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- Interview du préfet de Charente-Maritime, Eric Jalon
« Conforter la vie permanente en anticipant les exigences de protection »
Alors qu’il s’apprête à tenir deux réunions publiques* de présentation des projets de documents réglementaires du Plan de Prévention des Risques (PPR) sur l’île de Ré, Ré à la Hune a rencontré longuement le Préfet de Charente-Maritime, Eric Jalon, afin de faire le point sur son action au niveau départemental, sur sa vision de l’île de Ré et sur le processus de révision du PPRL.
Ré à la Hune : Quel bilan tirez-vous de votre action en Charente-Maritime pour ces quinze premiers mois ?
Le Préfet, Eric Jalon : Je suis arrivé quasiment au moment où l’état d’urgence a été décrété et depuis le 14 novembre 2015 cette priorité de la sécurité a beaucoup dominé mon activité. Nous avons mis toute la puissance de l’Etat au service de la sécurité des Charentais-Maritime avec un fort accroissement du niveau de vigilance et une préparation au risque terroriste accrue. Il faut toutefois dans le même temps éviter le repli sur soi et la peur. Nous avons revu dès novembre 2015 le dispositif de sécurité du Marathon de La Rochelle et un à un tous les dispositifs de sécurité des grands événements estivaux : Les Francofolies, Un Violon sur le Sable, le festival de feux d’artifice de Royan, le festival Summer Sound à Rochefort… A chaque fois ce sont 100 à 120 voire 150 personnes mobilisées pour la sécurité et pour rassurer les participants. Nous sommes aussi engagés dans une démarche de progrès continu, en optimisant nos méthodes d’intervention. L’exercice de sécurité de grande ampleur mené le 3 novembre 2016, durant lequel nous nous sommes confrontés à des hypothèses très complexes, a plus constitué un point de départ qu’un aboutissement, afin d’identifier les points sur lesquels nous devions axer nos efforts.
Nous avons aussi organisé une réunion avec tous les Maires en octobre 2016, sur la vigilance au quotidien, et nous travaillons avec l’Association des Maires de France sur un recueil des bonnes pratiques de sécurisation des écoles. A ce sujet, je viens d’envoyer une circulaire à tous les Maires les informant de l’accompagnement de l’Etat, au double plan de la méthode et du financement.
Malgré (ou grâce ?) à cet effort nous avons enregistré en 2016 des résultats favorables dans la lutte contre la délinquance : diminution de – 4 % des atteintes aux personnes, de – 12,5 % des violences crapuleuses, de – 4 % des cambriolages et de – 8 % des vols liés à l’automobile. Notre mobilisation et notre vigilance quotidiennes contre le terrorisme n’ont pas nui au combat contre la délinquance.
Quels ont été les autres grands points dominants de votre action en 2016 ?
La gestion de la crise migratoire. La Charente-Maritime a pris sa part à l’accueil des demandeurs d’asile et au démantèlement de la lande de Calais. A la fin 2015, nous avions 140 places de centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), nous avons rattrapé notre retard en lançant la création de 300 places en 2016, dont 250 sont aujourd’hui opérationnelles, grâce à un appel à projets auprès de trois associations : Tremplin 17, Altea Cabestan et l’Escale. Cet effort correspond à notre poids démographique. Nous avons lancé un nouvel appel à projet pour la création de 37 nouvelles places, dont la localisation sera définie ensuite.
Nous avons fait un effort spécifique dans le cadre du démantèlement de la lande de Calais en créant 198 places, dont 40 pour mineurs à Fouras, centre d’accueil qui a été fermé mi-janvier : 9 mineurs ont pu rejoindre le Royaume-Uni, tandis que 31 ont été réorientés dans le dispositif. C’est le résultat d’un travail commun avec les services du Département et de la Mairie de Fouras. Actuellement nous travaillons sur la réorientation des personnes accueillies aux Mathes et à Saint-Georges de Didonne, afin de restituer les sites aux organismes gestionnaires afin qu’ils puissent préparer leur saison, comme nous nous y étions engagés.
Vous avez le 20 février dernier présidé la seconde réunion du comité départemental de suivi de la ruralité et plusieurs contrats de ruralité ont été signés en Charente-Maritime. De quoi s’agit-il ?
