« Cuisine aux algues et autres plantes sauvages »
Vendredi 25 octobre s’est tenue à la maison associative de Rivedoux une conférence sur les algues animée par le biologiste Pierre Le Gall. Son titre : « Cuisine aux algues et autres plantes sauvages ». Passionnante.
Le maître de cérémonie, Raymond Lebret, représentant l’Amicale laïque rivedousaise nous présente l’orateur : Pierre Le Gall, l’air bonhomme, océanographe, algologue, enseignant-chercheur à l’université de Caen, spécialiste de la biologie et de l’écologie marine et littorale, savant en somme, l’un des fondateurs de Ré Nature environnement, association loi 1901 dont il est le Secrétaire général et dont l’objet est la protection de la nature et de l’environnement dans l’île de Ré, ses milieux terrestres et marins, notamment ses Pertuis (Antioche, Breton, Maumusson).
Prospection, inventaire, connaissance et transmission
Directeur de son laboratoire de recherche à l’université de Caen, Pierre Le Gall aimait à emmener ses étudiants sur le terrain… eux aussi, on peut aisément le gager ! La plupart des participants à cette conférence ont eu la chance également d’avoir eu leur « visite guidée » de l’estran de Loix quelques jours auparavant. La conférence prolongeait le plaisir, d’apprendre, de découvrir les merveilles des écosystèmes littoral et marin.
Les algues ne sont pas des végétaux comme les autres…Les plus grandes d’entre-elles, les macro-algues, toutes comestibles, n’ont pas de racines, pas de tige, pas de feuilles mais un thalle, composé d’un pied, d’un ou plusieurs stipes, et terminés par une fronde. Les micro-algues, extrêmement nombreuses, microscopiques, unicellulaires pour beaucoup, à l’origine de la composition de l’atmosphère que nous connaissons il y a 3.8 milliards d’années (cyanobactéries) et responsable pour certaines de la production d’1/4 de l’oxygène de la planète aujourd’hui (diatomées) ainsi que de la captation d’une grande partie du CO2 atmosphérique, sont des acteurs majeurs de la régulation de notre climat et de notre biodiversité. Pierre Le Gall fait le choix de ne pas traiter le sujet de ces micro-algues ni de l’usage et de la récolte des plantes sauvages (eu égard aux risques qu’encourrait le novice en cueillant une plante se méprenant sur sa nature…certaines ne se consomment qu’une fois !)
De l’eau, de l’air, du soleil… la vie
Grâce à la photosynthèse, les algues produisent de l’organique à partir d’inorganique…6CO2 + 6H2O + énergie lumineuse C6H12O6 + 6O2 (C6H12O6 , ici donc du glucose). Nous, nous faisons « l’inverse ». Nous mangeons les êtres autotrophes, directement ou indirectement afin de nous procurer cette énergie stockée sous forme chimique par les algues (C6H12O6 + 6O2 6CO2 + 6H2O + énergie chimique), afin de « fonctionner ». Les algues sont autotrophes, des producteurs au fondement des réseaux trophiques (trophê, nourriture en grec), nous, de simples consommateurs…
Elles ont besoin d’eau, de carbone et de lumière pour assurer leur cycle de vie. La quasi-totalité des macro-algues ont aussi besoin d’un support sur lequel se fixer. Sans support, elles meurent. Il en existe de trois sortes, que nous présente Pierre Le Gall : les vertes, les rouges et les brunes. Avec une poignée d’acolytes, il a déjà répertorié près de 230 espèces distinctes sur les estrans rhétais et précise que ce travail de recensement, absolument nécessaire, est long et loin d’être terminé… comme d’ailleurs le travail sisyphéen qui permettrait de réduire la présence des biocides (antifoulings) et autres polluants faisant des ravages en mer et sur les estrans et qui y est lié. Connaitre, transmettre, alerter, agir…L’administratif, le politique et l’économique en vent avant !
Une pointe de contre-darwinisme : à chaque algue ses inclinations…
Certaines algues préfèrent l’immersion permanente et se trouvent au-delà de la zone de marnage, d’autres une alternance d’immersions totales et partielles et seront plus proches du rivage. La zone est abritée, les courants sont faibles, sont forts, le support est calcaire ou granitique…telles algues plutôt que telles autres. Selon que l’ensoleillement est plus ou moins intense, leur couleur varie, s’adaptant ainsi à la luminosité ambiante en en captant une plus ou moins grande partie selon qu’elles seront plus ou moins foncées… D’autres encore comme le fucus vésiculaire possèdent des flotteurs, des vésicules qui, emplies d’air à marée basse, leur permettent de se déployer et d’exploiter au mieux le milieu lorsque l’océan revient… Les algues, une ressource pleine de ressources, le vivant toujours fabuleux !
Les algues… sont à croquer !
Les japonais le savent bien, nous moins…et pourtant nous en mangeons constamment ! Certes souvent indirectement. De nombreux additifs alimentaires (épaississants, émulsifiants, exhausteurs…) entrent dans la composition de quantité d’aliments transformés et sont produits à partir d’algues. E400, E401, E402, E403, etc…Carraghénanes, agar-agar, alginates…
Au-delà de l’additif, en salades, en condiments, en chutneys, en confitures, cuites ou crues les algues peuvent être un délice ! (Les fucales, riches en polyphénols heureusement thermolabiles, nécessitent d’être cuites… le goût de ceux-ci est autrement parfaitement désagréable). Certaines d’entre elles, comme la chondrus crispus que l’on trouve de Rivedoux jusqu’à Loix, sont idéales comme gélifiant en lieu et place de la pectine pour les confitures et gelées. Il suffit d’en faire bouillir dans de l’eau et d’utiliser cette eau de cuisson comme gélifiant. L’undaria pinnatifida, plus connue sous le nom de Wakamé, originaire du japon et très présente dans le fier d’Ars, a une saveur douce et légère. La porphyra, ou Nori, l‘ulve, la laitue de mer, Osmundea pinnatifida ou dulse poivrée… la liste est longue des algues que l’on trouve sur l’île de Ré et qui sont d’un intérêt culinaire notoire ! Certains Chefs, comme Anthony Bredif du restaurant « le Winch » aux Grenettes, en ont fait en partie leur marque de fabrique.
Riches en protéines, en acides gras omega-3 et omega-6, en vitamines, notamment B12, en minéraux, les algues peuvent non seulement être un plaisir des sens mais aussi un bienfait pour le corps et pour l’esprit.
Des précautions tout de même !
Attention toutefois à les « cueillir » convenablement, et à les consommer avec raison ! Les algues se coupent et ne s’arrachent pas de leur support : sans support, elles meurent, proprement coupées, elles repoussent.
D’autre part, il s’agit de les prélever dans des zones « propres », là où les polluants sont en faible quantité car elles ont tendance à les absorber et les accumuler. On peut également ramasser et utiliser les « laisses », les algues échouées, si elles le sont depuis peu.
Il s’agit de les consommer avec modération car elles contiennent de l’iode. Celui-ci, nécessaire au bon fonctionnement de la thyroïde, peut s’avérer toxique à des doses supérieures à 1.1g par jour (c’est tout de même considérable… Cela représente 550g de laminaire séché, 3.6 kg de dulse séchée, 11kg de Nori séchée!)
A vos tabliers et fourneaux !
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