« Des blocages énormes sur des sujets de société majeurs »
Le Député Olivier Falorni (Groupe Libertés et Territoires) s’exprime dans nos colonnes sur trois projets/ propositions* de loi qui lui tiennent particulièrement à coeur
Ré à la Hune : Vous avez voté favorablement au Projet de loi confortant le respect des principes de la République, pourquoi ?
Olivier Falorni : Il y a un vrai besoin de se saisir de ce sujet, car les principes de notre République sont clairement attaqués, avec un entrisme fort de la part de tous ceux qui les rejettent. La Loi de 1905 posait le principe de laïcité, qui m’est cher et lors du premier texte déposé en 2013 je proposais symboliquement que l’on rajoute la laïcité à la trilogie républicaine : Liberté, égalité, fraternité… Déposé le 9 décembre 2020, ce projet de Loi s’inscrit ouvertement dans le prolongement de la Loi du 9 décembre 1905.
La notion de laïcité doit être mieux connue, expliquée, comprise, il s’agit d’un principe de concorde et de paix, non pas d’un glaive contre les religions mais d’un bouclier contre l’obscurantisme. La laïcité nous protège, c’est notre devoir de la protéger. La philosophie de la Loi de 1905 était que « La loi protège la foi, tant que la foi ne prétend pas dicter la loi ». La laïcité n’a pas été assez défendue durant 30 ans et ses défenseurs pas assez entendus. En pensant acheter une certaine paix sociale, on a laissé attaquer notre République par des prêcheurs de haine. Le rapport Aubin de 2004 qui soulignait la montée des phénomènes communautaristes dans l’Education Nationale s’est heurté au « Pas de vague » que nous connaissons bien, nous autres enseignants.
Ce projet de loi comporte deux éléments utiles. Tout d’abord, le contrat d’engagement républicain avec l’Etat pour bénéficier de subventions publiques, et la facilitation des possibilités de dissolution administrative pour les associations. J’ai toutefois un regret, la Ministre des Sports néglige les phénomènes d’entrisme fort dans certains sports, notamment ceux de combat et le foot. Un rapport de la DGSI que j’ai eu entre les mains pose clairement cette volonté d’occuper notamment le terrain du sport.
Toutefois, je regrette que n’ait pas été pris en compte le principe d’égalité des chances. En effet, pour conforter les principes républicains, il faut mener une politique d’égalité des chances, sans ségrégation sociale ou territoriale. Comme disait Clémenceau « L’avenir ne doit être interdit à personne ».
Il s’agit plus d’une loi de contrôle qu’une loi d’adhésion. Toutefois j’assume le fait qu’il faut contrôler, et il y a des avancées dans ce texte, que j’ai voté librement et en conscience – comme je l’ai toujours fait depuis 9 ans – malgré ses manques et ses insuffisances.
On a par exemple trop focalisé sur l’instruction en famille et pas assez sur les écoles hors contrat, j’avais demandé qu’elles soient soumises à autorisation préalable, cela n’a pas été retenu. Notre société française n’est pas une juxtaposition de communautés religieuses, contrairement au principe anglo-saxon…
Dernier aspect que je souhaite aborder, celui de la neutralité qui incombe au service public : il devrait aussi s’appliquer aux organismes privés délégataires d’un service public. Je voudrais travailler sur l’espace public de neutralité : une préfecture, une école sont des espaces de neutralité, est-ce qu’une mairie ne doit pas aussi être astreinte à cette neutralité ?
Pour ce projet de loi, j’ai été nommé à la Commission spéciale, nous avons énormément travaillé, avec beaucoup d’auditions et 150 heures de débat.
La proposition de Loi contre la maltraitance animale vous touche particulièrement…
On est dans le monde de Bisounours, cette proposition de Loi n’aborde que les sujets qui ne fâchent pas et évacue tous les sujets majeurs. Certes le certificat de sensibilisation lors de l’acquisition d’un animal, l’identification obligatoire des animaux domestiques, le renforcement des sanctions à l’égard de la cruauté et des sévices sur un animal, avec une peine de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende pour la mort d’un animal constituent des avancées, tout comme l’interdiction de vendre des chiens et des chats en ligne et dans les animaleries. Seuls les élevages, les refuges et les particuliers pourront le faire. Les interdictions de delphinariums et d’élevage de visons sont aussi à saluer.
Toutefois, ce texte ne concerne que 20 % des animaux en Frances, en sont écartés 80 % des animaux enfermés et en élevage intensif. Cette Loi protège les petits lapins d’appartement mais ne concerne pas les 28 millions de lapins qui vivent sur un espace équivalent à un format A4. Le législateur ne s’empare pas du sujet de l’élevage ultra intensif, en cage, le Ministère de l’Agriculture bloque. Il faut que le citoyen continue de mettre la pression, cela a permis d’avancer sur les poules, l’élevage en plein air se développe un peu… La question des conditions d’abattage des animaux et de la vidéo obligatoire dans les abattoirs a été un engagement de campagne d’Emmanuel Macron et un reniement du Président de la République.
