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Bientôt un projet agricole en symbiose avec le projet environnemental de l’île ?
Dans le cadre du territoire de contractualisation régionale et en vue de mutualiser réflexions et actions, la CdC de l’île de Ré participe à l’élaboration d’un Plan Alimentaire Territorial, en lien avec les collectivités Aunis Sud, Aunis Atlantique et La Rochelle Agglo
Lundi 14 juin, Lionel Quillet, président de la CdC , accompagné de Patrick Rayton, 1er VP de la CdC et Maire de La Couarde, a présenté la démarche aux médias et à plusieurs producteurs locaux*, sur le site de production de tomates de Laurent Benuzzi, « Les Rondes de Ré », labellisé « + de 17 dans nos assiettes » (label départemental). Exemple d’un maraîchage très proche de zones urbanisées et rencontrant des difficultés d’expansion.
« Ancien restaurateur à Ars, Mr Benuzzi a remis en culture des friches, non loin des habitations du centre-bourg, c’est très bien. Mais nous avons des difficultés à régler les sujets d’urbanisme : si les tunnels – démontables – sont autorisés en zone AP dans le PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal), les serres ne le sont pas. Ce qui fait que durant toute une période de l’année nous n’avons pas de production locale de légumes, en particulier. Et nous avons à gérer certains administrés qui se plaignent de l’esthétique. » a expliqué Patrick Rayton, poursuivant : « toutes les terres ne sont pas adaptées au maraîchage, il faut étudier la qualité des sols ».
« En 2022 il faudra cibler sur une carte les zones où le maraîchage peut se positionner, et élaborer une carte CIGALE 2, ainsi que la révision du PLUi. Il y a trois enjeux pour le développement agricole : trouver du foncier – nous avons des terres en réserve, du fait de la préemption que permet l’écotaxe, nous risquons plutôt de manquer de bras -, de l’eau pour le maraîchage, et pouvoir installer des serres, ce qui est très difficile en environnement protégé » a renchéri Lionel Quillet.
Un projet très encadré
Un Plan Alimentaire Territorial vise à relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires en soutenant l’installation d’agriculteurs, les circuits courts et les produits locaux en restauration collective. Son élaboration s’inscrit dans le cadre de la Loi Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt de 2014 , mais aussi dans celui du Plan National pour l’Alimentation 2019-2023 et de la Loi Egalim pour la restauration collective, sans oublier l’article L1 du code rural qui prône un PAT visant à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs, et à développer l’agriculture sur les territoires et la qualité de l’alimentation.
La Région Nouvelle-Aquitaine a précisé dans sa feuille de route de grands objectifs ; créer de la valeur au bénéfice des agriculteurs, développer les approvisionnements en produits locaux de qualité, relocaliser l’économie alimentaire.
Sur l’île de Ré, ce PAT s’inscrit dans le cadre du Projet d’Aménagement et de Développement Durable, dont l’un des objectifs est la préservation et le développement des espaces agricoles, ainsi que des activités primaires durables et diversifiées. Il devra aussi s’intégrer dans le Schéma de Développement Durable, en cours d’élaboration, souhaitant allier qualité environnementale des activités humaines, efficacité économique et équité sociale.
L’île de Ré, un territoire agricole à renforcer & valoriser
30 % du territoire rétais sont dédiés à l’exploitation agricole avec 1755 hectares de surfaces agricoles terrestres exploitées par 80 exploitants et 200 employés. La vigne représente 620 ha, la pomme de terre 310 ha et le maraîchage 60 ha avec une vingtaine d’exploitants à 90% du sud du territoire. Entre terre et mer, 800 ha de marais sont exploités, 450 ha pour la saliculture (+78% par rapport à 1995) avec 1800 bassins exploités sur 2400, par 105 exploitants, coopérateurs (70) ou indépendants (35), 200 ha pour l’ostréiculture et 150 ha pour l’aquaculture (70 exploitants).
