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Cap à l’Ouest pour le jeune ostréiculteur
Originaire de Nancy, Brice Kuhnle, 28 ans, a racheté en fin d’année dernière La cabane du Grouin, succédant à Frédéric Voisin. Portrait d’un jeune homme ambitieux.
A priori, rien ne destinait Brice Kuhnle à devenir ostréiculteur, ni à s’installer sur l’île de Ré. Ce jeune Lorrain de 28 ans, ingénieur de formation, a fait le grand écart fin 2022, en rachetant l’exploitation de Frédéric Voisin, pionnier de l’ostréiculture bio sur l’île. Comment un jeune homme né à Nancy en 1994 a bien pu devenir ostréiculteur au bout du bout de la presqu’île de Loix ? Brice Kuhnle découvre l’île de Ré enfant, pendant les vacances d’été. Avec ses parents, il vient rendre visite à son grand-père, gardien à la prison de Saint-Martin-de-Ré. « C’est grâce à lui que la famille s’est implantée sur l’île », témoigne Brice, qui garde des souvenirs émus des parties de pêche à pied, des pique-niques sur la plage et des châteaux de sable à Rivedoux.
Un peu plus tard, c’est son oncle Didier Fournier, soudeur dans la région parisienne, qui vient s’installer sur l’île. Touche-à-tout, celui-ci vit de petits boulots, passant de la viticulture à la culture des pommes de terre en passant par la récolte du sel et l’ostréiculture. Jusqu’au jour où il décide de monter sa propre entreprise en rachetant en 2008 une concession ostréicole à Saint- Martin. Cela lui permet de créer son exploitation Ré Ostréa, célèbre lieu de dégustation d’huitres au Vert Clos, avec une vue à couper le souffle sur le pertuis, puis le QG de la mer. « Il a été l’un des pionniers dans la dégustation d’huîtres chez le producteur. Ça a été pendant longtemps la plus grosse cabane de dégustation de l’île », explique Brice Kuhnle.
Pays de la madeleine
Pendant ses études, Brice vient plusieurs fois faire les saisons chez son oncle, découvrant par la même occasion le monde de l’ostréiculture. Pour le Nancéien, c’est surtout un boulot alimentaire, même si le travail au grand air, dans les parcs à huîtres, n’est pas pour lui déplaire. Par ses études d’ingénieur au CESI, il se destine plutôt au management en entreprise et à la gestion de projets. Après une première expérience en alternance à Bar-sur-Aube chez LISI Aerospace, un sous-traitant d’Airbus, il travaille pour Saint-Michel, le célèbre biscuiter installé dans la Meuse à Commercy, à une cinquantaine de kilomètres de Nancy. « Saint-Michel souhaitait agrandir l’usine de madeleines, et il y avait plein de problèmes à régler. Parmi mes nombreuses missions , j ’ai dû notamment trouver une solution technique à l’invasion d’insectes et de punaises dans l’usine », explique Brice.
Pour évoluer professionnellement, le jeune diplômé estime qu’il devra quitter la Lorraine, où les opportunités d’emplois sont assez minces. Pourquoi ne pas se rapprocher de Bordeaux, où des copains de promo et son meilleur ami sont installés ? C’est finalement vers Toulouse, connue pour son dynamisme industriel, qu’il jette son dévolu. En attendant de trouver un emploi, il propose à son oncle de venir faire la saison ostréicole en 2021 sur l’île de Ré. Ce retour sur l’île de son enfance est un vrai délice, et il commence pour la première fois à s’imaginer un avenir dans l’ostréiculture. Il convient avec son oncle de prolonger l’aventure au sein de l’entreprise, avec pourquoi pas l’idée de s’associer avec lui à moyen terme.
Au bout d’un an, Brice décide finalement de voler de ses propres ailes, et de s’inscrire pour janvier 2022 à la formation « 280h »(1) du lycée de la Mer, à Bourcefranc. Cette formation, professionnalisante, offre toutes les bases pour pratiquer l’ostréiculture et pour reprendre une concession. En parallèle, il s’inscrit sur Ostrea.org, le « Le Boncoin de l’ostréiculture », afin trouver une concession à acheter. « J’ai été contacté par une femme qui avait repris l’activité ostréicole de son père à Fouras, mais qui ne se plaisait pas vraiment dans son nouveau métier », raconte Brice. Après une visite de la cabane fin 2021, Brice propose à l’ostréicultrice de travailler tout le mois de décembre avec elle, afin de mieux appréhender le potentiel de l’entreprise. Finalement, le deal n’aboutira pas. Mais à 27 ans, le jeune homme est prêt à franchir le cap et contacte un comptable pour connaitre les démarches afin de reprendre une entreprise ostréicole. « Le comptable me dit : j’ai un de mes clients qui vend sa cabane sur l’île de Ré, est-ce que ça t’intéresse que je vous mette en contact… ? ». Ni une, ni deux, Brice prend rendezvous avec Frédéric Voisin, propriétaire de la Cabane du Grouin qui vend son affaire pour partir à la retraite. Brice s’enthousiasme pour le lieu, au bout du bout de la presqu’île de Loix et pour l’état de la cabane et des bassins, bichonnés par Frédéric Voisin pendant une vingtaine d’années. D’ailleurs, ne fut-il pas le premier ostréiculteur de l’Hexagone à obtenir le label bio pour ses huîtres ? Quant à la partie « dégustation », sa terrasse au bord des bassins offre une vue imprenable sur les marais de Loix, avec la mer en arrière-plan et le fort du Grouin. Un coup de foudre, et un prix abordable pour reprendre la cabane, les 2 hectares de parcs en mer(2) et les sept hectares de bassins à terre, dont six appartenant un Conservatoire du Littoral.
Visites guidées
Pour assurer une passation sereine, les deux hommes conviennent de travailler ensemble jusqu’à la finalisation de la transaction, prévue le 30 août dernier. L’opération aura finalement lieu fin septembre, jour où Brice Kuhnle devient officiellement patron de la Cabane du Grouin. « Le calife à la place du calife », rigole-t-il. Comme son prédécesseur, il mise avant tout sur la qualité : pas plus de 200 grammes d’huîtres au mètre carré (production totale d’une quinzaine de tonnes), contre un kilo/m2 pour beaucoup de producteurs. Elevées pendant quatre ans, ses huîtres, issues de naissain capté en pleine mer, ont le temps et l’espace pour offrir aux amateurs une chair délicate. « C’est ce que j’aime dans les huîtres, ce côté à la fois charnu et iodé », confie Brice Kuhnle. A en croire ses premiers clients de cette fin d’année 2022, le pari est en passe d’être réussi. Le jeune ostréiculteur veut désormais développer son site internet (expédition par Chronopost) et attend avec impatience le début de la saison estivale, afin de développer la partie « dégustation ». Brice envisage d’ici là de proposer les vendredis et samedis une visite guidée de son exploitation avec dégustation d’huîtres (et de crevettes impériales), histoire de partager avec le public son bonheur d’avoir mis un jour le cap à l’Ouest, sur cette presqu’ile du bout de l’Hexagone…
(1) Capacité professionnelle en cultures marines permettant d’accéder au Domaine Public Maritime à des fins de productions marines.
(2) Dans la fosse de Loix, au banc du Bûcheron, à Saint-Martin et Sainte-Marie.
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