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Bernard Perrain, l’ostréiculteur chef d’orchestre
Depuis 2012, Bernard Perrain dirige l’Harmonie Municipale de La Flotte. Un engagement qu’il assume avec passion en parallèle d’un métier qu’il affectionne tout autant, l’ostréiculture.
« J’ai peu de temps pour travailler la trompette », nous explique Bernard Perrain ce matin-là devant sa cabane d’ostréiculteur, au cœur des marais de La Couarde. « Pourtant, je me dois d’être tout autant exigeant avec moi-même que je le suis avec les musiciens de l’Harmonie ! Alors j’emmène parfois mon instrument au travail et je m’entraîne ici, au milieu des marais. C’est un plaisir immense de pouvoir jouer en pleine nature. »
Ostréiculteur la journée, musicien ou chef d’orchestre le soir. C’est ainsi que l’on pourrait résumer la vie de Bernard Perrain, qui est également engagé comme trompettiste au sein d’Harmony’s Swing. De telle sorte que cet homme passionné ne prend pas un seul jour de congé dans la semaine, et que très rarement des vacances. Tout comme sa femme, Véronique, qui travaille avec lui et est également membre de l’Harmonie. « Sans elle, je ne serais pas grand-chose », tient-il à ajouter timidement.
En cette fin novembre, l’activité au marais est intense. Il faut préparer les huîtres pour la période des fêtes. « On les ramène de nos parcs en pleine mer du Martray, on les trie et on les met à l’affinage dans les marais. Le tri se fait à la main, une par une. C’est une production artisanale qui surprend la plupart de nos collègues, » s’amuse l’ostréiculteur. Côté Harmonie municipale, c’est un peu la même chose : les répétitions s’intensifient. « La période des vœux approche ! Nous nous sommes engagés auprès de nombreuses collectivités, comme la Communauté de Communes. » C’est aussi l’heure des dernières répétitions pour le grand concert « Harmonie Classique » prévu le 30 novembre*. Bernard y dirige cinquante musiciens sur un répertoire classique allant du 17e au 19e siècle.
Le classique dans la peau
Hormis son temps, son engagement et ses qualités de directeur, c’est aussi cela qu’a amené Bernard Perrain à l’Harmonie municipale au fil de ces douze dernières années : un répertoire différent, plus exigeant et engageant, le classique. « L’idée c’était de se démarquer. Historiquement l’Harmonie de La Flotte est bien ancrée, mais il y a beaucoup d’harmonies et d’orchestres sur l’île, alors c’est bien de ne pas tous tomber dans le même registre. Pour intéresser les gens il faut des projets et une identité. J’ai des goûts musicaux très larges, mais j’avoue que j’ai une vraie affection pour le classique. Et au sein de l’Harmonie c’est acquis. Les récalcitrants du début s’y intéressent sincèrement aujourd’hui et prennent du plaisir à jouer cette musique. »
La musique fait partie de sa vie depuis son plus jeune âge. Il la découvre à l’âge de six ans, auprès de la même professeure de piano que ses frères. « Je n’étais pas fait pour ça », dit-il en souriant. « Mes parents m’ont alors envoyé à l‘Harmonie de La Flotte et c’est Robert Arnault qui m’a appris les rudiments de la trompette. A l’époque, l’École de musique de l’île de Ré n’existait pas. Du coup, à l’âge de 9 ans, je faisais mon premier concert avec l’Harmonie. Ça fait donc cinquante ans cette année que j’en fais partie ! » À l’adolescence, il étudie trois années au Conservatoire de La Rochelle pour se perfectionner. Par la suite, il apprend également le trombone pour les besoins de l’Harmonie, sur demande du directeur de l’époque. « Je suis quelqu’un d’assez souple et ouvert à tout », s’amuse-t-il, « et j’ai fait une formation à l’école de musique pour m’y former. » De la même manière, il se met à la direction pour le bien collectif. En 2007, il prend en effet la tête de l’Harmonie municipale de La Couarde afin d’éviter qu’elle ne se meure. Une fonction qu’il occupe jusqu’en 2017, tout en assurant la direction de l’Harmonie de La Flotte dès 2012.
Besoin de partage et de rencontres
« La direction n’était pas dans mon tempérament », reconnaît-il. « Je suis quelqu’un de plutôt réservé. Je n’aime pas me mettre en avant. Mais la vie a fait que j’y suis aujourd’hui. C’était pour rendre service au départ c’est vrai, mais au final c’est très intéressant et je suis très heureux de le faire. Ce sont des rapports humains forts, très enrichissants. J’aime transmettre et partager. Une harmonie c’est magique, toutes ces personnalités, ces richesses, ces couleurs qui s’accordent dans un même élan. »
Le partage et la rencontre, c’est aussi ce qui le passionne dans le métier d’ostréiculteur, débuté en 2001, après avoir géré pendant vingt ans avec son frère et sa femme le magasin d’électroménager de La Flotte, hérité de ses parents. « L’ostréiculture était une évidence. En ayant grandi ici, j’avais un lien très fort avec le milieu maritime. J’avais envie d’apprendre à le connaître encore mieux. En 2004, après une formation professionnelle, j’ai repris avec Véronique une exploitation qu’on a façonnée peu à peu à notre image. On s’occupe de nos huîtres de A à Z, des captages naturels en pleine mer jusqu’à l’affinage, car on a cette volonté de savoir ce qu’on vend. On ne fait pas non plus de triploïdes car, pour nous, laisser les huîtres se reproduire, c’est aussi enrichir le milieu car la laitance nourrit toute la chaîne alimentaire. On a envie d’être neutre dans notre production. ». Une production engagée, qui se fait à taille humaine. Au total, Bernard et Véronique produisent treize petites tonnes d’huîtres à l’année, et tout est vendu en direct au consommateur.
« En étant ostréiculteur, j’ai beaucoup plus de reconnaissance que quand j’étais vendeur en électroménager. Les clients s’intéressent à notre métier, à notre façon de travailler. On discute beaucoup. Ce qui n’était pas du tout le cas avant. C’est comme ce qu’il se passe au sein de l’Harmonie, il y a une richesse de rencontres et une vraie envie de partage. »
*Lire notre article paru dans Ré à la Hune 290
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