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Des fanfares et harmonies ancrées dans leur territoire
Très encadrées à l’origine, les fanfares et harmonies ont évolué, enrichissant leur répertoire de morceaux plus modernes et animant toujours nos villages. En revanche, elles doivent faire face à un problème majeur, le non renouvellement de leurs musiciens.
Les fanfares et harmonies apparaissent au XIXe siècle. A cette époque seule les musiques militaires sont autorisées à se produire à l’extérieur, tant le ministère de l’Intérieur craint des troubles susceptibles de menacer l’ordre public. Lorsqu’elles auront le droit de jouer à l’extérieur, les fanfares s’installent dans des kiosques à musique répondant à la demande des autorités de se produire dans des lieux bien identifiés. Il y aura trois kiosques sur l’île : dans les villages d’Ars, de Saint-Martin et de La Couarde, ce dernier existant encore. La première société musicale à voir le jour est celle de La Couarde (1860), rapidement suivie par celles d’Ars (1861), du Bois Plage (1862), de Sainte- Marie (1863), La Flotte (1863), des Portes (1864) et de Saint-Martin (1865).
Un loisir au rôle social essentiel
La musique est un loisir important dans cette société agricole, dont la seule autre activité est le foot, et le restera jusqu’au milieu du XXe siècle. Appartenir à une fanfare ou une harmonie est souvent une tradition familiale. Les générations passant, des patronymes identiques se succèdent au sein des formations, le grand-père cédant la place au petit-fils et ainsi de suite. L’enseignement, qui s’est fait au départ en famille, se perfectionne lors du service militaire et c’est tout naturellement que lorsque les conscrits retrouvent leur place au village, ils forment les plus jeunes. Tant que d’autres centres d’intérêt ne viendront pas la concurrencer, la fanfare restera la principale distraction des jeunes. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Cette pratique de la musique, rassemblant des personnes venues de tous horizons afin de jouer ensemble, crée du lien social. C’est aussi pour cette raison que les municipalités les soutiennent volontiers, ainsi que la Communauté de Communes de l’île de Ré ces dernières années, leur octroyant des subventions et un local pour les répétitions, finançant aussi parfois leurs déplacements. En revanche, la participation aux cérémonies officielles ne se démentira jamais et les fanfares plongent leurs racines dans la vie villageoise accompagnant les fêtes nationales et communales.
Pendant très longtemps, ce sera une histoire d’hommes. Issues de formations militaires, les harmonies excluent les femmes jusque dans les années 1970 : « Une femme respectable ne peut jouer de la trompette ou de la grosse caisse dans la rue. (1) »
De nos jours, les villages peinent à garder leur fanfare
Pratiquement chacune des communes existant au XIXe siècle s’enorgueillissait de sa propre fanfare. Mais au fil des années, face à la radio, l’apparition de la télévision, du cinéma, des terrains de sport et l’obligation de quitter l’île pour trouver du travail, l’étude de la musique ne pèse pas lourd auprès des jeunes et le renouvellement des musiciens est de plus en plus difficile. Il existe encore deux fanfares : celle des Portes dont Philipe Penaud, le président, regrette qu’elle s’amenuise au fil des années (6 musiciens) et la Fanfare pour la République à Sainte- Marie. La Flotte dispose d’une harmonie municipale (30 musiciens) dynamique, Ars se réjouit de sa Société Philharmonique ou Philh’Ars qui après quelques années de sommeil reprend de la vigueur, La Couarde a perdu la sienne mais héberge la Philharmonie, présidée par Véronique Héraud, créée en 2012 et réunissant tous les musiciens de l’île. Au Bois-Plage, on découvre la Banda’Loups (25 musiciens) qui a perdu ses majoret tes en 2014. Une formation d’inspiration méridionale qui influence son répertoire. Au programme musique du sud-ouest de type feria, musique italienne et bien sûr des titres traditionnels On trouve encore à La Flotte la Caixa-ca Batucada, flamboyant orchestre de percussions dont les apparitions sont aussi spectaculaires visuellement que sur le plan de l’écoute.
La musique militaire était à la base des répertoires traditionnels et les instruments utilisés dans les fanfares sont appropriés à une pratique extérieure où il est nécessaire de se faire entendre : cuivres et percussions de même que pour la clique, version miliaire de la fanfare. Quant à l’orchestre d’harmonie, il possède également un pupitre de bois : flûtes, hautbois, bassons et clarinettes ou saxophones.
Au-delà des airs patrimoniaux, dont beaucoup n’on pas de partitions et pour lesquels Philh’Ars met en place cette année un programme d’écriture, le répertoire a évolué. Chaque formation programme les grands tubes des variétés. Philh’Ars ajoute cinq à six standards jazzy adaptés à sa formation et différents chaque année, la Philharmonie de La Couarde n’hésite pas à interpréter de la musique de films. Quant à l’Harmonie municipale de La Flotte, elle s’est scindée en deux unités, l’une traditionnelle sous la direction de Bernard Perrain et l’autre « Harmonie Swing » dirigée par Pascal Rousseau qui organise trois à quatre fois l’an des rencontres entre amateurs et professionnels. Rencontres fructueuses, fait remarquer Arnaud Masion, car elles stimulent les musiciens et améliorent ainsi leur niveau musical.
Le non renouvellement des effectifs
Depuis les années 80, on assiste à une véritable hémorragie des jeunes musiciens qui abandonnent la pratique musicale au bénéfice de leurs études sur le continent, ou doivent s’éloigner pour trouver un travail et de toute façon sont sollicités par des loisirs plus faciles d’accès. L’Harmonie de La Flotte a tenté une expérience : « l’Orchestre à l’école », avec l’école primaire du village pour initier les enfants à la musique et faire le lien avec l’Harmonie. De son côté la Philh’Ars a pour projet de créer une « Phil’Ars Junior » pour attirer les élèves de l’école de musique du Bois- Plage vers une pratique de groupe. Quant à la Banda’Loups, elle a lancé un appel sur Facebook afin d’initier un groupe de jeunes qui interprèterait les morceaux de son choix.
Il est à souhaiter que ces initiatives soient couronnées de succès afin de maintenir ce patrimoine culturel immatériel de l’île qui sinon disparaîtra un jour.
(1) Plaquette sur l’Harmonie de La Couarde réalisée par Jean-Marie Kindermans.
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