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Comment se porte la biodiversité rétaise au regard de l’agriculture insulaire ?
La biodiversité disparaît à grande vitesse, la sixième extinction des espèces a débuté, jusqu’à 80% des insectes, 40% des oiseaux auraient disparu en Europe peut-on lire ici et là.
Ce constat est vérifié et vérifiable dans les villes et sur les zones de cultures intensives où les pratiques agro-industrielles ont supprimé toutes concurrences végétales ou animales au profit d’une, deux ou trois plantes comme le tournesol, le blé et le maïs irrigué. Ont été détruits fossés, bois, petites zones humides au profit de la seule monoculture dans un milieu aseptisé en surface comme dans ses sols. Dépendants perpétuels d’amendements, engrais, pesticides et autres intrants industriels. Les plaines et marais asséchés d’Aunis, la baie de l’Aiguillon et ses immenses marais drainés en sont la preuve visible, de l’autre côté du pont, sur le continent. La biodiversité y est extrêmement faible, le vivant dans sa fabuleuse diversité a fui ou a été détruit, il n’y trouve plus les conditions de vie pour se nourrir, se reproduire, échapper à ses prédateurs…
Une spécificité insulaire
Il en va différemment de notre territoire insulaire, 85 km2 de terrestre auxquels s’ajoutent 45 km2 d’estrans découverts à marée basse de vives eaux.
A l’origine, il y a la nature des sols alternant sur de toutes petites surfaces, des sables dunaires, des terres de groie, des terres de bri. Et le climat d’une île atlantique à égale distance du nord et du sud.
Et puis partout les mains de l’homme ont travaillé sur tous les espaces que nous appelons naturels. Sans exception !
Pour cultiver la vigne, les céréales, pour faire du maraîchage, pour gagner sur la mer des terres de marais aux usages multiples (sel, mollusques, poissons, plantes à sel) ; Pour manier, remanier, prélever le sable des dunes, l’argile du bri, les pierres calcaires pour construire et faire de la chaux.
Au fil des siècles, le territoire insulaire a connu successivement prises et déprises de mer, prises et déprises agricoles et puis sur une île très peuplée, une parcellisation intense du foncier par le jeu des successions et des partages visant à donner des terres de qualités équivalentes à chacun des héritiers. Ce phénomène a encore accru le fractionnement !
Tout cela nous a donné cette magnifique mosaïque de milieux et paysages si divers : forêts et pré-bois, pelouses sableuses rases ou à hautes graminées, vignes, céréales, vergers, maraîchages, prairie, fourrés, fougeraies, dunes, marais salé, et quelques marais doux.
Une mosaïque constituant une véritable originalité
C’est ce qui a justifié l’inscription ou le classement des paysages rétais pour leur beauté, leur diversité, et leur harmonie remarquable.
C’est aussi ce qui explique aujourd’hui la très riche biodiversité de l’Ile de Ré ! Quelques exemples de cette riche biodiversité : 302 espèces des 450 oiseaux communément observables en Europe ont été notées dans l’île. 890 espèces de végétaux à fleurs et graines (angiospermes) sont présentes sur les 85 km2 de terrestre, soit une espèce pour 0,1 km2 alors qu’il est admis scientifiquement qu’une bonne biodiversité végétale compte une espèce pour 3,3 km2 soit 300 espèces différentes sur 10 000 km2. 855 espèces de champignons augmentées chaque année d’une cinquantaine de nouvelles espèces, des orthoptères en grand nombre (sauterelles, criquets, grillons) là où ils ont quasi disparu dans de nombreux sites continentaux…
Et ce ne sont pas les 520 ha de vignes (40 viticulteurs) et les 70 ha de pommes de terre (2O maraîchers) de la coopérative Uniré augmentés de quelques centaines d’hectares d’exploitants indépendants qui peuvent aujourd’hui modifier cette situation. Surtout que les exploitants coopérateurs, de pommes de terre ou de vignes, sont engagés sur une trajectoire vertueuse en matière de traitements des cultures, comme le décrit Ré à la Hune dans ce numéro. Sauf augmentation forte des terres cultivées évidemment car la biodiversité des espaces cultivés est bien sûr infiniment moins riche que celle des espaces naturels de la mosaïque évoquée plus haut.
La surfréquentation destructrice, menace principale
Aujourd’hui la menace principale réside dans la surfréquentation humaine sur des milieux sableux des dunes bordières et intérieures où les piétinements humains ou équins, la circulation de 4X4, d’engins motorisés, de vélos électriques ou non, détruisent rapidement la végétation et sa faune associée. Voir le site des Évières en cours de restauration par la Communauté de Communes de l’Ile qui est un bon exemple d’appauvrissement considérable de la biodiversité. Cette surfréquentation destructrice prend une forme nouvelle, celle des activités dites de nature comme les vélos à gros pneus avec assistance électrique, les survols en aile volante et autres randonnées en hélicoptères (18 hélicoptères décollant de l’hôtel-thalassothérapie de Sainte-Marie cet automne 2019 pour un survol de l’lle), les épreuves sportives rassemblant des centaines de participants sur les sentiers et hors sentiers, constituent une menace très sérieuse. Faute de les canaliser, de les maîtriser voire de les interdire, la beauté et la biodiversité de nos espaces naturels consommés sans retenue par des hordes de plus en plus nombreuses mettra un terme à cette richesse tant enviée des continentaux et… des habitants permanents de notre chère Ile de Ré. La préemption – l’acquisition publique – d’espaces naturels n’a évidemment pas été engagée et réussie par les élus rétais pour de tels usages destructeurs de ces magnifiques espaces naturels.
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