- Environnement & Patrimoine
- Pollution des eaux littorales
Dégradation de la qualité des eaux littorales : les causes et les enjeux très lourds…

Les eaux littorales ne forment qu’une lisière étroite le long de nos côtes, un peu plus d’un mille nautique en moyenne soit environ 2000 m selon la morphologie des lieux. Réunissant les eaux dites de transition (embouchure des fleuves et rivières comme la Charente ou le Lay dans la baie de l’Aiguillon) et l’étroite bande des eaux côtières. Cette lisière peu étendue en surface n’en est pas moins essentielle à la vie marine, les eaux pélagiques n’étant en comparaison qu’un « désert ».
Pourquoi ? La lumière pénètre ces eaux, autorisant la photosynthèse et donc la production primaire de macro et micro-algues comme les diatomées des vasières, base de toute une chaîne alimentaire composée de mollusques, vers, poissons, crustacés, oiseaux, mammifères marins, etc. Les huîtres, moules et autres mollusques, les poissons (leurs nurseries d’alevins notamment) vivent dans ses eaux littorales, et toute notre économie régionale de la conchyliculture et de la pêche dépend de la qualité de ces eaux et des écosystèmes associés. La vie naît des eaux et des écosystèmes littoraux.
Existe-t-il une définition de la qualité des eaux littorales ? Non à ce jour. Elle dépend de qui s’exprime. S’il s’agit d’un Maire de station balnéaire, c’est la qualité bactériologique des eaux qu’il appréciera, celle qui permet la baignade des touristes et de ses administrés. Si c’est un ostréiculteur, il appréciera une eau qui permet de satisfaire le cycle complet de l’huître. Des oeufs, larves, naissains, jusqu’à la commercialisation des huîtres de son exploitation… Alors que le biologiste appréciera la qualité biologique de la colonne d’eau, riche ou pauvre de la présence d’espèces et d’individus nombreux.
Les eaux littorales sont altérées par quatre grands types de nuisances et pollutions venant à 80 % d’origines terrestres :
– La pollution chimique rassemblant celle des métaux lourds venant des industries (ex : le cadmium issu d’une mine de l’Aveyron qui pollue dramatiquement l’estuaire de la Gironde et nos côtes), celle des pesticides (herbicides, fongicides et insecticides) venant majoritairement des utilisations massives de l’agriculture industrielle (ex : l’Atrazine, herbicide interdit depuis quinze ans qui commence à empoisonner les eaux littorales).
– La pollution biologique issue notamment de l’agriculture industrielle, dont les intrants (ex : nitrates, phosphates, etc.) ruissellent vers les eaux côtières en provoquant les marées vertes d’Ulves.
– La pollution bactériologique liée au germes fécaux (dont Escherichia coli…) issue des élevages et d’origines animales et humaines par ruissèlement sur surfaces artificialisées ou par les eaux noires des ports de plaisance.
– La pollution particulaire provoquée par les déroctages (comme celui du Grand Port de La Rochelle, voir la pollution très grave d’il y a trois ans, en attendant la prochaine,) ou les dévasages et clapages des ports de plaisance dont celui des Minimes…
A ces quatre natures de pollutions s’ajoute une diminution de l’arrivée des volumes d’eau douce dans les eaux littorales due aux sécheresses et à l’augmentation de la consommation des eaux douces par l’agriculture, les villes, les industries, les consommations d’eaux potables qui concentrent les contaminants et donc leurs effets.
Qu’est ce qui est le plus grave ? Franchement sauf orages et débordements des stations d’épuration la pollution bactériologique peut être considérée sous contrôle. Les pollutions chimiques par les métaux lourds type Cadmium, plomb, zinc, cuivre, mercure sont observées, suivies, et font l’objet d’interdiction pour la pêche à pied, la conchyliculture ou la pêche professionnelle. Là aussi la situation est sous contrôle.
La pollution particulaire demeure un sujet grave de nuisances et pollutions. Car les vases de nos côtes basses bougent et s’accumulent en permanence. Et parce que les techniques de renvoi au large de vases qui reviennent inévitablement dans les baies où se trouvent les ports montrent leur inefficacité. Il faut craindre les prochains déroctages du Grand port de La Rochelle tant ses pratiques réelles sont éloignées de ses déclarations officielles en matière environnementale.
Les pollutions chimiques restent les plus graves.
On découvre aujourd’hui les effets cumulatifs des contaminants (effet cocktail) et on sait que les stations d’épuration ne filtrent pas les produits chimiques et médicamenteux, les hormones, les nanoparticules des cosmétiques et autres.
La situation est donc mauvaise et la trajectoire alarmante
Une modification des pratiques agricoles à court terme en matière de pesticides, une vraie volonté de pratiques de déroctages et dévasages contrôlées, et une réelle prise en compte des insuffisances des stations actuelles sont les seules évolutions possibles si on veut retrouver une qualité des eaux qui stoppe les mortalités de mollusques, huîtres, moules, coquilles Saint-Jacques, mais aussi la disparition des fucacées, ces algues brunes comme le Fucus vésiculeux qui participaient à la richesse des estrans rétais qu’on a connue. Voir la baie de La Rochelle qui est morte !
Il paraît qu’on cherche à réindustrialiser la France pour l’emploi : quand fera-t-on évoluer les stations d’épuration pour qu’elles filtrent tous les contaminants qui empoisonnent la mer ? Cette mer et ses écosystèmes marins qu’on veut nourriciers et dont on attend les molécules pharmaceutiques qui sauveront les hommes.
Dominique Chevillon
Président de Ré Nature Environnement Vice-Président de la LPO France
Reprise résumée du rapport du Conseil Économique, Social et Environnemental Nouvelle Aquitaine sur la qualité des eaux littorales en Nouvelle Aquitaine.
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