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Au camping 4 étoiles, les insectes sont les bienvenus
L’hôtel de plein-air du Phare, situé aux Portes-en-Ré, joue à fond la carte de la biodiversité. Un positionnement marketing pleinement assumé, qui profite aussi à la nature. Reportage.
De l’extérieur, l’hôtel de plein-air Le Phare ressemble à beaucoup de campings : un mur de clôture blanc, un grand portail et un chemin d’accès bitumé. A l’entrée, un bâtiment d’accueil, un restaurant et une piscine dans le prolongement. Classique. Il faut s’enfoncer un peu plus loin dans les 7 hectares du camping, situé route du Fier à la sortie des Portes-en-Ré, pour comprendre la révolution en cours. Ici, toute la partie paysagère a été imaginée pour laisser le plus de place à la biodiversité. « Même si nous sommes sur un lieu touristique, nous ne voulons pas couper ce lieu de l’espace naturel d’exception qui l’entoure. Il n’y a qu’à regarder autour, c’est juste fabuleux », s’enthousiasme François Flies, jardinier-paysagiste du camping. Situé en bordure de marais, à quelques encablures de la réserve naturelle de Lilleau des Niges, le camping Le Phare est proche aussi des plages de La Loge et de la Redoute. Labellisé refuge de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), le site accueille régulièrement, au milieu des touristes, de nombreuses espèces d’oiseaux : rouges-gorges, mésanges bleues, charbonnières et à longue queue, roitelet triple-bandeau, râle d’eau, buses variables… « Nous avons même eu un couple de Moyens- Ducs avec trois petits en mai dernier », confie François Flies.
A l’origine, le camping du Phare, anciennement La Providence, était un camping assez classique, accueillant campeurs et mobil-homes sur ses parcelles arborées. Quand il est racheté en 2016, puis intégré récemment au groupe Collection Rivages, le Phare se positionne sur le créneau « environnement », qui attire une clientèle familiale à hauts revenus, notamment du nord de l’Europe. « On a presque autant d’habitants que dans le village des Portes. Notre volonté a donc été de s’intégrer dans le site plutôt que de s’imposer », explique Sébastien Delbreil, directeur du Phare.
Une forêt comestible
La visite débute par le parking, traité en mélange « terre-pierre » pour le rendre perméable à l’eau de pluie. Une petite noue, creusée sur toute la longueur et plantée de roseaux, permet de recueillir les eaux de ruissellement et de les conduire jusqu’au réseau pluvial. Cet espace est un concentré de pratiques inspirées de la permaculture et de l’agroforesterie. Sur cette frange du camping, en bordure de marais, François Flies a totalement redonné vie au sol, initialement très pauvre, grâce à un paillage réalisé à partir des déchets verts du camping : depuis quelques mois, un humus s’est formé, offrant un terrain favorable à la vie souterraine. « C’était un no man’s land inutilisé. J’ai pensé que c’était l’endroit idéal pour créer une forêt comestible, car il y a cette haie vive qui l’abrite des vents d’ouest ». C’est donc ici qu’il a planté avec ses équipes un verger, composé de poiriers, abricotiers, nashi, amandiers, pruniers, cognassiers et autres figuiers. Au milieu des différents arbres fruitiers, le jardinier cultive des framboises, des cassis, des baies de goji, des akebias, des baies de mai, des myrtilles, ainsi que plusieurs herbes aromatiques comme la menthe, la sauge, l’oseille, le romarin…Pour séparer cette forêt comestible du parking, il a construit avec ses équipes une haie sèche aussi ingénieuse qu’esthétique, qui permet de venir stocker une grande partie des branches récupérées sur le site lors des opérations de taille et d’élagage. « C’est un hôtel à insectes complètement naturel. A la longue, les oiseaux vont déféquer, ce qui va créer une sorte de compost, et des graines vont tomber dedans. Dans 10-15 ans, cette haie sèche deviendra une haie vive ». Prochainement, François Flies a l’intention d’installer au milieu de ce verger des ruches, afin d’assurer la pollinisation des fleurs et de produire le miel du Phare…
