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Une détermination sans faille au service de l’île de Ré, un tempo à reconsidérer
Interview : Lionel Quillet, président de la CdC de l’île de Ré
Ré à la Hune : Le Schéma de cohérence territoriale a été annulé, pour vices de forme, comment réagissez-vous ?
Lionel Quillet : Il a été annulé pour des raisons de forme, mais validé sur le fond. Le Juge a considéré que la commission d’enquête (composée de trois commissaires enquêteurs) n’avait répondu que sommairement aux observations exprimées et n’avait pas émis de conclusions motivées sur le projet soumis à enquête publique. Le Juge a également conclu que tous les arguments développés par les requérants sur le fond n’avaient aucun fondement en droit et ne pouvaient de ce fait être retenus par le tribunal. Je tiens à rappeler que les trois commissaires enquêteurs ont été nommés directement par le Tribunal, indépendamment de la Communauté de Communes qui n’est pas intervenue dans cette nomination. Les requérants veulent aujourd’hui « se dédouaner » car ils prennent conscience de leur erreur d’avoir conduit à faire annuler le SCOT sur la forme et essaient d’expliquer qu’en réalité ce serait sur le fond que le SCOT a été annulé, ce qui est totalement faux. Il faut maintenant qu’ils se justifient en minimisant les conséquences de cette annulation et en expliquant qu’un SCOT ce n’est pas si important que cela, que les lois suffisent à nous protéger. Mais alors, si le SCOT n’est pas si important, comment expliquent-ils leur acharnement à le faire annuler et pourquoi réclament-ils l’élaboration d’un nouveau SCOT ou d’un PLUI ?
Quelles sont les conséquences de cette annulation ?
La préoccupation majeure du SCOT de l’île de Ré était la gestion économe et équilibrée de l’espace. Les conséquences de son annulation sont très lourdes pour l’île de Ré et le résultat est contraire à celui recherché par les requérants. Ce sont trois années de travail, 110 réunions de concertation, et 320 000 € dépensés pour des études dans le cadre de l’élaboration du SCOT qui sont ainsi gaspillés sans compter les frais engagés par les dix communes pour modifier leur POS ; POS qui vont devoir être réécrits du fait de l’annulation du SCOT !
« Les grands principes du SCOT et les outils de maîtrise de l’urbanisation disparaissent »
Plus encore, les grands principes du SCOT disparaissent, notamment le principe du 80/20 (80 % d’espaces agricoles et naturels, 20 % urbanisés ou urbanisables) et la limitation des extensions urbaines à 23 ha exclusivement pour des projets d’intérêt public ; dorénavant toutes les zones à urbaniser des POS peuvent être ouvertes à l’urbanisation pour n’importe quelle vocation (soit 21,10 ha de zones urbanisables supplémentaires).
Le SCOT préconisait la maîtrise de 80 % (des 20%) du résiduel constructible et prescrivait à cette fin la mise en oeuvre d’outils réglementaires dans les PLU. Dorénavant, les principes de densification des zones urbaines, fixés notamment par la loi ALUR, s’imposent aux PLU. Enfin, le SCOT interdisait la création de camping et plafonnait le nombre de lits touristiques, il n’y a désormais plus de limitation.
Le Schéma Directeur étant caduc depuis 2010, les POS continuent pour le moment de s’appliquer, ils disparaîtront définitivement le 27 mars 2017 : après cette date, si un PLU n’a pas été approuvé par une commune, le règlement national d’urbanisme (RNU) s’appliquera. Or, non seulement les Plans d’Occupation des Sols (POS) ne sont plus en adéquation avec la loi ALUR et devront être transformés en Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), mais, dans le cadre de la révision du PPRL, la plupart des PLU sont bloqués…
Je le répète, les requérants pour lesquels le SCOT était « destructeur du point de vue environnemental et urbanistique » et insuffisamment prescriptif aboutissent à un résultat contraire à celui poursuivi.
Les élus ne disposent plus d’outils de contrainte de l’urbanisation ?
