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- Stage de voltige équestre en milieu carcéral
Le cheval catalyse un « entre-nous »
Le projet audacieux de Manu Bigarnet d’organiser un stage de voltige équestre dans l’enceinte de la prison de Saint-Martin de Ré destiné aux détenus est une « grande première » et remonte à deux ans ; il a pu voir le jour grâce à des prévisions élaborées et à des rencontres avec Yves de Cavelé, spécialiste des métiers du cheval et à Jacques Djeddi, responsable des activités sportives en milieu carcéral. Manu, installé à Loix sur un grand terrain appartenant au Conseil Général, exploite ce lieu en cohérence directe avec la nature, répondant à une charte bien défi nie et exigeante pour « cet espace naturel sensible ». Ainsi, lors de son spectacle « Tactus » sous chapiteau dans le cadre de Ré Majeur, rien n’avait été laissé au hasard : pas de voitures à proximité, lieu de passage des spectateurs strictement balisé… C’est dans cet environnement que travaille Manu, son épouse Tchika et leurs chevaux, qu’ils évoluent ensemble, qu’ils créent, qu’ils élaborent, qu’ils répètent ensemble. Il désire perpétuer le savoir-faire de cette discipline méconnue très spécifi que au cirque, en voie de disparition : la voltige équestre ; il l’a déjà fait connaître sur l’île de Ré à Sainte-Marie à une quinzaine d’enfants enthousiastes et passionnés.
Aujourd’hui, pourquoi cette démarche en milieu carcéral ?
C’est avant tout un travail de groupe, comme dans un cirque : aucun rôle, pas de scène contrairement au théâtre, tout le monde est au même niveau, « les pieds sur le sol, entouré par la piste, on ne peut pas tricher, on est soi-même ». Ainsi chaque détenu participant était dans une vraie valorisation de luimême. Manu travaille le « entre-nous », l’échange, l’acceptation de soi et donc de l’autre différemment, dans un univers fermé comme l’est une prison. Il veut faire apprendre ou réapprendre à ces hommes prisonniers de nouveaux repères, à gérer les tensions vécues au quotidien, pesantes et permanentes qu’ils vivent tous les jours, à appréhender les codes, les contacts autrement, grâce à l’animal, le cheval qui sert de trait d’union entre les hommes : « Il y a une relation de chacun avec sa monture mais plus encore, le cheval tisse et articule le lien entre les hommes. Il catalyse un “entre-nous”. C’est ce dont on se joue dans une approche à la fois très masculine avec un côté caïd, voir presque frimeur qui s’adoucit et pacifi e chacun des interprètes au contact du cheval. » Tous les participants s’étaient inscrits volontairement à cette semaine d’initiation représentant pour beaucoup la découverte et l’approche du cheval, des soins, le « corps à corps » « épaule contre épaule » et la voltige sécurisée.
Faire prendre conscience aux détenus d’une existence autre
Le vendredi après-midi eut lieu la représentation finale devant les autres détenus qui assistèrent de près ou de loin au spectacle sur le terrain de détente de la prison, suivant un schéma bien établi : approche progressive des hommes devant les chevaux dans un cercle fermé, la piste, et donc, sécurisant et rassurant. Une quinzaine d’inscrits ont tout d’abord brossé les chevaux, puis les ont touchés, caressés, peu à peu « un corps à corps » se produisit, ils semblaient apprivoiser les chevaux, ils tournaient autour, les observaient, s’apprivoisaient mutuellement dans une sorte de danse ludique ; puis le harnachement et l’un derrière l’autre, ils marchaient et courraient à coté du cheval sur la piste suivant sa vitesse, son rythme allant jusqu’au galop, sur un fond musical de Jimmy Hendrix. Peu à peu un lien et une complicité se créent entre les détenus, ils sont là pour la même cause, les visages se décrispent, ils sont ici pour « lâcher », se lâcher, se faire plaisir, reprendre confi ance en eux et obéir autrement. Pour les exercices de voltiges ils sont attachés et ceinturés donc en sécurité, assis « au dessus du cheval », leur seule préoccupation dans ces moments présents si denses et nouveaux, c’est d’obéir aux ordres de Manu qui du milieu de la piste, lance : « assis, debout, à genoux, descends… ».
C’est dans ces moments que Manu Biguarnet a atteint son but : faire prendre conscience aux détenus d’une existence autre, les menant à une réflexion en rapport direct avec le milieu carcéral, le « j’existe autrement ». Certains détenus participant activement aux exercices de voltiges ont avoué n’avoir jamais approché un cheval auparavant et surtout pendant quelques heures, se sont sentis « ailleurs » et plus du tout en prison. La scène finale du spectacle était symboliquement riche de signification : Manu fit coucher son cheval, s’allongea contre lui, entouré par les « hommes du spectacle » qui se retrouvèrent les uns à cotés des autres, couchés sur le sol, réunis et unis par ce trait d’union : le cheval, la plus belle conquête de l’homme, pouvant un jour peut-être leur faciliter une réinsertion plus aisée.
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