« Le plus beau mandat est celui de Maire, c’est celui de la proximité et du terrain »
Pavé dans la mare, l’enquête de novembre 2018 intitulée « Les maires de France : entre résignation et incertitude » réalisée dans le cadre de l’Observatoire de la démocratie de proximité par l’Association des Maires de France et le CEVIPO/SciencesPo confirme le malaise de « la France des territoires locaux ». Ré à la Hune revient synthétiquement sur les principaux enseignements de cette enquête, avant de recueillir les réactions de Lionel Quillet, maire d’une petite commune, et président de la Communauté de Communes de l’île de Ré.
Un an et demi avant les prochaines élections municipales, les Maires sont 49 % à vouloir « abandonner tout mandat électif ». Plus les communes sont petites, plus ce taux augmente (55 % pour les Maires des communes de moins de 500 habitants, 28 % entre 5 et 10 000 habitants, 9 % pour les communes de plus de 30 000 habitants).
Pourquoi près de la moitié des maires actuels ne se représenteront pas ?
Au-delà du trop lourd tribut payé au niveau de leur vie personnelle et familiale, près d’un tiers des maires invoquent des raisons fonctionnelles, telles le manque de moyens financiers voire humains, et plus alarmant encore, 36 % des maires expliquent avoir de plus en plus de difficultés à satisfaire les demandes de leurs administrés. Le rapport explique : « L’individualisation du rapport politique observée au plan national touche désormais les collectivités locales de telle sorte que l’exigence aigüe des citoyens se transforme en relation consumériste vis-à-vis du maire ».
Autre sujet d’inquiétude des maires, la réduction continue de leur marge de manoeuvre concomitante au transfert de plus en plus de compétences vers les intercommunalités, qui laisse les maires « dans un rôle de figurant sans pouvoir ».
Toutefois, les tensions actuelles entre l’exécutif national et les collectivités territoriales constituent une source majeure de frustration des maires. « La réorganisation des services déconcentrés de l’Etat est vécue de manière négative par 68 % des maires… les effets de la loi NOTRe sont encore jugés plus sévèrement par les maires puisque 75 % d’entre eux (chiffre constant quelle que soit la strate de la population) considèrent qu’elle a eu des effets négatifs sur leur mandat » explicite le rapport.
La compression des finances locales consécutive à la diminution constatée depuis plusieurs années des transferts financiers de l’Etat vers les communes n’est pas étrangère à cette baisse de vocations, les maires y remédiant soit en reportant des investissements (46%), soit en diminuant les services publics rendus (17%), soit enfin en augmentant la fiscalité locale (13%).
Tout ceci conduit au paradoxe d’une « République décentralisée des territoires en panne alors que les maires restent les représentants politiques bénéficiant du niveau de confiance le plus élevé de la part des Français ».
Nathalie Vauchez
Réactions de Lionel Quillet, maire de Loix et président de la CdC de l’île de Ré
« Je suis élu depuis 1995 à Loix, cela fera 25 ans en 2020. Ce non-renouvellement de candidatures de la part des maires est plus important qu’auparavant et il faut aussi prendre en compte les environ mille démissions de maires (sur 35 600 maires) qui ont eu lieu en cours de mandat, celles de leurs adjoints et de conseillers municipaux. J’y vois trois raisons principales.
La première d’entre elles a trait au manque de respect désormais des citoyens qui se placent dans une relation « consumériste » avec des demandes de plus en plus individualistes, ne hiérarchisent pas les problèmes, voire deviennent très agressifs. Tout est payant, le dernier service gratuit est celui de la République, il ne faut pas l’oublier.
La complexité des sujets, pour lesquels les maires, d’abord élus en fonction de leur popularité, n’ont pas forcément toutes les compétences constitue une seconde raison. Tout se complexifie, la loi, les règlements, les relations entre les collectivités locales, les collectivités territoriales et l’Etat. De bénévolat le mandat devient un vrai métier… Or on a moins de 10% de chefs d’Entreprise à la tête des communes, on y retrouve beaucoup plus des salariés, personnes de la fonction publique et retraités. On le comprend, c’est quasi-suicidaire pour un chef d’entreprise de postuler au mandat de maire. Plus la commune est petite, plus c’est compliqué à gérer, car les services ne sont pas assez denses. La responsabilité juridique et pénale des maires est lourde, dans un cadre complexifié, avec plus de recours et contentieux et de mise en cause des élus, qui servent de fusibles.
Enfin la frustration des élus devant la longueur des procédures, même pour réaliser des choses simples, explique ces résultats. Un mandat ne suffit plus pour des réalisations, l’échelle temps s’est allongée, impactant le moral des maires.
On a parfois entendu dire qu’il y avait des économies à faire au niveau des territoires. Il faut savoir que les collectivités locales ne comptent que pour 10% du financement de la France et que les mairies restent sur des budgets équilibrés, à la différence de l’Etat. Les maires et les adjoints ne sont pas beaucoup indemnisés, les conseillers municipaux sont bénévoles. La décentralisation n’a pas été menée à son terme, le mille-feuille administratif demeure et on n’a rien supprimé devant la demande de services publics en France. Les économies ne sont pas à chercher du côté des élus de proximité, je suis un adepte forcené de la décentralisation, la France souffre de la centralisation des décisions au niveau de l’Etat, d’une élite politique et technocrate. Et du manque de confiance portée aux élus locaux.
Cette crise de vocation des élus locaux se retrouve aussi auprès des élus départementaux, des députés et des sénateurs même.
Concernant les relations entre communes et intercommunalités, les relations sur beaucoup de territoires sont compliquées, les présidents de CdC ou CdA ne sont pas élus au suffrage universel, leur autorité dépend des maires et délégués communautaires ce qui explique que les intercommunalités ont souvent beaucoup de mal à fonctionner.
Dans ce paysage français, l’île de Ré est atypique, avec une intercommunalité de dix communes seulement, et une entente des élus qui sont soudés, sur l’essentiel des sujets, votés à l’unanimité. Un président de Communauté de Communes sur l’île, qui gère un budget de 60 millions d’euros, une équipe de cent personnes et assume les responsabilités des projets, juridiques, pénales, financières… est indemnisé à hauteur de 1553 euros par mois…
Nous avons en quelques années pris les compétences gestion de déchets, pistes cyclables, crèches-petite enfance, PEL, logement, SCOT/PLUI, patrimoine, culture, instruction de l’urbanisme, environnement, tourisme, Gemapi et la nouvelle répartition de l’écotaxe, pour laquelle la CdC ne touchait à l’origine que la 11ème part, résulte d’un choix politique fondamental. En matière sportive, la CdC intervient sur l’investissement, les communes sur le fonctionnement des équipements. Vont encore arriver de par la loi les compétences eau et assainissement qui vont de facto ouvrir des discussions sur la voirie. La CdC s’interroge sur la compétence adolescence et sur la signature des permis de construire, qui relève actuellement de chaque maire, sur la base de dossiers instruits par la CdC.
Cette cohérence de fonctionnement de la CdC s’explique aussi parce que, contrairement à ce que l’on peut entendre, si je suis autoritaire dans la prise de décision politique, je suis très souple dans son application. Je donne un cap clair, mais suis beaucoup plus négociateur qu’on ne le croit.
Lors de la cérémonie des voeux de la CdC le 17 janvier au Bois-Plage, je donnerai ma vision à long terme de l’île de Ré, j’appelle les Rétais à venir nombreux ! »
Propos recueillis par Nathalie Vauchez
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