Corinne Keller : de solides valeurs
Pur produit rétais, Corinne Keller a cependant toujours su faire le pont entre l’île de Ré et le continent. Après une scolarité réussie elle est admise à Sciences Po Bordeaux. Submergée par son empathie pour le mouvement étudiant de 1986, elle plante son année. En effet, scandalisée par le projet de sélection des étudiants à l’entrée à l’université et touchée par la mort de Malik Oussekine, elle monte à Paris militer contre la future loi. Elle avait 17 ans et le coeur à gauche, faut-il le préciser ?
La raison reprenant le dessus, elle fait Sciences économiques à Poitiers et dans la foulée un DEA de géographie à Nantes. Sa passion altruiste la pousse à vouloir transmettre et elle se verrait bien professeur enseignant l’une de ces matières qu’elle aime. Cependant pour financer ses études, elle avait trouvé un emploi de surveillante dans un lycée. La vision de l’Éducation nationale, dont elle découvre dans ce poste les aspects un peu étriqués, ne correspond pas au côté flamboyant de sa personnalité et la fait renoncer à son projet d’enseigner. Elle tentera le Capes et l’Agrégation, mais sans conviction, ce qui ne pardonne pas.
Le monde passionnant du spectacle
Corinne aime la musique, elle aime sortir ; pleine d’énergie, elle aime la vie tout simplement. Son tempérament va la pousser à faire des saisons dans des bars où l’on joue de la musique, à faire connaissance avec les musiciens et à intégrer progressivement ce milieu artistique qui la passionne. Elle termine ses études en 1995 et envoie bon nombre de CV, mais ne trouve aucun travail en relation avec les études qu’elle a menées. Elle enchaîne alors, au gré de ses sympathies, une série de contrats dictés par les saisons et travaillera avec l’association culturelle Porte- Voix dont elle est la présidente et à La Rochelle au Jam’Pub avec Alain Trouillon Faret.
Il était presque prévisible qu’elle finisse par rencontrer, dans les milieux branchés qu’elle fréquente, Jean-Louis Foulquier qui la fera entrer aux Francofolies en 1998. Aux « Francos », Corinne travaille au côté de Danièle Molko, cofondatrice du festival dont elle assure la direction de la communication et sponsor. Danièle regarde avec une certaine circonspection cette jeune femme haute en couleurs qui, sous la houlette de Foulquier, va commencer à s’intéresser à la culture. Corinne, dite « Coco », est encore un peu brut de décoffrage, mais les valeurs qui l’animent aujourd’hui sont déjà là. Et puis, elle suit plutôt bien les dossiers de Danièle Molko qui recherche les partenariats privés et institutionnels. Danièle Molko apprécie. 1998, c’est aussi l’année où les Francofolies rendront hommage à l’abolition de l’esclavage en célébrant le 150e anniversaire avec notamment la participation de Johnny Clegg. Un grand moment pour Coco.
Elle a trouvé un mode de vie qui lui convient, le travail est assez dur, mais lui laisse la liberté de choisir. Musicienne elle-même, elle n’en apprécie que plus le milieu dans lequel elle évolue. En 2007, elle s’accorde une grande parenthèse et part en tant que coéquipière de Jean- Pierre Després sur le Notre-Dame des Flots pour une croisière de marins qui la mène en Guyane et Martinique. Une navigation pleine d’humilité qui ramène à l’essentiel et lui plaît.
La découverte des arts du cirque
En 2009, Corinne fait une chute de moto, se fracture l’épaule et reste handicapée pendant des semaines. L’espoir d’être recrutée par La Sirène sur le point d’ouvrir ses portes s’envole. C’est une période difficile que Corinne traverse grâce à Marie la Bohême, directrice d’Ophidie Circus, qui la récupère pour qu’elle s’occupe de l’administration de l’association qui chapeaute son école de cirque. Corinne découvre le remarquable travail que cette dernière effectue auprès des enfants leur faisant découvrir des activités à la fois sportives et artistiques qui renforcent leur confiance en eux et véhiculent des valeurs essentielles comme le respect, la solidarité, la rigueur et le sens du travail. Corinne Keller est toujours aujourd’hui, présidente de l’association Ophidis Circus (lire page 32).
Sa fibre féministe va s’exprimer à travers la manifestation « Couleurs Femmes » organisée en 2009 par l’association Porte-Voix à la salle des fêtes de La Pallice. Les femmes profitent de l’expo pour montrer leurs talents et la musique n’étant jamais loin lorsque Coco organise un événement, deux prestations musicales complètent la journée. Quatre ans durant la manifestation sera fidèle au rendez-vous avec le public.
L’Avant-Scène, un lieu selon son coeur
Recrutée à l’Avant-Scène, restaurant près de La Coursive et répondant à ses besoins, Coco apprécie le contact avec une clientèle sensibilisée à la culture. Son bagage et l’intérêt qu’elle porte au spectacle en font une interlocutrice privilégiée pour la clientèle du lieu. Quatre ans plus tard, en 2014, l’associé de Bertrand Foubert, gérant de l’Avant-Scène, ayant quitté l’affaire, elle reprend le flambeau, encouragée par Jacky Marchand. Ouvert de septembre à juillet, selon le rythme de la saison culturelle, le restaurant lui laisse suffisamment de temps pour avoir des loisirs. Les clients dînent à l’anglaise, reviennent éventuellement prendre un pot après le spectacle, mais à minuit la brasserie ferme. Le lieu souffre du coronavirus comme toute la profession et n’a réouvert que le 1er septembre après cinq mois et demi de fermeture, avant de refermer pour plusieurs mois dès la fin octobre.
Un coup très dur pour cette petite affaire où le Festival International du film, qu’elle a raté, représente 20% du chiffre d’affaires ! Coco qui s’est particulièrement investie dans la gestion remercie le ciel d’avoir des propriétaires conciliants d’autant que le restaurant a dû réduire le nombre de places de 70 à 55 pour respecter la législation. Néanmoins, lors de la 1ère réouverture, elle a vu revenir ses anciens clients et croit fermement en l’avenir. Il faudra du temps au restaurant pour retrouver sa trésorerie, mais la vie continue et elle rencontre chaque jour des gens qui la font rêver. Et il n’y a aucune raison pour que cela cesse !
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