Aujourd’hui, sur les 80 % du territoire protégés, il reste une protection grâce aux Sites classés, aux Espaces remarquables, aux lois environnementales et à la Loi Littoral. Sur ces 80 %, les maires devraient pouvoir tenir leurs positions, sauf en matière d’activités agricoles, mais beaucoup plus difficilement sans le SCOT. Par contre s’agissant des 20 %, c’est la Loi Alur qui va s’appliquer, laquelle prône la densification et l’urbanisation et n’est pas du tout adaptée à l’île de Ré. Les Zones NA gelées à l’urbanisme dans le cadre du SCOT s’ouvrent désormais et nous avons déjà des Certificats d’Urbanisme déposés par de gros groupes immobiliers. Trois communes, dont deux grandes communes du sud de l’île, et une commune du nord sont devenues très vulnérables. Les demandes d’étages réapparaissent aussi, conformes à la Loi ALUR. Les Maires vont devoir prendre leurs décisions, avec en épée de Damoclès les recours contentieux qui vont se multiplier. La Communauté de Communes continuera d’instruire et donner son avis, mais le pouvoir de signature revient aux Communes, en fonction de leurs règlements. Une fois une zone redevenue constructible, ils ne peuvent refuser quelque chose de légal et c’est une vraie difficulté que d’avoir perdu le cadre du SCOT dans les 20 %, qui allait à contre-courant de la Loi nationale de densification.
Quelles sont les possibilités qui s’offrent désormais aux élus rétais ?
Nous avons quatre alternatives possibles. Soit nous laissons faire, nous n’élaborons pas de nouveau SCOT et la loi nationale nous protégera sur l’extérieur, mais l’intérieur des périmètres va se densifier, et notamment les « dents creuses » (les 20 %), puisque les PLU devront respecter la Loi ALUR. Parce que cette Loi ne prévoit pas de plan masse, les problématiques de divisions et de projets « à la découpe » avec de grandes résidences bonifiées par de grands promoteurs immobiliers réapparaissent, alors même qu’elles avaient disparu depuis 2008. La CdC ne pourra être partout et, en tout état de cause, ce n’est pas ma volonté.
Soit nous faisons appel de la décision du Tribunal, mais celui-ci ne sera pas suspensif, et/ou nous nous engageons dans l’élaboration d’un nouveau SCOT.
Mais dans l’un et/ou l’autre cas, le délai sera au moins de trois ans, délai pendant lequel nous ne sommes plus protégés.
Enfin, la quatrième option consiste à élaborer un Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) à mettre en place dès septembre, l’arrêté préfectoral devant intervenir avant fin décembre 2015. Cela nécessiterait un transfert de compétences des communes vers la CdC, avec un vote qualifié (accord de la moitié des conseillers municipaux représentant les 2/3 de la population ou les 2/3 des conseillers municipaux représentant la moitié de la population). Si ce délai était respecté, les POS tiendraient jusqu’à la validation du PLUI, soit jusqu’au 31 décembre 2019. Le problème de cette solution tient à deux choses :
• le PLUI présenté – si nous arrivons à le faire – sera moins contraignant que le SCOT, loi ALUR oblige,
• l’urgence : il faudrait obtenir l‘accord des 175 conseillers municipaux pour confier à la CDC la compétence « planification », qui élaborerait un PLUI avec des choix intercommunaux. Or, outre les pouvoirs de police, d’état civil, celui de signature des permis de construire et d’élaboration des POS et PLU est fondamental pour les Communes. Ce transfert de compétences serait une délégation très importante et induirait des évolutions des personnels dans les communes. Un tel choix nécessite une véritable concertation et des explications qu’il me paraît difficile de conduire en deux mois. Ce sujet est le plus énergivore et complexe à mettre en oeuvre.
