Démocratisation de la vie politique aux XIXe
L’influence de la bourgeoisie rétaise face à la noblesse d’épée s’intensifie à partir de la Révolution puis de l’Empire et s’impose sur les plans politique et social au début du XIXe siècle. Cette évolution se prolongera durant tout le siècle avec pour résultat la représentation presqu’exclusive de quelques grandes familles bourgeoises dans les pouvoirs locaux et en particulier les mairies.
Jusqu’au suffrage universel masculin du 5 mars 1848, la vie publique est concentrée entre les mains des notables, élus comme électeurs. Seuls quelques citoyens votent. À titre d’exemple, en 1843, dans l’ancien canton nord dit d’Ars, 16 électeurs voteront et 71 dans le canton de Saint-Martin, soit un total de 87 Rétais concernés par la vie politique de l’île alors que la population globale de l’époque est importante et s’élève à 17 000 personnes. Les votants et les élus sont souvent apparentés et ne représentent qu’un panel restreint de métiers : négociants, marchands, rentiers, grands propriétaires. Des activités qui, d’une manière générale, initient des contacts avec l’extérieur et sont garantes d’ouverture. Il ne s’agit pas d’une main mise délibérée d’une classe sociale sur la vie politique, mais plutôt du fait que les citoyens se tournent vers ceux qui sont connus parce que leur famille a joué un rôle à un moment ou un autre dans l’Histoire de l’île, parce qu’ils sont intéressés et se préoccupent de la chose publique et qu’ils disposent de l’instruction nécessaire et des moyens financiers pour s’y consacrer.
Sébastien Sibille-Lavertu, maire de La Flotte
entre 1855 et 1869. Beau-père de Charles
Biret. Coll. Mairie de La Flotte.
Le suffrage universel masculin
Après l’avènement du suffrage universel masculin, avec lequel « commence véritablement la vie politique », selon Marcel Delafosse, les choses changent et le nombre d’inscrits sur les listes électorales rétaises augmente et passe à 2511 hommes dès 1851. Parallèlement, on voit apparaître parmi les élus les premiers représentants des professions libérales : médecins et notaires. Les vieilles familles continuent à s’imposer dans l’île en cette fin de XIXe siècle a contrario de La Rochelle où le personnel politique se renouvelle plus rapidement.
Ainsi la famille Rivaille-Dechézeaux, issue du grand négoce rétais, donnera plusieurs maires à Saint-Martin : Jacques Rivaille en 1801 et 1815, son fils Daniel Rivaille-Dechézeaux de 1830 à 1856 et son petit-fils Arthur Rivaille de 1865 à 1870. Il en va de même pour Victor Bouthillier, élu une première fois en 1870, puis à trois reprises en 1874, 1884 et 1892 à qui son fils Gustave Bouthillier succède en 1908. La famille aura exercé son influence sur la destinée de Saint- Martin pendant près de quarante ans.
À La Flotte, après un ancêtre à la tête de la municipalité de 1794 à 1795, Sébastien Sibille-Lavertu, notaire de son état, sera maire de 1855 à 1869. Il est également le beau-père de Charles Biret, notaire, élu maire à trois reprises : 1869,1877, et en 1896 pour une succession de mandats pendant trente-deux ans d’affilée ! Jean-Simon-Hector Lem- Dechézeaux et Gaston Lem, également apparentés aux Biret, seront respectivement maires de 1826 à 1833 et 1920 à 1927. C’est la dernière fois qu’un membre d’une grande famille rétaise occupera une fonction de maire.
Gaston Lem, maire de La Flotte entre
1920 et 1927. Coll. Mairie de La Flotte.
À Ars, Jean Sourget (1816) et Pierre Cieutat (1832) resteront maires chacun durant seize ans. Ils seront remplacés par Honoré Genest en 1848 dont les mandats cumulés représentent une durée de vingt-deux ans.
Au Bois-Plage, Théodore Phelippot sera conseiller, puis maire de la commune pendant vingt-deux ans.
À Sainte-Marie, Lucien Favreau est maire de 1882 à 1884. Réélu en 1912, il restera maire de la commune pendant vingt-sept ans.
Considérant ce qui se passe de nos jours, il semblerait que la succession de mandats à la tête d’une municipalité soit une caractéristique rétaise.
Démocratisation des Conseils municipaux
À compter de 1870, au moment de la naissance de la IIIe République, on assiste dans l’île à un renouvellement de la classe politique. Les représentants des professions libérales s’imposent en tant que maires, de même que les nouveaux entrepreneurs et directeurs de société. Le processus de démocratisation s’accélère à compter de 1880/90 et les conseils municipaux s’ouvrent aux cultivateurs, fonctionnaires, enseignants, commerçants et artisans.
L’ambiance change dans les Conseils municipaux et le tutoiement s’installe entre les élus. Les comportements évoluent, une certaine fraternité s’instaure renforcée par l’influence de la franc-maçonnerie à laquelle appartiennent bon nombre d’entre eux. L’île est un milieu clos qui tient grand compte de l’appartenance au territoire, or tous, maires et conseillers, sont des enfants du pays. Le mouvement s’intensifie entre les deux guerres et les Conseils municipaux, deviennent de plus en plus le reflet de la société rétaise.
Charles Biret, maire de La Flotte
durant trente-deux ans.
Coll. Mairie de La Flotte.
Bibliographie :
Histoire de l’île de Ré – Michaël Augeron, Jacques Boucard et Pascal Even – Ed Le Croît Vif GER
Petite Histoire de l’île de Ré – Marcel Delafosse – Ed Rupella
Monographie de La Flotte – Baptiste Bernard – Flotille en Pertuis/Rupella
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