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Des avancées, de l’espoir, mais une mobilisation à maintenir
Le Président de la Communauté de Communes de l’île de Ré, Lionel Quillet, le Vice-président Patrick Rayton et la Directrice générale des services ont été reçus vendredi 13 septembre par le Directeur de Cabinet du Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Gilles Ricono, par la Directrice générale de la Direction de Prévention des Risques, Patricia Blanc, par le Chef de Service de cette Direction, Marc Jacquet, ainsi que par la conseillère technique chargée des questions nationales et locales relatives à l’eau et aux risques naturels, Amélie Renaud, en présence de la Préfète de Charente-Maritime, Béatrice Abollivier.
Confortés par la mobilisation des Rétais et la signature de la « demande de soutien par 12 077 personnes », leur objectif était double : d’une part relayer les inquiétudes des Rétais et des élus quant aux conséquences du projet de révision du Plan de prévention des risques littoraux (PPRL) sur la vie et l’économie de l’île de Ré, d’autre part obtenir de l’Etat une concertation avec le territoire et le ramener à plus de raison.
S’inscrivant toujours dans une démarche légaliste, même si les discours de l’été furent très fermes et le ton déterminé, Lionel Quillet a ainsi pu présenter en direct au Ministère les difficultés que posent les cartes de niveaux d’eau présentées aux élus le 11 juin dernier, avec 7 cas concrets illustrant les 80 dossiers de demande d’urbanisme ayant reçu un avis défavorable de la DDTM de Charente-Maritime depuis le 12 juin dernier.
Une prise de conscience du Ministère du manque de concertation et des lacunes techniques
Même si la sécurité des personnes doit primer sur tout enjeu économique ou de vie permanente d’un territoire, le Directeur de Cabinet a entendu les arguments d’ordre économique et sociaux, ainsi que ceux liés à l’urbanisation très contenue de l’île de Ré (règle du 80/20) et à la mobilisation des élus et des Rétais pour défendre leur territoire.
Il a ainsi été reconnu que les critères retenus par l’Etat pour apprécier le risque de submersion marine devaient être revus : le principe d’une rupture instantanée et simultanée des digues, tout comme la méthodologie employée seront revus, dans le sens d’une démarche plus concertée et raisonnée d’élaboration du PPRL. Le but des élus rétais étant d’obtenir une révision de l’annexe de la circulaire de juillet 2011.
L’autre point d’avancée fondamental, évoqué spontanément par le Directeur de Cabinet, réside dans la relation étroite qui doit exister entre le projet de révision du PPRL et les plans de construction des digues (PAPI), et notamment leur hauteur. Les élus rétais ont rebondi sur cette perche tendue, en suggérant que les digues prévues au PAPI de l’île de Ré puissent être rehaussées… Le Ministère a d’ailleurs admis qu’au delà de l’analyse coût-bénéfice (ACB) trop limitative, une analyse multi-critères devait présider à la logique de l’élaboration des PAPI.
Il s’agit là d’un point fondamental qui laisse espérer que la « doctrine » de l’Etat français, qui se situe actuellement « entre deux eaux » entre celle des Pays-Bas (acceptation du risque et protection) et de l’Etat de New York par exemple (évacuation totale en cas de submersion), puisse progressivement évoluer et s’affiner.
Des avancées concrètes, même si la prudence reste de mise
En attendant d’avancer dans une démarche d’élaboration concertée d’un PPRL raisonné, le Directeur de Cabinet a souhaité que ses services et la Préfète puissent apporter une solution rapide aux 80 dossiers d’urbanisme « retoqués » en les réexaminant « au cas par cas », mais aussi qu’une réponse soit apportée par l’Etat avant le 31 octobre 2013 à la lettre des 10 Maires rétais du 19 juillet dernier; une réunion doit être organisée à cet effet par la Préfète. Enfin, le Directeur de Cabinet a souhaité que l' »intelligence collective » prime dans ce dossier, suggérant ainsi qu’il incite à une vraie concertation entre services de l’Etat et élus du territoire, comme la loi l’impose…
Il est évident que les 80 cas concrets ne connaîtront pas tous d’issue positive, et que la marge d’action reste faible pour les services de l’Etat entre aspects techniques et juridiques, d’autant plus que toute avancée concédée aux Rétais bénéficiera de facto à tous les autres territoires littoraux concernés par les mêmes problématiques. La « jurisprudence » des cas qui pourront être résolus positivement va forcément appeler l’Etat à une grande prudence.
Une carte des aléas repoussée à la fin 2013
La Carte des aléas est elle de fait repoussée et elle sera corrigée en fonction des réponses apportées à chacun des points techniques soulevés par les élus rétais dans leur courrier du 19 juillet. A été évoquée la fin d’année pour que cette carte soit finalisée, alors qu’elle devait être initialement présentée aux élus ce début septembre.
