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Nos centenaires ont-ils encore le goût de vivre ?
Il y avait en France en 2013, 16 373 centenaires. Il devrait y en avoir, en 2050, 140 000 selon l’Ined (Institut national d’études démographiques). L’île de Ré n’échappe pas à la règle et voit le nombre de ses centenaires augmenter.
Les maisons de retraite de l’île abritent désormais de manière régulière des centenaires. Ce qui était inhabituel, il y a vingt ans est devenu courant. Les scientifiques n’ont toujours pas véritablement appréhendé les secrets de la longévité. Des travaux confirment cependant que la génétique a peu d’influence (1) alors que l’environnement semble être le facteur déterminant. L’espérance de vie en Poitou-Charentes n’est pas très différente de celle du reste de l’hexagone et atteint en moyenne 75,7 ans pour les hommes et 82,9 pour les femmes.
Des états très variables
La plupart de nos centenaires se trouvent dans les maisons de retraite, non parce qu’ils sont centenaires. Tout simplement parce que nos aînés rentrent dans ces maisons vers 94/96 ans et qu’il y vieillissent doucement. Focia Gouault, directrice de l’EHPAD à Saint-Martin, explique « la rupture avec le domicile est toujours un peu difficile, mais nous essayons de faire de notre maison un lieu de vie. Ici ce n’est pas l’hôpital. » À Saint-Martin, plusieurs « super centenaires » sont alités, que nous n’avons pas souhaité déranger. Jeanne Chastagnet, elle, est en bonne forme, mais hospitalisée à la suite d’une chute, nous n’avons pu nous entretenir avec elle. Par contre, aux Tonnelles, sympathique petite structure de La Noue, nous avons rencontré Edouard Rocard, ancien postier de Rivedoux, aussi connu dans l’île qu’un « people » et qui profite de la vie. Il est heureux d’être là : « On mange bien, on s’occupe de nous. Je ne sors pratiquement plus car j’ai du mal à marcher mais je regarde la télévision, j’écoute la radio et je joue aux cartes. » Sans enfant, il est heureux que sa nièce Christiane lui rende visite régulièrement.
Raymonde Hubert, une de ses voisines, voit bien cependant elle a du mal à entendre, ce qui l’empêche de profiter pleinement de la télévision, mais elle lit. Plus mobile, elle sort avec un accompagnement et attend les visites que ses filles lui rendent fréquemment.
Gilberte Bernard, installée à la Résidence d’Automne à Ars depuis neuf ans, a fêté ses cent ans au 1er janvier. C’est une vieille dame enjouée qui vit au milieu de ses meubles et des fleurs qu’on lui offre car les nombreux enfants dont elle s’est occupée ne l’oublient pas. Elle a travaillé toute sa vie durement : ayant perdu sa mère à 14 ans elle est partie travailler comme bonne à La Rochelle pour élever ses jeunes soeurs. Amie du couple Massé du Chat Botté, elle apprécie la bonne cuisine et quand elle sort, elle va manger une crêpe au Phare.
Nicole Cornuault, 105 ans en août dernier, a eu une vie à la fois terrible et extraordinaire. Après avoir perdu un fiancé dans une avalanche, son premier mari décède à Mers El Kébir. Elle se trouve alors sans ressources et s’en sort par le biais de la couture, puis exploitant ses études aux Arts Déco, travaillera chez un décorateur. Elle épouse en secondes noces le Contre-amiral Jean Cornuault et le suit dans la plupart de ses affectations. C’est une battante qui ne baisse jamais les bras. Toute sa vie elle a fait du sport, et pense que cela explique sa longévité. Il est clair que Nicole, désespérée d’avoir quitté sa maison et son jardin, s’ennuie un peu dans cet établissement où elle redoute de se ramollir intellectuellement et physiquement.
D’autres vivent à domicile. C’est le cas de Marguerite Magnaud qui a fêté ses cent ans en octobre dernier. Secrétaire de mairie à Rivedoux, elle a connu Théodore Porsain, premier maire de la commune, puis : Robert Vergnaud qui vogue vers ses 97 ans et vit toujours chez lui, ainsi que son fils Roland. Marguerite est toujours en forme, apprécie la vie, raconte volontiers ses souvenirs, mais ne voit plus très bien et a besoin d’aide.
Il semblerait quand même que celles qui ont toujours eu à la fois une activité intellectuelle et corporelle s’en sortent mieux que les autres. À moins que l’explication ne soit tout simplement un désir et une joie de vivre chevillés au corps. Focia Gouault souligne l’intérêt que présente ces personnes « À travers elles, les histoires qu’elles racontent et leurs souvenirs on appréhende l’histoire de l’île de Ré ». C’est exact, tâchons de nous en rendre compte avant qu’il ne soit trop tard.
(1) Cf. l’étude approfondie publiée dans la revue Plos One revue scientifique, éditée quotidiennement par la Public Library of Science et diffusée exclusivement en ligne.
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