Dans le cadre de la répartition des terres établie par le Comité intercommunal de gestion de l’agriculture et de l’environnement (CIGALE), la CdC annonce la mise en exploitation de 478 ha supplémentaires, qui permettront de se rapprocher du niveau d’exploitation agricole de 1979. Par ailleurs, se profile le projet d’irrigation de 90 ha de parcelles agricoles à Sainte-Marie, avec la réutilisation des eaux usées traitées de la station d’épuration de La Flotte.
La CdC & Destination île de Ré ont mis en place en 2016 une Charte Saveurs en Ré regroupant huit producteurs du terroir local, visant à préserver les productions et les savoir-faire traditionnels et les fédérer autour d’actions de promotion, notamment hors île de Ré. La forte fréquentation de l’île de Ré offre des débouchés de proximité aux exploitants : ainsi 70 % des ostréiculteurs font de la vente directe à l’établissement et/ou sur les marchés et 31 % des agriculteurs. Le magasin de la Ferme des producteurs RéUnis au Bois-Plage propose pour moitié des produits rétais, l’autre moitié venant d’un rayon continental proche pour les productions inexistantes sur l’île (viande, charcuterie, produits laitiers, etc.). Il aurait aussi besoin de s’agrandir, comme l’a précisé Mathilde Fumeron, co-gérante.
Des objectifs multiples, cohérents avec l’île de Ré
A la fois environnementaux, économiques et sociaux, les objectifs du PAT sont cohérents avec le projet de territoire.
Au plan environnemental, il s’agit de développer la consommation de produits locaux, de qualité, d’accroître les cultures existantes dans le respect des enjeux environnementaux et paysagers, de contribuer à préserver les ressources, la biodiversité et les paysages et lutter contre le gaspillage alimentaire. En matière économique, le souhait est de structurer et consolider les filières afin de rapprocher l’offre et la demande, privilégier les circuits courts, engager une réflexion sur la restauration collective locale… tandis qu’au niveau social il s’agit de promouvoir l’éducation alimentaire et sensibiliser les jeunes aux métiers des activités de la terre et de la mer.
Lionel Quillet a rappelé que l’ancien bâtiment Fettig, situé derrière le cimetière de Saint-Martin, sera mis à la disposition des producteurs rétais souhaitant commercialiser leurs produits en circuit court, dans une démarché mutualisée. Les modalités pratiques restent à déterminer, afin que ce projet soit complémentaire de la ferme des Producteurs RéUnis (au Bois-Plage) et de la Biocoop l’île au Bio (à Saint-Martin et incessamment à Ars-en-Ré), et non concurrentiel.
Mise en place du PAT
Si le projet inclue une gouvernance supra-territoriale avec l’ensemble des intercommunalités concernées, afin d’orienter la globalité du projet et définir des actions transversales, une gouvernance locale sera également mise en place pour piloter le projet sur l’île de Ré.
Louis Merlin (saunier) et Jean-Baptiste Lacombe (Le Potager du Roi) ont, à cet égard rappelé la grande utopie d’une autosuffisance alimentaire sur l’île de Ré : une étude du Réseau Agricole des Îles Atlantiques a estimé il y a quelques années à 2 ou 3 % l’actuel taux d’autosuffisance alimentaire de l’île de Ré, suggérant de viser 30 % (eu égard à la population permanente, soit 8 % si on raisonne par rapport à la population estivale). D’où la nécessité de travailler en complémentarité avec les territoires continentaux voisins.
Lionel Quillet souhaite que le PAT soit le fruit d’une démarche concertée avec les acteurs rétais – Comité consultatif citoyen dans le cadre du Schéma de développement durable, ateliers de travail, Assises Agricoles (reportées au second semestre 2021) – mais aussi les institutions : Région, Département, Chambre d’Agriculture, Réseau Agricole des Îles Atlantiques, associations de producteurs et coopératives, distributeurs et commerçants, organismes en charge de la restauration collective, acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire et consommateurs.