Nous avons installé ce comité le 1er septembre 2016, il a pour vocation à suivre le déploiement des mesures décidées lors des trois comités interministériels de 2015 et 2016 pour donner une nouvelle dynamique en faveur de la ruralité. Les territoires ruraux ont une forte capacité de développement, l’Etat entend les soutenir dans leur double objectif de solidarité et de compétitivité. Nous mettons en place des moyens conséquents (15 millions d’€ en 2016, accroissement de l’enveloppe de la dotation d’équipement des territoires ruraux de 2 millions d’€ en 2017) pour accompagner les collectivités locales. Au cours des derniers mois, plusieurs maisons et pôles de santé ont été ouverts ou lancés en Charente-Maritime, ainsi que des maisons de services au public. Les échanges entre élus et services de l’Etat ont permis de trouver des solutions pratiques aux évolutions des réseaux de la direction départementale des finances publiques ou de la gendarmerie nationale. A présent, nous ne souhaitons pas travailler seulement projet par projet, commune par commune, mais nous inscrire dans des projets de territoires. Plusieurs contrats de ruralité ont été signés, au travers desquels l’Etat s’engage à accompagner les projets des territoires ruraux, sur six volets : accès aux services et aux soins, revitalisation des bourgs centres, attractivité du territoire, mobilités, transition écologique, cohésion sociale. Ces contrats sont portés par des intercommunalités, qui peuvent travailler à plusieurs : c’est le cas entre le pays de Marennes-Oléron, la CARA (Communauté d’Agglomération de Royan) et la CARO (Communauté d’Agglomération de Rochefort).
En février 2016 vous nous aviez indiqué que la compétitivité économique faisait partie de vos sujets prioritaires. Avez-vous pu avancer dans ce domaine ?
Nous apportons notre soutien au jour le jour aux entreprises ou aux territoires en reconversion, comme par exemple nous l’avons fait en accompagnant la Communauté de Communes de Haute-Saintonge dans son projet de reconversion du site Wesper à Pons, ou encore à Saintes où nous avons signé avec le Crédit Agricole, la CdA et la Ville un protocole, dans le cadre duquel la banque mobilise un fonds de développement régional de 5 millions d’€, afin de repérer et accompagner les projets économiques. L’organisation d’un « tour de table » avec tous les partenaires a aussi permis d’épauler l’Entreprise Selenium Médical, et de coordonner l’intervention du Conseil Régional et de l’Etat.
Nous menons à la fois un travail de proximité et de prospective. Tous les mois les acteurs publics que sont les services fiscaux, la Banque de France, la BPI, etc se réunissent pour avoir une vision globale des entreprises en difficulté et en développement.
Quelles sont vos priorités pour l’année en cours ?
Au-delà de garantir le bon déroulement du processus électoral et d’assurer la continuité de l’Etat pendant la phase de transition, nous avons quatre directions prioritaires pour 2017.
« J’ai déclaré la sécurité routière,
grande cause départementale 2017. »
La ruralité, comme évoqué précédemment, avec six mois, entre le 1er janvier et le 30 juin 2017, pour signer les contrats de ruralité, qui porteront sur 2017-2020, mais aussi avec l’élaboration, conjointe avec le Département, d’un schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public d’ici au 31 décembre 2017.
La sécurité, avec la poursuite des démarches engagées en 2016 pour les écoles ou encore une procédure renforcée de préparation des grands événements de la saison estivale. Si le risque zéro n’existe pas, nous nous devons d’assurer le meilleur niveau de vigilance.
La sécurité routière, que j’ai déclarée « grande cause départementale 2017 ». Malheureusement, malgré le très fort investissement des forces de l’ordre en termes de contrôles, nous ne sommes pas parvenus en 2016 à nous détacher du « plancher de verre » de 60 morts par an, que nous enregistrons depuis cinq ans dans notre département. L’objectif fixé pour la Charente-Maritime à horizon 2020, en ligne avec l’objectif national, est de passer en dessous de 30 morts par an… Un tiers des victimes décédées dans les accidents de la route le sont dans des accidents sans tiers.
Nous allons renforcer les actions de prévention dans tous les collèges et lycées, auprès des acteurs du monde de la fête, qui ont des démarches extrêmement responsables ; nous avons écrit à tous les commerces, supérettes, grandes surfaces de distribution, car une grande partie de la consommation se fait à domicile : nous leur proposons de signer une convention afin de délivrer des messages de sécurité routière. Le partenariat avec le Stade Rochelais, dévoilé le 2 février, permettra de faire porter par des ambassadeurs populaires un message cohérent avec les valeurs du sport, qui parle à tous. Ce message sera relayé en différentes occasions. Le réseau de bus Les Mouettes de Kéolis véhicule le message « Votre mort est comme ce SMS, elle peut attendre ». Nous avons également échangé avec les jeunes agriculteurs, pour voir comment mener des actions de sécurité routière efficaces en secteur rural, c’est inédit qu’un syndicat professionnel agricole s’engage de la sorte.