Le rapport « Pitié/Hélias » a aussi soulevé un certain nombre de problèmes à résoudre quant aux procédures interminables des plans digues, et le « redimensionnement » des hauteurs de digues évoqué – qui risque fort d’induire des problèmes de financement complémentaire à celui du PAPI de Charente-Maritime actuellement validé pour 115 millions d’€ – devrait aussi logiquement conduire à de nouvelles révisions du PPRL dans le futur…
L’éventualité du lancement de la « procédure de recherche des biens sans maître » n’est pas pour autant écartée par Lionel Quillet qui a rappelé au Ministère que sur 8500 km de digues, 4200 km de digues sont actuellement sans « propriétaire » et pourraient donc passer sous la responsabilité de l’Etat…
Lionel Quillet et Patrick Rayton se sont ainsi montrés « raisonnablement optimistes » mais vigilants, en admettant que le calendrier de l’Etat serait forcément plus long que celui que souhaiteraient les acteurs du territoire, mais espérant bien réussir à faire évoluer une doctrine de l’Etat peu aboutie, dans le sens d’une meilleure acceptation du risque mais aussi de la protection des populations, plutôt que l’actuel principe de précaution appliqué de façon démesurée.
Beaucoup d’autres priorités pour le Ministère, mais 18 millions de Français potentiellement concernés
Certes, le Ministère de l’Ecologie a actuellement d’autres dossiers « chauds » à traiter, la visite des élus rétais aura sans doute aussi permis de rappeler utilement qu’il ne s’agit pas d’un problème seulement rétais mais que ce sont 18 millions de personnes en France qui vivent derrière des digues (maritimes ou fluviales) et que de nombreux autres territoires s’alarment à leur tour des conséquences de l’élaboration de leur PPRL dans un tel cadre doctrinaire…
Il est vrai que 650 communes du littoral atlantique ont reçu cet été le dossier de presse extrêmement dense élaboré par la CdC de l »île de Ré au sujet des difficultés que lui pose l’élaboration de son PPRL, et que les appels des élus d’autres territoires se multiplient.
Lionel Quillet compte fermement aussi sur un rendez-vous avec le Ministre Philippe Martin, que Dominique Bussereau serait en voie de caler ces jours-ci à Paris.
Par ailleurs, même si le Ministère privilégie avant tout la sécurité des personnes et que les problématiques socio-économiques ne sont pas sa préoccupation première, les associations Réagir, Ré-veille et Avenir, constituées de professionnels ou de propriétaires potentiellement lésés seront reçues le 27 septembre prochain par Paul Delduc, Conseiller biodiversité… auprès du Ministère de l’Ecologie.
L’attribution du marché du cabinet d’experts chargé d’accompagner techniquement la CdC sur ce dossier et de proposer ses propres « contre-modélisations » sera finalisée quant à elle à la fin septembre. Car la CdC entend peser de tout son poids politique mais aussi technique pour qu’une vraie concertation préside à l’élaboration du PPRL, dont les enjeux sont vitaux pour le territoire rétais.
Des Maires toujours dans une situation inextricable
En attendant, les Maires rétais restent dans une situation très inconfortable, en étant obligés de refuser des permis de construire sur la base de cartes qu’ils contestent. Que la Préfète ait précisé lors de l’entrevue au Ministère que ces cartes ne sont pas « opposables » mais qu’ils doivent selon l’article R111 du Code de l’Urbanisme s’appuyer dessus pour refuser de signer des certificats d’urbanisme ou permis de construire n’est pas de nature à les rassurer. Déjà deux communes sont au contentieux, avec des enjeux financiers qui les dépassent largement (700 000 € pour l’une). Et quid des permis refusés aujourd’hui sur la base des cartes de niveaux d’eau du 11 juin dernier, alors que ces cartes devraient – tout le monde l’espère – évoluer et rendre caduque le seul argument juridique derrière lequel ils n’ont pas d’autre choix aujourd’hui que de se retrancher ?
En outre, le désengagement des Services de l’Etat dans l’instruction des permis de construire étant programmé dans quelques mois au profit du territoire, et les 10 Communes rétaises ayant annoncé leur souhait de mutualiser les moyens d’instruction des permis au niveau de la CdC à partir d’avril 2014 , on s’acheminerait vers une situation inextricable si des cartes d’aléas concertées – et donc validées par les élus rétais – n’étaient pas élaborées dans les temps.
Aussi, même si le temps de l’Etat n’est pas le même que celui d’un territoire et que la raison d’Etat souvent prime, les avancées des prochains mois seront déterminantes pour maintenir les équilibres socio-économiques de l’île de Ré, déjà mis à mal depuis le 12 juin dernier. Sans compter les effets du contexte de crise nationale qui se font sentir notamment sur les métiers du bâtiment et sur les artisans, qui représentent un pan primordial de l’économie rétaise.
Voir notre article consacré à la position de la Préfecture sur les risques littoraux de l’île de Ré
Voir le compte-rendu de la réunion publique du 22 novembre 2013
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