Nids à hérissons
Le long du chemin de la plage, qui mène directement à La Loge, tout a été pensé pour attirer les petites bêtes : plantes mellifères pour les butineuses, fenouil pour les papillons et herbes folles. Le fauchage est tardif, afin d’offrir aux insectes des ressources dans la durée. Ces tas de bûches de bois ne sont pas simplement décoratifs : il s’agit de refuges pour les hérissons. De même, les pierres récupérées sur le camping sont systématiquement utilisées pour créer de petits murets, lieux de refuge pour les petits insectes, les gastéropodes et autres lézards. Ici, chaque espace a été pensé pour favoriser la biodiversité, à l’image de l’espace de jeux pour enfants. Sous l’accrobranche, François a fait de cet espace a priori sans intérêt un jardin sec, un peu sur le modèle des toitures végétales, qui attire lézards, sauterelles et les abeilles. Entre les mobil-homes, dissimulés par un bardage bois et une végétation luxuriante, le choix s’est porté sur des plantes adaptées à la sécheresse et au sel, à l’image du filao, arbre très résistant qui a l’autre avantage de fixer l’azote. Entre les allées, jamais bitumées, des tonnelles naturelles permettent de créer des puits de fraîcheur, et des troncs de bois flotté, récupéré sur les plages alentours, ont été posés ici ou là pour offrir des abris aux insectes. Particulièrement étudié, ce « décor » artificiel rappelle les arrières-dunes de l’île de Ré tout en proposant un intérêt écologique. « Nous avons carte blanche de la direction, à condition que ça soit à la fois esthétique et utile pour la biodiversité. Nous disposons d’un budget très important. C’est vraiment le paradis du jardinier », commente François Flies.
« Spot » à chauve-souris
Sur les zones basses (et inondables) du terrain, François Flies laisse le chiendent proliférer, car il a l’avantage d’absorber l’eau et de rester vert tout l’été, même en période de sécheresse. « Ne pas tondre, c’est parfois considéré comme sale, pas propre. Pour moi, il n’y a pas de mauvaises herbes, il y a seulement des herbes utiles et inutiles ». Pour les jardiniers, l’entretien régulier du site vise surtout à contrôler le milieu et l’empêcher de trop se refermer sur lui-même. « Il y a beaucoup de travail de taille, mais pas de taille au cordeau », commente le jardinier. Une trentaine de nichoirs à mésanges ont été accrochés dans les pins, chênes, acacias et autres saules-pleureurs. Grandes consommatrices de chenilles processionnaires, les mésanges charbonnières vont permettre de réguler cet insecte qui s’attaque aux arbres. D’autres nichoirs, pour les hirondelles et les huppes fasciées, complètent cet « accueil » des oiseaux. Un peu plus loin, sous la toiture d’un sanitaire, François a repéré il y a quelques mois un « spot » de chauvesouris, pour lesquelles il a installé des nichoirs. « La chauve-souris est un petit mammifère très utile, puisqu’elle mange entre 6000 à 7000 moustiques par nuit ».
Dernièrement, le Phare a fait appel à l’association oléronaise Terre d’Eveils, afin de réaliser un diagnostic pour composter sur place la plus grande partie des 14 tonnes de déchets produites annuellement par le site. « L’idée est de composter tout ce qu’on peut sur place. Cela nous permettra en outre de faire des économies », commente François Flies. Dans le même esprit, le camping est en train d’installer des compteurs OCell, permettant de suivre très précisément les consommations d’eau et d’électricité. Là encore, écologie rime avec pragmatisme et baisse des factures énergétiques. A en croire le directeur du site, ce n’est que le début. « Notre objectif n’est pas d’obtenir des labels, mais de faire des choses concrètes. Dans les prochaines années, nous irons beaucoup plus loin dans cette démarche… »
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