Dans les entrailles d’Altriane
Altriane, ce pourrait être le nom d’une héroïne de roman. C’est celui du Centre de Tri et de Transfert des déchets de l’Agglomération de La Rochelle.
Surprise ! Nous voilà loin du bleu profond de l’océan, du sable blond, de la brise frissonnant sur les dunes et du parfum des pins. Exit le rêve (et le déni), vive la réalité de notre monde !
La visite à laquelle vous êtes conviés n’a rien de poétique. Elle est néanmoins passionnante, instructive, édifiante… et ô combien nécessaire en cette saison, alors que des bouteilles en plastique s’égarent sur le bord des routes, que des sacs poubelle apparaissent au coin des rues et que des fours à micro-ondes échouent devant les bacs à verre et à papier. Un peu plus que d’habitude et d’habitude, c’est déjà trop.
Escortés de Fanny Camiade et de Thomas Levignon, respectivement Ambassadrice du Tri et Technicien en Gestion des Déchets à la Communauté de Communes de l’Ile de Ré, et accompagnés de quelques citoyens responsables, nous voilà en partance pour Salles-sur-Mer à la rencontre d’Altriane. Voyage au centre de nos déchets.
Un Centre à la pointe
Casques et gilets fluo sont de rigueur et les visites strictement réglementées. Sur le grand parking, les voitures doivent être garées en marche arrière, prêtes à évacuer au cas où, car dans les centres de tri, les incendies ne sont pas rares. Un centre de tri des déchets n’est pas un site ordinaire, il relève de l’industrie. On n’entre pas dans Altriane comme dans un parc d’attractions.
Dans le vaste hall d’entrée, Fanny Camiade nous prépare à la visite avant de rejoindre une salle où une courte vidéo nous présente le site et ce qu’on y fait. Assortis de quelques chiffres significatifs qui demeurent pourtant abstraits. Le choc, c’est pour un peu plus tard.
Us et coutumes de tri
Altriane est un centre à la pointe dont la dernière modernisation date de 2019. Ici sont apportés les déchets destinés au recyclage des deux tiers du département de la Charente-Maritime, ceux provenant du Sud étant conduits dans un autre centre du côté d’Angoulême. C’est donc ici qu’atterrissent les déchets à recycler de notre grande voisine La Rochelle mais aussi les nôtres.
Nous apprenons qu’à La Rochelle, les bacs jaunes sont bleus et que les déchets doivent être mis dans des sacs recyclables jaunes par les usagers, là où nous les mettons en vrac dans le bac jaune. Un peu incohérent non ? Oui mais les consignes de tri ne sont pas partout les mêmes. Nous voilà bien ! Ce serait plus simple si les règles étaient les mêmes pour tous, cela éviterait à certains de se mélanger les déchets.
Il nous est aussi précisé que tous les centres de tri de l’hexagone ne sont pas homogènes. Comment est-ce possible ? C’est que, nous explique Thomas Levignon, les coûts sont énormes et toutes les communes françaises n’ont pas investi au même rythme, faute de moyens ou… de volonté politique. N’y aurait-il pas là quelque chose qui cloche ? Pour certains, la mise à niveau bientôt obligatoire risque d’être dure à avaler. Au moins ici, on assure. Ca ne change rien au problème mais c’est moins culpabilisant. Mais assez discuté, l’heure est venue d’une immersion qui n’a rien du Grand Bleu.
Le bruit et l’odeur
Devant la lourde porte ouvrant sur les entrailles du monstre, un distributeur de bouchons d’oreille, dont Fanny Camiade nous recommande l’usage. Un peu exagéré non ? Mais docile, on obtempère, et bien nous en prend. Car dès la porte franchie, il est là, le bruit, incessant, ample ronflement venant de partout, envahissant chaque m² d’un espace pourtant gigantesque. Vive les bouchons d’oreille au risque de devenir sourd. Mais il y a pire que le bruit, l’odeur. Elle prend à la gorge et restera longtemps dans nos narines, bien après avoir retrouvé l’air libre. Une odeur de poussière, âcre et vicieuse, mêlée d’autres plus fortes, presque écoeurantes, machiavélique mélange de plastique et de résidus alimentaires présents dans les emballages embarqués dans la course folle des machines.
Un monceau de déchets
Le choc, c’est pour maintenant, devant les déchets sagement empilés dans de grandes alvéoles en attendant d’être soulevés et déversés dans les trieuses. Des monceaux de déchets formant de petites collines, des kilos et des kilos de bouteilles en plastique, canettes de métal, briques alimentaires, petits cartons, films plastique. La rançon de notre société de consommation ne se contentant pas d’emballer mais se plaisant à suremballer.
Des déchets, des déchets partout, disparaissant dans les intestins gourmands de machines toutes conçues et fabriquées pour les séparer en fonction de leur matière. Une mise en perspective mentale et rapide rend le spectacle terrifiant. Un centre, les deux tiers d’un département, une matinée… et tous les autres centres, les autres régions, les autres pays, continents… C’est sûr, la terre croûle sous les déchets. Au moins ceux-là font partie des recyclables. Au moins ce petit geste devenu anodin d’ouvrir le bac jaune pour y jeter ce qui y a sa place prend tout son sens.