La protection et la prévention des risques naturels et littoraux avancera de manière décisive en 2017, il s’agit là aussi d’une priorité. Les réunions publiques de présentation des projets de documents réglementaires du Plan de Prévention des Risques (PPR) sur les îles de Ré et d’Oléron ont lieu entre le 3 et le 9 mars, avant la période de réserve électorale. Les enquêtes publiques auront lieu cet été, au moment où le plus grand nombre de résidents permanents et secondaires peuvent y participer.
« Le mode de protection de l’île ne la
vitrifie pas mais doit lui permettre
de s’adapter en restant attractive. »
Quels sont à vos yeux les enjeux forts pour l’île de Ré ?
Comme je l’ai exprimé lors des vœux de la Communauté de Communes du 13 janvier, le premier enjeu est de conforter la vie permanente sur l’île : si le territoire ne pouvait plus accueillir ceux qui y travaillent cela n’irait pas dans le sens du développement durable de l’île. Il faut dans le même temps anticiper les exigences de protection, sans remettre en cause ses besoins d’évolution ; il convient de regarder projet par projet ce qui est possible. Le mode de protection de l’île ne la vitrifie pas mais doit lui permettre de s’adapter en restant attractive.
Ceci à une condition, celle de l’émergence d’une vision vraiment intercommunale de l’île, c’est là le principal message que nous portons dans le cadre du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI).
La Communauté de Communes s’efforce de porter cette vision, l’Etat de l’accompagner. Les capacités de développement sont inégalement réparties sur l’île, même si les possibilités de construction vont évoluer au fur et à mesure de la réalisation des systèmes de défense programmés dans le PAPI. La réponse ne peut donc être qu’intercommunale. Le projet de l’île de Ré ne peut pas être la juxtaposition de dix projets. Le risque n’est pas complètement écarté aujourd’hui. Il faut faire jouer la solidarité dans l’île, c’est la définition même du PLUI. Pour notre part, nous prenons en compte dans le cadre du PPRN les projets communautaires ainsi qu’une approche cohérente des centres historiques denses.
Où en êtes-vous de la communication aux Maires des « cartes PPRL » et des « cartes informatives PAPI » ?
Certains Maires regrettent de ne pas avoir eu la carte informative PAPI de leur commune et pensent que vous ne leur remettez pas car la prise en compte des systèmes de défense ne changerait rien aux zones et règles de constructibilité dans ces communes. C’est faux ! Dès lors que le projet de protection est défini suffisamment précisément pour que le bureau d’étude puisse travailler pour produire ces cartes, je me suis engagé à les communiquer au fur et à mesure qu’elles seront disponibles et quel que soit le résultat.
Pouvez-vous éclairer nos lecteurs sur les différentes cartes ?
On peut distinguer trois types de cartes :
– Les cartes d’aléas transmises à l’occasion des porter-à-connaissance d’octobre 2014 : elles représentent les aléas connus à cette date, sur la base d’une modélisation reproduisant les conditions de l’événement de référence Xynthia, augmenté de 20 et de 60 cm pour identifier les aléas de court terme et ceux de long terme.
– Certaines cartes d’aléas ont été actualisées pour tenir compte des ouvrages réalisés depuis 2014 : c’est le cas à Saint-Clément-des- Baleines, Loix, Rivedoux et La Flotteen- Ré : dans ces cas, l’actualisation a été intégrée aux projets de cartes réglementaires fournis aux communes et qui seront présentées à l’occasion des réunions publiques puis lors des enquêtes publiques.
– Les « cartes informatives PAPI » ont pour objet de fournir, à titre d’information, une projection des aléas tels qu’ils devraient résulter des ouvrages PAPI ; pour réaliser ces cartes, il est nécessaire que les ouvrages projetés soient connus avec une précision suffisante pour pouvoir être intégrés dans la modélisation des aléas (implantation, dimension, étude de danger). L’intégration dans les modèles d’hypothèses de défaillance des ouvrages (« bréchage ») est nécessaire ; les modélisations s’appuient dans toute la mesure du possible sur les études de danger pour éviter les « bréchages forfaitaires ».
Quand remettrez-vous les « cartes informatives PAPI » aux communes qui ne les ont pas encore obtenues ?