« Il y a un temps dans toute volonté politique, celui du SCOT est passé »
Ce qu’il faut comprendre – et c’est ce qui a manifestement échappé aux requérants et constitué une grave erreur d’appréciation – est qu’il y a un temps dans toute volonté politique. Si nous étions dans le bon tempo en 2008, avec une nouvelle CdC en plein développement, pour un exercice très contraignant pour les Maires qui acceptaient de transférer à l’intercommunalité des compétences, ce temps est révolu. Plusieurs communes perdent en population permanente (lire notre encadré sur le dernier recensement INSEE) et veulent mener leurs projets de logements sociaux, les seuls projets en mesure de pérenniser la vie permanente. De plus, la tempête Xynthia est passée par là, et le PPRL va au-delà du contraignant, dans une totale incohérence. Se remettre au travail dans le cadre d’un PLUI ou d’un SCOT, remettre une contrainte sur une contrainte contraire à la Loi nationale, expliquer cela au nord de l’île de Ré mais aussi des communes du sud qui perdent en population ne me paraît pas forcément opportun. Seules les communes de Rivedoux-Plage, Sainte-Marie et le Bois-Plage pourraient l’accepter et le souhaiter. Par ailleurs, il faut tenir compte de la baisse des dotations financières des communes, qui fait que nous n’avons plus la solution financière que nous avions en 2008.
Enfin, une énergie considérable devra être déployée de la part de l’ensemble des élus de l’Ile de Ré, des équipes, du président, que je ne suis pas certain d’avoir aujourd’hui pour ce qui me concerne.
Un PLUI ne sera-t-il pas de toutes façons obligatoire d’ici 2017 ?
Oui nous devrons avoir initié un processus d’élaboration du PLUI avant le 27 mars 2017. Nous bénéficierons toutefois d’un délai plus long (NDLR que celui qui consisterait à lancer un PLUI avant la fin 2015).
Mais quoi que nous fassions, des requérants, des associations, attaquent. Tout comme pour le SCOT, des actions ont été menées par des associations contre l’édification de la digue des Doreaux, dont le montant a été augmenté d’1,5 million d’euros pour une simple risberme (projet qui a été « rattrapé » in extremis par mon intervention en tant que président de la Mission Littoral au niveau du Département). 25 contentieux ont été diligentés sur Saint-Clément des Baleines en vingt ans ! Pour toutes ces raisons, il me paraît évident qu’un recours contre le plan d’aménagement du Phare des Baleines (après la fin de l’Enquête publique) et contre le projet de réaménagement/extension de La Maline seront intentés. Tous les projets sont attaqués, le futur PLUI le sera aussi… Je rappelle en outre que, parmi ces associations, trois d’entre elles – l’Association de protection de Saint-Clément des Baleines, Avenir du Bois et les Amis de l’île de Ré – n’ont pas l’agrément environnemental délivré par les services de l’Etat, quelle est la cohérence ?
Quoi qu’il en soit ce sont les élus de l’Ile de Ré qui décideront à la rentrée, je n’entends rien imposer et je serai à l’écoute de leurs souhaits. L’île de Ré, avant d’être une intercommunalité, ce sont aussi dix communes sans lesquelles l’intercommunalité n’existerait pas.
On sait que les Services de l’Etat sont venus en juin dans certaines communes du nord proposer des règlements (Les Portes, La Couarde, Saint-Clément…) et que cela n’a pas été très fructueux du point de vue des maires concernés : où en est le PPRL de l’île de Ré ?
Partout les PPRL sont bloqués, depuis Carnac, La Faute sur Mer ou encore Noirmoutier jusqu’en Aquitaine, en passant par l’île de Ré. Les Services de l’Etat sont effectivement venus proposer en juin des cartes d’enjeux qui comportait de nombreux oublis voire erreurs… L’Etat reste incohérent dans la présentation de ses règlements. Par ailleurs, alors que le transfert de la responsabilité de la protection des côtes de l’Etat vers les élus locaux est prévu pour mars 2018, actuellement certains essaient d’accélérer celui-ci sur instruction du Ministère de l’Ecologie. Il ne faut pas oublier que la Conférence Climatique aura lieu en France en décembre, aussi je doute que d’ici là l’Etat revienne à des dispositions plus mesurées et cohérentes en matière de PPRL…
C’est un vrai problème, La France est le seul pays qui nie complètement le risque. Tous les autres pays européens ont pris position pour défendre leur territoire, uniquement là où il existe de vrais risques. La Grande- Bretagne, l’Irlande, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie… investissent pour protéger leur population. Seule la France cherche à se déresponsabiliser au niveau de l’Etat et à transférer la responsabilité aux élus locaux.
