Deux grandes familles rétaises au service de la Marine
Deux grandes familles rétaises, les Forant et les Gabaret, jouèrent au XVIIe siècle un rôle prépondérant dans l’histoire de la Marine française. La postérité n’en a guère gardé le souvenir. Seuls un quai et une rue portent encore leurs noms grâce au Dr Kemmerer qui souhaitait que la gloire des Rétais apparaisse « au coin des rues(1) ».
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le corps des officiers de la Marine attirait les fils de famille sur plusieurs générations. C’est une particularité que l’on ne retrouve pas ailleurs en Europe et qu’illustrent bien les familles Forant et Gabaret.
La famille Forant indissociable de la reconstruction de la Marine française
Dynastie d’hommes de mer, la famille Forant apporta à l’île de Ré un « lustre exceptionnel ». Leur histoire débute alors que commence la guerre avec les Anglais et que les protestants de France affrontent le catholicisme souverain de Louis XIV. La reconstruction de la Marine française, quasiment inexistante jusque-là, est associée à leur nom. Elle deviendra, sous le mandat de Colbert et avec l’appui de Richelieu, une force fiable à l’origine de nombreuses victoires. Trois membres de cette famille se feront particulièrement remarquer.
Job Forant « l’Ancien », est connu pour avoir sauvé, en mars 1622, des navires protestants lors du combat de Riez opposant Louis XIII à l’armée huguenote ; il préféra se tuer plutôt que de se rendre. Jacques Forant dit « le Chevelu », dont on ne peut assurer qu’il soit le fils du précédent, se distingua également dans la Marine et participa à la bataille de Saint-Martin-de-Ré en octobre 1622. Comme beaucoup de huguenots qui voyaient leur carrière bloquée du fait de leur confession religieuse, Jacques Forant dû s’exiler avec sa famille et devint corsaire au service de Charles 1er, se mettant à capturer des vaisseaux français. Job Forant II, quatrième fils du Chevelu, l’un des plus grands marins du règne de Louis XIV, débuta sa carrière très jeune dans les marines anglaise, hollandaise et vénitienne.
En 1686, il accède enfin au grade de chef d’escadre dans la Marine française ayant cédé et abjuré sa foi entre les mains de l’archevêque de Paris. Duquesne grand officier de la Marine française, était passé par là et avait écrit au ministre Seignelay : « Comment laissez- vous rouiller Forant qui est un des meilleurs manoeuvriers et soldats ? (3) » Personnage glorieux, Sourches le compare au Grand Ruyter (2). Ses trois frères, capitaines de vaisseau ayant renié leur foi plus tôt, moururent en combattant pour le Roi. Selon le Dr Kemmerer, on ne trouve plus trace de la famille dans l’île après 1677.
La famille Gabaret : trois générations d’officiers au service de la Marine
Trois personnages émergent de la quinzaine de Gabaret qui servirent sur les vaisseaux du roi : Mathurin le patriarche et ses deux fils Jean et Louis. Les auteurs qui écrivirent à leur sujet attribuèrent souvent à l’un les exploits de l’autre et réciproquement.
Né à Saint-Martin de Ré vers 1602, Mathurin prend la mer sur les navires de son père dès l’âge de 12 ans. Puis on le trouve sur différents vaisseaux participant à tous les grands combats de l’époque. En 1636, il obtient son brevet de capitaine. A partir de 1645, sa carrière prend un tour nouveau grâce au Duc de Beaufort, nouveau surintendant de la Navigation qui l’engage comme conseiller. Petitfils adultérin d’Henri IV, le Duc de Beaufort est également le courtisan servile de son cousin Louis XIV, ce qui lui a valu d’obtenir cette charge, mais il ne connaît rien à la mer. Il aura cependant l’intelligence de s’attacher les services de Mathurin Gabaret et de suivre ses conseils.
Les deux hommes ont un certain nombre de victoires à leur actif et en particulier celle de Tunis, le 4 mars 1665. La Méditerranée est à l’époque infestée de pirates. Beaufort et Gabaret quittent Toulon avec neuf vaisseaux et donnent l’assaut aux bateaux corsaires réfugiés dans le port de La Goulette. Trois importants navires corsaires sont coulés.
En juillet de la même année, Mathurin Gabaret arme le Royal et part, accompagné de cinq autres vaisseaux, attaquer devant Cherchel quinze navires pirates de retour des Indes. La déroute des barbaresques est totale : le Palmier, le Soleil et le Croissant, trois fleurons de la flotte du Dey sont coulés, deux autres brûlés dans le port et les dix derniers rendus inutilisables.
Le 24 juin 1669, le Duc de Beaufort, qui s’était rendu au secours des Vénitiens assiégés par les Ottomans depuis vingt-quatre ans dans l’île de Candie, est tué. Mathurin Gabaret pouvait s’attendre à hériter de la charge. Cependant, Louis XIV qui avait plus de considération pour les titres de noblesse que pour l’expérience, lui préféra d’Estrées, dont le rang social lui convenait mieux. Il octroya à Gabaret en consolation le titre de Chef d’escadre du Poitou. Venu prendre les eaux à Barèges, Mathurin Gabaret y décède en septembre 1671.
Jean Gabaret, fils aîné de Mathurin, entre à l’âge de 16 ans dans la Marine royale. Il servira sous d’Estrées, grand amiral du Ponant et, malheureusement, « le plus insupportable des fats (3) ». Il y avait parmi les meilleurs marins un grand nombre de protestants. Bien que très intolérant, Louis XIV, dans la crainte de les voir quitter la France, ne les pourchasse pas. Faisant passer sa carrière avant ses convictions religieuses, Jean Gabaret abjure sa foi et connaît ensuite un avancement rapide. Il se distingue dans plusieurs batailles. Louis XIV pour le récompenser lui donne ses lettres de noblesse et en juillet 1673 Jean Gabaret devient Jean de Gabaret. En décembre de la même année, il est nommé chef d’escadre de Normandie. Il acquiert le surnom de « Grand Gabaret » pendant la guerre de la ligue d’Augsbourg (1688-1697) et en novembre 1689 il est nommé lieutenant général des armées navales. Il décède à Rochefort en mars 1697.
Son frère Louis de nature plus discrète, prit part, le plus souvent aux mêmes combats que son aîné avant d’être nommé, en 1665, lieutenant de vaisseau, puis capitaine en 1666. Servant dans la Marine royale durant la guerre de Hollande, il décède de ses blessures à Tabago, une île des Petites Antilles, en mars 1677.
Avec chacun d’entre eux Ré apporta « une contribution de choix à l’histoire maritime du pays tout entier (3) ».
Catherine Bréjat
(1) « Petits secrets et grandes histoires » de l’île de Ré – Yann Werdefroy – Editions Sudouest.
(2) « La Grand Ruyter », surnom donné à Michiel Ruyter, célèbre amiral néerlandais du XVIIe siècle.
(3) « Les grandes heures de l’île de Ré » Bernard Guillonneau – Le Croît Vif.
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