Biocoop : l’alternative
L’ouverture d’un magasin Biocoop à Saint-Martin* a fait rapidement le tour des adeptes soucieux de la qualité de leur alimentation mais aussi de l’environnement. Rencontre avec ses trois fondateurs.
Entre trente et quarante ans, ils font partie de cette génération très consciente des problématiques environnementales, mais aussi soucieuse de qualité et de relations humaines. Clément Chatin, Geoffroy Mincent et Nicolas Nebout se connaissent depuis des années. Leur projet, ils l’ont construit avec les mêmes valeurs et la volonté de participer à la gestion du bien commun de l’Ile de Ré.
Trois garçons dans le vent… du changement
Revenu sur l’île en 2016, Geoffroy retrouve Clément, tous deux étant membres de l’équipe de la SNSM-Ile de Ré. De son côté, Clément a déjà initié l’antenne rétaise de La Ruche qui dit oui, mettant en direct consommateurs et producteurs locaux. « Une bonne approche pour une étude de marché », explique-t-il. Passion du maraîchage en permaculture, envie de créer un magasin bio… Ils se retrouvent sur bien des points. Et pour eux, les grandes surfaces traditionnelles ne répondent pas aux enjeux.
C’est alors que Geoffroy retrouve aussi Nicolas. Ils se connaissent depuis quinze ans. Riche d’une belle expérience dans les achats, Nicolas a participé à de nombreux projets et a envie d’entreprendre. Il connaît bien Biocoop et pour ce Rétais de coeur, l’île est un choix d’évidence.
Voilà le trio réuni. L’histoire commence mais il faudra près de deux ans avant sa réalisation.
Un parcours rigoureux
Pour leur projet d’entreprise, les trois partenaires choisissent l’enseigne pour eux la plus militante et la plus engagée. Mais pour prétendre à Biocoop, il faut en passer par plusieurs étapes.
Tout commence par l’acceptation du dossier de candidature et une première commission servant à évaluer profils et motivations des candidats. Cette barrière franchie, c’est le temps d’un stage en magasins, trois mois pour Clément et quatre pour Geoffroy et Nicolas. Ils y découvrent l’univers Biocoop, la philosophie, les valeurs et les engagements de l’enseigne.
C’est tout ? Pas du tout ! Ce stage est suivi d’une formation obligatoire de sept mois, payante, non rémunérée et assez chronophage en temps. Droit, gestion, RH, finances, caractéristiques des magasins bio etc. En sept modules, tout est abordé.
A l’issue du parcours, les trois associés se retrouvent enfin devant la seconde commission d’admission. A ce stade, le projet doit être quasiment bouclé et faire état de propositions de financement, d’un projet de bail et d’un prévisionnel. C’est l’heure de la validation. Puristes, les trois partenaires ont été jusqu’à choisir pour leur financement l’ANEF, première banque solidaire de France.
Un modèle différent
Le modèle Biocoop, c’est celui d’une économie solidaire d’utilité sociale. Sous-tendu par une idée de fond dont un magasin est la vitrine, ce n’est pas l’économie qui crée le projet en fonction de la rentabilité mais plutôt le projet qui crée l’économie. Celle-ci étant vertueuse et servie par des commerçants engagés et exemplaires.
Si Biocoop propose à ses commerçants une plate-forme régionale d’achat, garante de la qualité et de la sécurité des produits, l’enseigne les incite aussi fortement à utiliser les producteurs locaux. Voilà qui répond à la volonté des trois associés pour qui ce volet est très important, Clément ayant déjà, via La Ruche qui dit oui, initié la démarche.
Quel type de magasin ?
Le commerce Biocoop privilégie la relation entre commerçants et consommateurs. Ambassadeur d’une manière différente de voir les choses, le commerçant explique ses choix et répond aux interrogations. A noter également, l’importance donnée aux produits en vrac.
Chez Clément, Geoffroy et Nicolas, la moitié du magasin y sera consacré. On y trouvera tout ce qui est possible et il n’y aura pas de doublons entre vrac et épicerie traditionnelle. Présence également d’un service arrière à la coupe et d’un bar dégustation. Produits frais, qualité, relations humaines sont la signature d’un magasin construit autour d’un espace de vie.
Le service ? Il y aura toujours a minima deux à trois personnes pour accueillir les clients. Une équipe polyvalente dont la moyenne d’âge est autour de 45 ans. Ajoutons enfin que le magasin sera ouvert à l’année.
La question du prix
Un prix plus élevé est le reproche traditionnel fait au Bio. Or ces dernières années, il a connu une progression fulgurante, répondant à la demande croissante des consommateurs. A tel point que finissent par paraître suspects tous ces produits verts fleurissant sur les étalages et dont les prix semblent parfois, pour le coup, très bas.
Vrai bio, moins bio… Sans rentrer dans ce débat complexe (et au demeurant passionnant), Geoffroy nous explique les fondamentaux d’un prix composé de plusieurs coûts, celui de la production mais aussi de l’environnement, le coût humain, social et celui de la santé publique. Tous les maillons d’une chaîne de valeur aux multiples enjeux : responsable, durable, équitable. Peut-on la respecter en-dessous d’un certain prix ?
Le recours à la production locale (qui sera limité pour les trois associés à 150 kms) est l’un des paramètres vertueux, celle-ci devant par ailleurs répondre au cahier des charges très exigeant de l’enseigne Biocoop qui fixe par exemple un prix maximum autorisé plafonnant les marges.
Il ressort de notre échange une chose certaine : le consommateur est un acteur incontournable d’un monde différent.
Les trois associés et amis ouvriront leur magasin le 18 juin prochain. Pour l’heure, ils sont en plein travaux d’aménagement, ceux-ci ayant été retardés par la crise sanitaire. Une crise qui a justement bouleversé notablement les habitudes de consommation.
Biocoop, c’est déjà le monde « d’après » conçu pourtant, il y a fort longtemps.
*17 avenue Charles de Gaulle, à la place de l’ancien laboratoire d’analyses.
Le Bio, LA Bio, quelle différence ?
Biocoop parle de La Bio quand d’autres évoquent Le Bio. Pour le citoyen lambda, il y a de quoi y perdre son latin. Pour faire simple, disons que Le Bio est un mode de production encadré par un règlement européen excluant notamment produits de synthèse et pesticides, et marqué du fameux sigle AB. Née dans les années 1960 alors qu’émerge le modèle d’agriculture industrielle et tout ce qu’il implique. La bio cultive une approche systémique et non seulement réglementaire. C’est un projet global et sociétal, une vision du monde. Son histoire est celle d’une résistance de quelquesuns, vivant en marge du modèle dominant. Une utopie politique qui, à y bien regarder, entre à petits pas dans la réalité. Pour aller plus loin, un livre : « Les dessous de l’alimentation bio » aux éditions La Mer Salée.
PLR
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