La chaîne de tri
Tout commence sur le Trommel, gros tube perforé qui effectue le premier tri, celui par la taille, les déchets les plus gros étant expédiés à l’extérieur tandis que les autres, passés par les trous, tombent sur de longs tapis roulants et bondissants. Le tri balistique commence, il sélectionne les corps creux et plats, les distinguant par leur capacité à rebondir. Ainsi différenciés, ils passent ensuite sous le tri optique. Au top de la technologie, les trieurs optiques du centre Altriane identifient les matériaux en fonction de la lumière qu’ils renvoient par détection infrarouge.
Sous l’air du tri aéraulique s’envolent les films plastiques, ensuite aspirés par une énorme hotte. Pour capter les éléments de métal, l’Overband et un gros aimant, et pour l’aluminium, conducteur d’électricité, le Courant de Foucault. Quant à la presse à balles, elle conditionne les emballages pour en faire des paquets ressemblant à des bottes de foin, qui seront ensuite rangés en fonction du matériau, en attente de chargement et de départ vers la destination de recyclage.
La cabine de tri manuel
Est-ce fini ? Non, il est un lieu à part faisant néanmoins partie de la chaîne et que nous avons gardé pour la fin : celui de l’intervention humaine. Car les machines, si perfectionnées soientelles, ne sont pas parfaites. Alors intervient l’homme. Dans la « cabine de tri manuel », les Valoristes sont chargés de vérifier la bonne séparation des déchets.
Dans ce bruit infernal et l’odeur insistante, leurs gestes, toujours les mêmes, doivent pourtant être vifs et précis. Ils doivent sortir ce qui n’a pas lieu d’être là. Même avec la modernisation, même si tout est fait pour faciliter leurs conditions de travail, celui-ci est pénible. Ils peuvent souffrir de troubles musculo squelettiques. Sans le savoir, nous pouvons même les mettre en danger, comme par exemple avec des seringues, nous expliquent Fanny et Thomas. Voilà où finissent nos erreurs ou nos négligences.
Une autre vie pour nos déchets
Nous ressortons de là abrutis et perplexes, à la fois en colère et un peu coupables, mais aussi plus lucides et plus conscients. Rassurés aussi : car oui, alors que de mauvaises volontés racontent encore que cette affaire de tri c’est bidon, non ça ne l’est pas. Une fois triés, compactés et composés en paquets plus ou moins grands, tous ces déchets honteux partiront quelque part, en France ou en Europe, rachetés par des industriels pour être traités. Matière première secondaire est désormais leur nom.
Papier et cartons redeviendront papier et cartons, le verre redeviendra bouteille, les métaux composeront pour partie casseroles, sièges de jardin et autres ustensiles, tandis que le plastique servira à fabriquer de nouveaux objets.
Mais qu’on se le dise, de tous ces matériaux, seuls le verre, l’aluminium et l’acier sont recyclables à 100% et à l’infini…. Alors comme l’expriment Fanny Camiade et Thomas Levignon en toute simplicité, le déchet le plus intelligent est celui qu’on ne produit pas. « On a commencé à parler de tri en pensant que c’était la solution parfaite. Aujourd’hui on sait qu’il faut aussi réduire les déchets », soulignent-t-ils.
Voilà, c’est clair, c’est dit. Alors même si on est satisfait d’utiliser le bac jaune depuis qu’il existe, ça ne suffit pas, surtout à regarder la rapidité avec laquelle il se remplit.
Prochaine étape, la traque à l’inutile. On a déjà fait beaucoup d’efforts mais on peut faire plus et mieux c’est certain. Petit pas par petits pas, sans se prendre la tête pour autant. On parle de sobriété énergétique ? Il n’y a pas qu’en matière d’énergie que cette vertu doit s’appliquer.
Initiative pédagogique
Les visites du Centre de Tri et de Gestion des Déchets Altriane sont organisées sur l’Ile de Ré par la Communauté de Communes. Gratuites, elles s’adressent à tous et concernent aussi les enfants lors de sorties scolaires.
Une année sur l’Ile de Ré
Les informations* ci-dessous se réfèrent à la population INSEE 2019, soit 17 379 habitants. Elles
ne concernent pas les résidences secondaires ni les hébergements de tourisme.
Sur l’année 2019, voilà le résultat de la collecte :
– 386 kg d’ordures ménagères (bac à couvercle vert et points d’apport
volontaire)
– 77 kg d’emballages recyclables (bac à couvercle jaune et points d’apport
volontaire)
– 122 kg de verre (points d’apport volontaire)
– 30 kg de papier (point d’apport volontaire)
– Soit en moyenne 615 kg par an et par habitant
Du bon usage des poubelles
L’analyse des ordures ménagères collectées en hiver 2020 et été 2021
révèlent que 70% de leur contenu devrait être trié dont 36% de biodéchets
et 34% de déchets recyclables*.
Seuls 30% des bacs à couvercle verts* contiennent ce qu’ils doivent,
des déchets ménagers résiduels. La marge de progression est belle.
Alors il est temps de s’y mettre, vraiment !
*Informations données par la Communauté de Communes de l’Ile de Ré
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