Un sujet dont on ne parle pas concerne l’expérimentation animale. La France est le premier pays en Europe en nombre de chiens et primates expérimentés. Il y a 2 millions d’animaux concernés dans notre pays (y compris les rats de laboratoire), sans compter les 4 millions d’animaux transgéniques. Malgré les exigences de l’Union Européenne nous sommes très mauvais en matière de recherche sur les méthodes substitutives. Là où 0 € est attribué à cette recherche dans notre pays, la Grande Bretagne a en parallèle subventionné à hauteur de 35 millions de livres en quinze ans la recherche sur les méthodes alternatives. Je comprends qu’on ne puisse supprimer les expérimentations du jour au lendemain, mais on peut se donner les moyens d’avancer, comme cela a été le cas pour le développement des cosmétiques qui désormais ne peuvent plus être testés sur des animaux.
Cette loi gentillette est là pour se donner bonne conscience et masquer les renoncements. Sur le prochain quinquennat – oui je souhaite à nouveau me présenter aux élections législatives de 2022 – j’entends porter les sujets de l’élevage ultra intensif, de l’expérimentation animale et de l’abattage des animaux. La pêche électrique est aussi un désastre écologique et économique pour nos fonds marins…
Votre Proposition de Loi « Donner le droit à une fin de vie libre et choisie » sera inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 8 avril prochain, quel est son objectif ?
J’avais déposé un texte lors du précédent mandat qui n’a pas été inscrit à l’ordre du jour, le Gouvernement ayant déposé le Projet de loi Claeys-Leonetti. Malgré l’embouteillage législatif, j’ai réussi à obtenir l’inscription de ma proposition dans une niche parlementaire le 8 avril. Ce texte a pour objectif de reconnaître le droit d’obtenir une assistance médicalisée pour terminer sa vie au patient en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable lui infligeant une souffrance physique ou psychologique jugée insupportable et qui ne peut être apaisée. Le texte de cette loi cadre s’inspire de la loi belge. Je respecte tous les points de vue, ce sujet doit être un débat de société, il s’agit d’un droit supplémentaire, en aucun cas d’une obligation. L’un des articles prévoit la clause de conscience pour les médecins.
Pour moi, cette question de la fin de vie est comparable à celle de l’avortement en 1973. Quand ils en ont les moyens physiques et financiers, les Français partent en Belgique. Ce pays voisin n’arrive plus à faire face aux demandes venant de France. Par ailleurs, l’INED estime au minimum entre 2 000 et 4 000 les euthanasies clandestines en France, pratiquées par des médecins, dans le secret et l’illégalité. C’est une grande hypocrisie.
La Belgique, les Pays-Bas, la Colombie, le Luxembourg, 9 états US, le Canada et récemment l’Espagne (définitivement voté) et le Portugal (en cours) ont voté des dispositifs similaires. Tous les sondages d’opinion indiquent que les Français y sont très majoritairement favorables. Un sondage IPSOS pour « Lire la Société » a révélé que « 96 % des Français jugent que la législation devrait autoriser les personnes souffrant de maladie incurable et évolutive à bénéficier d’une assistance médicale active à mourir, si elles en font la demande. »
On assiste à un double décalage en France, du fait de deux groupes de pression : celui des mandarins de la médecine, qui ne sont plus confrontés à cette question dans la pratique, contrairement à leurs confrères de terrain ; et celui des hiérarchies religieuses en déconnexion totale avec les croyants pratiquants, qui sont favorables à 75 % à une telle législation. On meurt mal en France, dans des agonies atroces, il faut y remédier. D’ailleurs plusieurs parlementaires ont déposé des textes allant dans le même sens. Il y a deux mois, le Député LREM Jean-Louis Touraine a déposé un texte ayant recueilli 150 signatures de députés de la majorité ; un autre texte a été déposé par la France Insoumise ; et récemment la Députée Les Républicains Marie Brunier a aussi déposé une proposition, recueillant l’assentiment de son groupe. On le voit bien, il s’agit d’un sujet qui transcende les appartenances politiques et c’est comme cela qu’on fait avancer les sujets, quand la volonté de tous les groupes politiques se rejoint. J’espère qu’au moment du débat sur ma proposition de loi, la conscience primera sur la consigne politique.
*Un Projet de Loi émane du Gouvernement, tandis qu’une Proposition de Loi émane d’un groupe d’élus parlementaires
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