Au 28 février 2017, la situation est la suivante :
– pour Saint-Clément-des-Baleines, Les Portes-en-Ré, Ars-en-Ré, Sainte-Marie-de-Ré, des « cartes informatives PAPI » ont été fournies en octobre 2014 ; leur actualisation sera possible dès lors que la maîtrise d’ouvrage pourra fournir les données actualisées des projets d’ouvrage ;
– pour Loix, la Couarde-Sur-Mer et le Bois-Plage, les « cartes informatives PAPI » sont disponibles, sur l’aléa de court terme ou l’aléa de long terme suivant les cas ; elles ont été transmises aux communes concernées au cours du mois de février ;
– pour Rivedoux et La Flotte, les cartes d’aléas actuelles comportent l’ensemble des protections prévues. Il n’y a donc pas lieu de réaliser des cartes informatives spécifiques pour ces communes ainsi que pour Saint-Martin-de-Ré.
Les aléas tels qu’ils figurent dans les « cartes informatives PAPI » ne peuvent être pris en compte et se traduire en termes de règles de constructibilité qu’une fois les ouvrages effectivement réalisés et leur conformité vérifiée. Toutefois, le lancement anticipé des procédures de révision des PPRL permettra de tenir compte des nouveaux aléas dans un délai de l’ordre de six mois après la livraison des ouvrages PAPI.
Avez-vous pu trouver des marges de manœuvre dans vos discussions avec les Maires et quelles sont vos échéances pour le PPRL de l’île de Ré ?
Mon idée initiale était d’aboutir fin 2016, début 2017. Au fur et à mesure des discussions avec l’île de Ré, il a été jugé nécessaire de les approfondir sur trois enjeux : la mise en évidence de projets communautaires comme, La Maline ; les centres historiques denses dans lesquels, en zone d’aléa modéré, il est possible de déroger au principe d’inconstructibilité dans les dents creuses, les bâtiments délaissés, les parcelles vierges, ce qui réouvre des marges de constructibilité ; et enfin l’articulation entre PPRL et PAPI : les digues érigées dans le cadre du PAPI ont vocation à protéger l’existant, cependant là où elles ont un impact sur les cartes d’aléas et donc sur la constructibilité il faut en tenir compte le plus tôt possible après leur livraison. Nous ne pouvons prendre en compte que les systèmes de protection achevés, et conformes aux attentes. C’est pourquoi le PPRL tel que présenté aux réunions publiques va être amené à évoluer au fur et à mesure de l’avancement des travaux du PAPI, d’où l’attente que suscitent les « cartes informatives PAPI ».
Après les réunions publiques du 6 mars au Bois-Plage pour le Sud de l’île et du 8 mars à Ars-en-Ré pour le Nord, nous entrerons dans une période de consultation réglementaire des commissaires et personnes publiques associées, avec l’enquête publique à l’été 2017.
Les dix Maires de l’île de Ré ont écrit une lettre ouverte aux Rétais pour marquer leur inquiétude et leur incompréhension et ont fait savoir qu’ils attaqueraient le PPRN si besoin. Comment réagissez- vous et passerez-vous « en force » si besoin ?
Le PPRN est un document d’Etat, qui relève de ma responsabilité. Il faut sortir de la situation actuelle où c’est le juge qui dit, dans une démarche nécessairement binaire, sur chaque projet qui lui est soumis, la constructibilité ou l’inconstructibilité. Les élus rétais ont besoin de connaître les contraintes du PPRL pour poursuivre leur démarche d’élaboration du PLUI. Je recherche le plus grand consensus possible, je souhaite que les contraintes imposées soient le mieux comprises possible, mais je ne peux conditionner la validation du PPRL à l’accord préalable de toutes les communes. A la fin 2016, nous avons eu un travail d’échange très approfondi avec la CdC, nous avons défini ensemble des zones très fortement urbanisées, le principe de faillibilité des digues n’est pas contesté. Nous sommes allés à la rencontre des maires, un par un, et avons examiné avec eux les projets de cartes et de règlements. Il nous faut avancer.
Comment envisagez-vous l’avenir des îles si l’écotaxe était jugée anticonstitutionnelle ?
Je ne commente jamais les décisions de justice, a fortiori quand elles n’ont pas été rendues.
* Lundi 6 mars à 18h30 salle polyvalente du Bois-Plage et mercredi 8 mars à 18h30 salle des sports d’Ars-en-Ré.
Voir le résumé de la situation sur le PPRL de l’île de Ré (mars 2017), la position communes des maires, le compte-rendu des discussions au conseil municipal de La Couarde
Voir les cartes présentées en mars 2017
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