Ainsi un diagnostic a été réalisé par la Chambre d’Agriculture et remis aux quatre collectivités concernées. La Convention partenariale officialisant leur collaboration sera signée en juillet 2021. Au début de l’automne 2021, un animateur du PAT va être recruté à la CdC de Ré, les axes de travail seront affinés et validés, des études spécifiques lancées selon les besoins et un groupe de travail sur la restauration collective à l’échelle de l’île de Ré mis en place.
La recherche de cofinancements se fera auprès des nombreux dispositifs existants : fonds européens, Contrat de Relance et de Transition Ecologique, appels à projets du Plan National Alimentaire, aides de la Région Nouvelle-Aquitaine et l’ADEME (qui soutient les PAT ayant un fort volet environnemental).
Des producteurs souhaitant participer activement
Jean-Baptiste Lacombe (Le Potager du Roi) s’est félicité de la perspective de ce PAT qui devrait faire bouger les choses, en précisant : « Au-delà du PAT, dans l’esprit du projet agricole de l’île de Ré, il faudrait s’intéresser de près à tous les enjeux, à commencer par la question du foncier, qui est le premier d’entre eux, avec la spéculation qui continue. Dans le concret, c’est assez difficile de se développer, nous avons beaucoup échangé entre maraîchers. Il faut que le PLUi offre les opportunités nécessaires. Par ailleurs, il ne faut pas aborder l’aspect agricole sans son enjeu environnemental. L’île de Ré est à 100 % à enjeu environnemental. La démarche Bio sera-t-elle privilégiée ? Le projet agricole de l’île doit être en symbiose avec son projet environnemental, or parfois ils s’opposent, ils ne sont pas toujours compatibles. Il n’existe pas de coopérative de maraîchage, peut-être cela se fera. »
Francis Vion (Maraîcher à Loix) a estimé que les choses avaient « énormément évolué depuis 25 ans, on est à notre écoute, on peut faire certaines choses impossibles avant ». Saunier indépendant, Louis Merlin a rappelé les avancées, comme par exemple la confusion sexuelle des vignes, un vrai succès, regrettant toutefois une agriculture encore « clivée » et rappelant le travail resté parfois lettre morte du GDAD (Groupement pour le développement d’une agriculture durable) ayant, par exemple, poussé pour que soit décrétée une alimentation locale dans les crèches…
Albane Perrin (Estancia Bel Air), qui cultive 5 ha de plantes aromatiques à la pointe du Grouin et commercialise aussi des produits transformés, estime qu’ « outre le foncier, l’irrigation et le stockage, le matériel agricole est un vrai sujet. »
« On est dans une vision à 30 ans, on attend aussi qu’une génération s’en aille pour récupérer des terres. La SCI Sagiterres de la coopérative Uniré achète beaucoup, preuve qu’il y a du foncier. La vraie difficulté clé est de trouver la juste répartition entre les activités agricoles : maraîchage, vignes, pomme de terre, sachant que le maraîchage est celle qui a le plus besoin de se développer. Ce sera l’objet du CIGALE 2 », a conclu Lionel Quillet.
« Le PAT est une coquille, on y met ce que l’on veut dedans » ont tenu à préciser les producteurs présents, ravis de cette perspective du PAT, tout en restant vigilants sur la démarche qui va démarrer. Il est vrai que l’île de Ré a la chance d’avoir des maraîchers et professionnels de la terre et de la mer d’une grande richesse de réflexion, souvent forts d’un parcours varié, dotés de nombreuses compétences. Le PAT aura d’autant plus de chance de répondre in fine aux principaux objectifs poursuivis, qu’il les associera étroitement à la démarche.
*Etaient présents, outre Laurent Benuzzi (Les Rondes de Ré, La Couarde), Jean-Baptiste Lacombe (Le Potager du Roi au Bois-Plage), Mathilde Fumeron et Céline Landret (La Ferme des Producteurs Réunis au Bois-Plage), Francis Vion (maraîcher à Loix), Louis Merlin (saunier indépendant à Ars), Albane Perrin (plantes aromatiques Estancia Bel Air, à Loix) et Sylvain Caterino (maraîcher à La Couarde).
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