État sur l’entretien de ces structures. Dans la même période, les éléments ont laissé un peu de répit à notre territoire, puisque aucun vimer d’envergure ne s’est alors produit sur nos côtes, jusqu’à un évènement bien plus contemporain : la tempête Xynthia, en février 2010.
La tempête Xynthia, si elle a surpris l’ensemble de la population française, n’était donc en réalité par exceptionnelle pour l’histoire de l’île de Ré. Reste qu’avec mille quatre cents habitations sinistrées, deux décès et deux mille deux cents hectares de terres agricoles submergés, cette tempête a marqué tous les esprits, et surtout a replacé la protection des populations au coeur des préoccupations des collectivités de l’île.
Les digues face au risque de submersion
Si, dès 2006, le cabinet BRL Ingénierie faisait état de plus de 85% des 66 km de digues rétaises nécessitant des travaux d’urgence, la question de la prise de compétence des collectivités restait à trancher. Avec Xynthia, l’île de Ré a pu bénéficier d’un plan d’aide d’urgence, avec 13 millions d’euros investis par l’État entre 2010 et 2011 pour réaliser des travaux sur les soixante-quatre digues endommagées par la tempête. Une aubaine, dans son malheur, pour l’île de Ré : ce sont alors trente-deux kilomètres de digues qui ont pu être remises à niveau à ce moment-là. Et pour les digues restantes ?
Pour ces digues restantes, la question qui se pose est la suivante : à qui appartiennent les digues, et qui doit les entretenir ? Les digues font partie du domaine public maritime, c’est donc l’État qui est décisionnaire sur tous les aménagements ou les travaux qui pourraient y être réalisés. Pourtant, dès 2014, la loi MAPTAM attribuait aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) une compétence exclusive relative à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), dont la gestion des digues et ouvrages de protection. Cette compétence et les responsabilités qui vont avec ont ensuite été transférées aux collectivités territoriales entre 2018 et 2020. Lionel Quillet, président de la CdC, résume ainsi la situation : « Quand une digue est refaite, la CdC en prend la compétence et la gestion sans en être propriétaire ». Cela signifie qu’elle en est responsable d’un point de vue financier, juridique et pénal, mais que toute intervention sur celle-ci doit être autorisée par l’État.
Avec la prise de conscience due à la tempête Xynthia, la Charente- Maritime s’est dotée dès 2010 d’une « Mission littoral », présidée par Lionel Quillet, et a conçu un plan digues pour 350 millions d’euros de travaux projetés. C’est alors le plus grand chantier de protection du littoral de France. En parallèle, l’île de Ré se dote, en 2011, d’un programme d’actions de prévention des inondations, ou PAPI, avec comme objectifs d’anticiper, d’agir et de sensibiliser face au risque de submersion. Ce programme, financé à 40% par l’État, et à 20% respectivement par la Région, le département et la CdC, a permis le financement des principaux travaux réalisés ces dernières années sur les digues, mais également d’opérations de sensibilisation de la population et de mesures de protection douce du cordon dunaire, pour 53,6 millions d’euros en 2012 (PAPI 1) puis 36,8 millions d’euros en 2020 (PAPI 2).
« Le gros de la protection est fait ! » abonde Lionel Quillet. Reste un projet plus compliqué à mettre en place, et pourtant d’une grande importance face à la multiplication des événements climatiques de ces dernières années : la protection du fier d’Ars, situé dans une zone naturelle classée et peu habitée, ce qui complique encore, si cela est possible, les discussions « bénéfices/ risques » engagées avec l’État sur des travaux éventuels. Ce projet demande également une compensation des terrains pris par la construction d’une digue, sous le contrôle du Ministère de l’Environnement, de l’ordre de deux à six hectares à rendre à la nature. Pas évident sur une île où 80% du territoire est déjà en zone naturelle protégée. Et si le Département et la CdC sont à pied d’oeuvre pour trouver des solutions rapidement, Lionel Quillet l’avoue : « Ce projet ne sera pas réalisé avant 2027, au minimum ! »
A lui ensuite de rappeler une chose : la meilleure des protections reste le comportement des populations en cas d’évènement climatique d’envergure, ce qui passe par une sensibilisation des populations, fer de lance de la CdC depuis de nombreuses années déjà.
L’érosion des côtes sur l’île
Autre sujet de préoccupation des Rétais : l’érosion de nos côtes. Sur ce point, le constat est sans appel : l’État ne souhaite pas financer les travaux résultant de l’érosion en France, respectant ainsi un principe de résilience. Ce sont alors les communes qui sont responsables de l’érosion, et non pas l’État, ni a fortiori la CdC. Celle-ci n’a alors pas le droit de financer des travaux relatifs à l’érosion sur l’île de Ré. Reste qu’il est important d’agir ! L’intercommunalité, travaillant étroitement avec les communes de l’île, a alors choisi de mettre en place dès 2013 une étude objective et concrète du phénomène d’érosion sur l’île, confiant cette mission au cabinet d’expertise Casagec. Grâce à cette étude, les collectivités ont donc une connaissance précise du phénomène d’érosion sur notre territoire, et notamment des mesures précises du recul du trait de côte. Bilan : une érosion est bien généralisée sur l’ensemble des plages de l’île, à l’exception toutefois de certains secteurs, et le phénomène s’accentue avec les évènements tempétueux de plus en plus fréquents. Pour contrer ce phénomène, dès 2013, la CdC a mis en place un partenariat avec l’ONF (office national des forêts), lui accordant des subventions pour valoriser et préserver la forêt domaniale, mais également réaliser des travaux de restauration des dunes domaniales. Au total, 4,1 millions d’euros de travaux ont été financés par la CdC entre 2013 et 2023, principalement grâce à l’écotaxe, payée au péage du pont de l’île de Ré.
Hiver 2023/2024 : net recul du trait de côte
L’hiver qui s’achève (enfin !) a été marqué par plusieurs épisodes tempétueux, qui ont participé à un recul important du cordon dunaire. Des travaux d’urgence ont alors été décidés avant les grandes marées de mars, pour éviter une aggravation du phénomène. Ainsi, pour parer au plus urgent, 481 000 ont été investis sur les côtes rétaises touchées par l’érosion. Reste que la réglementation française concernant les travaux portant sur l’érosion est très stricte, ralentissant les process au niveau local. « On ne peut pourtant plus attendre pour agir ! » explique Lionel Quillet, avant de présenter la « Stratégie locale de gestion intégrée de la bande côtière », plan mis en place par les élus rétais, visant à étudier l’efficacité de plusieurs solutions envisagées (réensablement, végétalisation, …) au cas par cas sur les différents secteurs géographiques. Affaire à suivre après cette phase d’étude, d’ici douze à quinze mois …
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