La Charente-Maritime et l’île de Ré sont exemplaires avec la Mission Littoral. 40 millions d’euros de travaux ont d’ores et déjà été engagés dans notre Département, dont 20 millions sur l’île de Ré, ce sont les plus gros chantiers de digues en France.
Où en est la Communauté de Communes de l’île de Ré et quels sont les prochains enjeux de ce mandat ?
La gestion de l’île de Ré est quelque chose de sérieux, elle mérite qu’on s’y consacre avec force et détermination. Nous sommes dans un état d’esprit positif, de confiance et de respect mutuel. La CdC fonctionne très bien, les décisions sont prises à l’unanimité des délégués. Les Rétais nous ont donné mandat. Par conséquent, notre action doit répondre, avec pragmatisme, à l’intérêt général de nos populations. Nous avons lancé l’élaboration du schéma de mutualisation de l’île de Ré afin de définir plus précisément le « qui fait quoi » entre les communes et la CDC. De vrais enjeux de cohérence financière et organisationnelle sont à la clé. La compétence logements au niveau intercommunal a permis dès 2008 d’engager une politique volontariste en matière de construction de logements à loyers maîtrisés qui représenteront une fois achevés (d’ici 2018/2020) 450 logements supplémentaires afin de retenir la population active, les jeunes et les familles. Le processus en cours de création d’un office de tourisme de pôle va permettre d’engager une vraie stratégie touristique qualitative. Quant à l’environnement, nous avons aussi créé le comité CIGALE afin de répondre au mieux aux demandes d’installation ou d’extension des activités primaires, en cohérence avec la politique de préservation et de gestion des espaces naturels et du patrimoine insulaires. En matière de déchèteries et de gestion des déchets ménagers nous avons fait un énorme travail et préparons l’avenir, après certes quelques ajustements.
« La gestion de l’île de Ré est quelque chose de sérieux, elle mérite qu’on s’y consacre avec force et détermination »
La Communauté de Communes ne peut et ne souhaite pas être omniprésente, et elle n’est rien sans les dix communes. C’est aussi aux populations locales de prendre la main, pas à une seule poignée de personnes qui entendent imposer leur vision d’une île dortoir, vision que nous ne partageons en rien.
Voir l’annulation du SCOT de l’île de Ré et les réactions. La CDC de l’île de Ré et les maires se dirigeraient vers un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI)
Le recensement INSEE 2014
La population permanente de l’île de Ré a légèrement progressé en 2014 à 18 378 habitants contre 18 330 habitants en 2013. Seules Sainte- Marie de Ré (3328 en 2014 contre 3278 en 2013) et Saint-Martin de Ré (2626 contre 2562) progressent. Le Bois-Plage (2413 habitants en 2014), La Couarde sur Mer (1276), Loix (727), Les Portes en Ré (669), Saint-Clément des Baleines (730) restent stables. La Flotte elle perd régulièrement des habitants depuis 2011 (2921 habitants en 2014 contre 3009 en 2011, dont – 28 habitants entre 2013 et 2014), Ars en Ré a perdu 25 habitants en 2014 (1332 habitants) et Rivedoux- Plage, en constante progression entre 2008 (2050 habitants) et 2013 (2366 habitants) a perdu dix habitants en 2014 (2356). Globalement les dix communes de l’île de Ré sont passées de 17726 habitants en 2008 à 18378 habitants en 2014 (pic de 18393 habitants en 2012), soit une progression de + 3.7 % (652 habitants).
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