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La confusion sexuelle : tout un programme !
L’ensemble du vignoble rétais a été traité par cette méthode qui s’impose comme une alternative d’avenir pour une viticulture biologique.
Eudémis et Cochylis, un joli titre de tragédie grecque qui résonne comme un scénario de guerre pour les viticulteurs… Plus communément appelés vers de la grappe, ces ravageurs très courants créent des dégâts caractéristiques sur la vigne en s’attaquant à ses grains lorsqu’ils sont en formation. Les adultes du premier vol apparaissent en principe dès avril jusqu’à fin mai, et donnent la première génération de ces prédateurs appelés « tordeuses ». Le principe de la technique est de perturber la phase de rapprochement des papillons mâles et femelles par émission de phéromones en grande quantité, et ainsi bloquer le processus de reproduction. Ces phéromones reproduisent la substance naturelle émise par la femelle pour attirer le mâle. Dans l’atmosphère saturée, les mâles sont tout simplement désorientés et donc incapables de localiser les femelles. Adieu les velléités d’accouplement ! Déçus et vexés, les fougueux s’en vont chasser en d’autres terres.
L’exceptionnelle douceur de cet hiver a provoqué l’anticipation de la mise en place ce procédé naturel et non toxique. L’année dernière la pose des capsules avait eu lieu mi-avril, mais cette fois c’est dès le 15 mars que se sont réunis une cinquantaine de vignerons, pour ce qui est devenu une tradition conviviale.
Une mise en oeuvre concertée
Pour que le nuage de phéromones soit efficace, les surfaces traitées doivent être d’un seul tenant et dépasser les cinq hectares. Les exploitations étant très parcellisées sur l’île, l’adoption de la protection par confusion sexuelle ne pouvait que résulter d’une volonté collective, fruit d’une concertation coordonnée par le GDAD (Groupement de Développement pour une Agriculture Durable). Grâce à l’implication des membres de ce collectif, les terres se sont progressivement libérées de tout résidu chimique permettant à la coopérative de présenter en février dernier le tout nouveau rosé bio, l’Azuré issu des premières parcelles converties. La pose de phéromones étant plus onéreuse que l’usage des pesticides, Uniré prend cette année le relai de La Communauté de Communes, qui a soutenu durant cinq ans cette démarche respectueuse de l’environnement. Pour cette sixième édition, c’est l’ensemble du vignoble (500 hectares contre 362 l’année dernière) qui a pu être traité à l’exception de quatre exploitants récalcitrants à La Couarde.
Un nouveau dispositif
Tandis qu’il s’agissait de capsules à disposer les années précédentes, Francis Bourriau, Responsable Technique à la Coopérative a choisi de tester un nouveau dispositif découvert à Bergerac en juillet à l’occasion du séjour d’observation que propose chaque été Uniré dans un autre vignoble. Venu spécialement de Milan, Guido Cavagnero a présenté les nouveaux diffuseurs distribués par la compagnie CDC Biogard dont il est responsable commercial. Cet ingénieur agronome expliquait que la marque travaille depuis plus de 30 ans à accompagner la lutte biologique en élaborant des produits phytopharmaceutiques toujours plus techniques.
De petites tiges, semblables à des linguines remplacent désormais les capsules sujettes à la prise au vent. Légères et très manipulables, il suffit de les nouer à la branche grâce au fin fil de fer qui les composent. La pose s’en trouve facilitée, ce qui n’est pas négligeable considérant que 275 000 liens ont été nécessaires pour couvrir le vignoble ! « L’année prochaine, les diffuseurs devraient être biodégradables » a annoncé Guido, qui espère que dans dix ans, 30% de la vigne sera traité en confusion.
Entraide et convivialité
Très motivés, les vignerons se sont réunis au petit matin jusqu’au 22 mars pour sillonner les vignes du Sud au Nord de l’île et installer les diffuseurs sur les ceps, à raison d’un diffuseur pour 20 mètres carrés. Quelques uns venus soutenir la démarche en « amis », comme Stéphane Thomas, le sommelier du Chat Botté à Ars, n’ont pas hésité à prêter main forte aux équipes. Si l’ambiance de ces journées semblait récréative, l’opération était néanmoins très bien encadrée pour respecter les plans de pose et couvrir de manière uniforme les îlots concernés. « Il faut compter en moyenne une heure de travail par personne pour disposer 550 tiges par hectare » expliquait Carole Pardell. La Présidente du GDAD se réjouissait par ailleurs que cette nouvelle méthode ait permis de protéger cette fois la quasi totalité des vignes. Globalement ce nouveau marché, soutenu avec l’appui de Christine Monier, spécialiste phyto et semences et responsable des achats de l’UDCA (Union Départementale des Coopératives Agricoles) s’élève à 70 000€. Une enveloppe identique au budget 2015 pour une superficie traitée accrue de 30% !
Ces journées de travail intense mais portées par le groupe étaient ponctuées d’un déjeuner convivial à la coopérative, symbole de la cohésion d’une équipe qui s’inscrit dans l’avenir de la viticulture citoyenne.
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