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Des vendanges prometteuses
Jérôme Poulard, responsable technique et contrôles d’Uniré, et Benoît Penanhoat, oenologue maître de chai, mettent en musique, en duo, les vendanges des Vignerons de l’île de Ré. Dans cette période très intense, ils ont fait une courte pause pour nous en parler.
Elles devaient démarrer fin août, les pluies de la dernière semaine du mois dernier ont conduit les vignerons à attendre le 4 septembre pour entamer les vendanges par le Chardonnay pour le vin blanc, et le Merlot pour le Pineau rouge. Depuis, du fait des fortes chaleurs pour la période, les vendanges débutent très tôt, dès 4 h le matin et jusqu’à 10h, afin d’en assurer la fraîcheur, indispensable à la qualité du produit.
Le casse-tête du planning des vendanges
Cette année pas de gel tardif à déplorer, mais une sécheresse printanière en mars/avril et quelques vignes grillées par le sel déposé par la « tempête » de début août, et enfin des températures exceptionnellement chaudes en septembre, qui font monter la température du raisin à 28° en journée. Ce qui complique encore la tâche pour le duo, puisque toutes les vignes sont mûres en même temps. Il faut ainsi vendanger le plus vite possible, à la fraîche, pour optimiser le raisin. Ainsi depuis le 4 septembre, les vendanges ont-elles été menées en continu, à part deux jours de « relâche ». Chaque jour Jérôme et Benoît ont les yeux rivés sur la météo, afin d’établir à quatre jours, puis ajuster au jour le jour le planning des parcelles à vendanger, en fonction des contrôles de maturité : chaque adhérent apporte à la cave un échantillon de cépages, afin que soient définies les dates de vendanges, en fonction des qualités organoleptiques des raisins et jus de raisins. Trois paramètres sont suivis : le sucre, l’acidité et le PH. Il faut évidemment ensuite aller le plus vite possible, affecter les machines à vendanger et assurer la logistique de réception, stockage et affectation des cuves disponibles.
Quelques familles vigneronnes disposent en propre d’une machine à vendanger, les autres étant détenues par les CUMA de Sainte-Marie, du Bois-Plage, de Saint- Clément et d’Arsen- Ré. Ainsi, les plus grosses rentrées ontelles atteint 150 à 160 tonnes en 6 à 7h de vendanges ! Au fur et à mesure des vendanges de la matinée, une fois son tracteur chargé, chaque vigneron fait plusieurs allers-retours vers la cave coopérative, afin d’apporter sa production.
Réchauffement climatique et maturité du raisin
« Les évolutions climatiques posent souci », comme l’explique Benoît Penanhoat, qui a officié auparavant dans le Bordelais puis du côté de Bergerac et a rejoint Uniré en juin 2022. Il y fait donc sa seconde campagne de vendanges. « Avant, les cépages étaient plus ou moins précoces, on avait du temps. Désormais tous les cépages arrivent à maturité en même temps, il faudrait tout vendanger en simultané, ce qui n’est évidemment pas possible. Il nous faut prioriser et faire plusieurs produits en même temps. Avant, on produisait le blanc, puis le rosé et enfin le rouge, maintenant dans une même semaine on fait les trois. Nous avons trois conquets*, avec trois zones de réception pour produire trois types de produits différents en simultané, par exemple du Pineau, du Rosé bio et du vin rouge. »
A Uniré, près de vingt personnes oeuvrent ainsi à la production entre début septembre et le 25 octobre, les vendanges 2023 devant durer 5 à 6 semaines, alors qu’en 2022 elles s’étaient étalées sur 4 semaines seulement. L’équipe à l’année est renforcée en cette période par quelques intérimaires.
Pour faire face aux contraintes climatiques et gagner du temps, la cave coopérative a cette année investi dans un second système flottateur. La flottation du vin permet au vinificateur de mieux gérer sa cuve, avec un débourbage pour clarifier le moût ramené à 4 heures, au lieu d’une nuit. L’organisation du chai a aussi été revue, pour travailler différemment et en simultané les produits.
La différence de maturité du raisin entre le sud et le nord de l’île tend aussi à se réduire : « Il y a dix ans, nous avions deux semaines d’écart, aujourd’hui c’est moins d’une semaine. », explique Jérôme Poulard, arrivé à la cave coopérative rétaise il y a un peu plus de 18 ans. Cette moindre différence s’explique par le climat (il fait un peu plus frais au nord de l’île), au terroir et au sol.
Aux environs 500 ha de production et 20 ha de jeunes vignes, vient s’ajouter pour la seconde année la production en direct de Sagiterres**, sur 8 ha, dont 2 ha de jeunes vignes. En conversion bio, sa production sera bio à partir de 2025, hormis une parcelle déjà en bio.
Expérimentation de cépages résistants
Uniré travaille aussi à la sélection de cépages résistants, ne nécessitant en moyenne que deux traitements, là où il en faut actuellement huit en moyenne. En effet, si l’île de Ré est relativement épargnée, la pression du risque de maladies des vignes reste très présente. Les orages du mois de juin ont favorisé cette année un peu de mildiou, impactant fortement le rendement de certaines parcelles. Quelques parcelles nécessitent aussi une surveillance étroite vis-à-vis de l’oïdium. La mise en oeuvre précurseuse il y a une dizaine d’années de la méthode de traitement naturelle dite de « confusion sexuelle », consistant en l’installation de pièges à phéromones limitant les « vers de la grappe » a produit ses effets sur l’île de Ré, et ceux-ci sont désormais « biosourcés. » L’utilisation qui se généralise sur l’île de Ré de pulvérisateurs confinés avec panneaux récupérateurs, ensuite nettoyés sur les aires de lavage d’Uniré, a aussi sensiblement limité l’impact environnemental des traitements.
Au-delà de ces changements de pratiques, la cave souhaite anticiper sur l’avenir : pour cela elle expérimente des cépages résistants et le Conservatoire des cépages charentais est venu faire des prélèvements à cette fin les 6 et 13 septembre dernier. Après une micro-vinification, les dégustations permettent de vérifier les qualités organoleptiques de ces cépages. Ces tests sont plutôt satisfaisants, et même si les plants sont plus chers à l’achat, la moindre fréquence des traitements induite et la moindre pression de risque de maladie en justifient l’intérêt.
S’il est encore bien trop tôt pour faire un bilan qualitatif et quantitatif de cette campagne de vendanges 2023, les quinze premiers jours de récoltes ainsi que les premiers tests organoleptiques laissent toutefois présager une bonne année.
*Cuves servant à réceptionner le raisin après les vendanges.
**Sagiterres : Uniré a créé il y a une dizaine d’années cette société ayant vocation à acquérir des terres agricoles, exploitées soit en fermage, soit en direct. Son but est de préserver la surface de terres cultivées sur l’île de Ré, en vignes et pommes de terre.
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