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- Réunion publique du 6 août
Après le plan digues, stratégie de lutte contre l’érosion
Le président de la Communauté de Communes de l’île de Ré, Lionel Quillet, et le 1er vice-président, Patrick Rayton, ont rappelé la doctrine de l’Etat en matière de protection des côtes, présenté ce qui a été fait et reste à faire au plan des digues et expliqué comment la lutte contre l’érosion est un sujet pris à bras le corps par les élus.
Tout comme la première réunion publique organisée avant l’été dans le sud de l’île (300 personnes), cette seconde réunion qui s’est tenue dans le nord, à Saint- Clément, a drainé beaucoup de monde (250 personnes). La protection de l’intégrité de l’île de Ré est un sujet mobilisateur, pour les résidents secondaires comme pour les habitants à l’année.
Madame le maire de Saint-Clément, Lina Besnier, a tenu à remercier la CdC pour son intervention dès le lendemain de la première tempête de l’automne/ hiver 2023/2024. « Le chemin côtier des Tamaris a été fait très rapidement, on peut compter sur la CdC sur ces sujets-là », a-t-elle estimé.
En préambule, Lionel Quillet a expliqué que « l’île de Ré est un territoire à risque. Ce qui compte est la connaissance du risque et d’adopter le bon réflexe en cas de submersion. Les digues sont là pour gagner du temps pour se mettre à l’abri. D’énormes travaux de protection ont été réalisés sur l’île, territoire le plus protégé de France, le risque zéro n’existe toutefois pas. Xynthia n’a pas fait plus de dégâts car le territoire n’est pas construit sur 80 % de sa superficie. »
Petit rappel historique
Des vimers, il y en a eu beaucoup dans l’histoire de l’île de Ré (55 vimers recensés depuis le XVIè siècle) et une tradition de la protection existe ici, pendant plusieurs siècles l’entretien des digues a été réalisé à l’initiative de la population. L’Etat s’est toutefois désengagé progressivement de l’entretien de celles-ci après la remise à niveau dans les années 1950 des digues construites sur la période 1840-1860. Et aucun évènement climatique n’est venu rappeler cette obligation d’entretien. Ainsi, en 2006 un diagnostic révélait que 85 % des digues de l’île de Ré nécessitaient des travaux d’urgence. Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la tempête Xynthia, qui a provoqué de très importants dégâts, a joué les détonateurs. Ainsi, l’Etat engage 13 M€ sur les travaux d’urgence entre 2010 et 2011. Dès 2010, le Département crée de son côté, sous l’égide du président Dominique Bussereau, sa Mission Littoral, présidée par Lionel Quillet, qui accouchera d’un plan digues à 350 M€ et fera de la Charente-Maritime le plus gros chantier de France. En 2014, la Loi MAPTAM attribue aux intercommunalités une compétence exclusive et obligatoire pour la gestion des ouvrages de protection (GEMAPI) et entre 2018 et 2020 la compétence et la responsabilité des digues est transférée par l’Etat aux collectivités territoriales. S’agissant du Domaine public maritime, c’est l’Etat qui donne les autorisations, rien ne se construit sans son accord. La CdC n’est pas propriétaire mais est devenue gestionnaire des systèmes d’endiguement autorisés par l’Etat.
« En France on ne monte pas, on réfléchit »
« Le principe des digues est que l’ensemble résiste, avec juste des brèches, elles doivent avoir un effet retardateur. Au lendemain de Xynthia, après les travaux d’urgence réalisés sans études préalables et financées par l’Etat, celui-ci a autorisé la remise des digues au niveau existant et a refusé que leur niveau soit monté. Il a apporté une réponse de sécurité proportionnée au risque et qui ne doit pas l’aggraver. Les digues dépendent du Ministère de l’Environnement, qui valide les projets en fonction de leur impact environnemental. »
Ainsi la Charente-Maritime engage un plan Digues à 300 M€, co-financé par l’Etat (40 %) et à parts égales (20 %) par le Département, la Région et les CdC. Le plan digues de l’île de Ré représente alors 100 M€. Aujourd’hui le PAPI 1 (Plan d’actions de prévention des inondations) de l’île a été réalisé pour 65 M€, restent à réaliser fin 2024/ début 2025 les travaux sur le chemin des Prises à La Couarde (1,5 M€) et ceux de La Corniche à Rivedoux (700 K€). Les travaux du Zanuck à Saint-Clément des Baleines (2 M€), qui relèvent du PAPI 2, seront réalisés en 2026.
PAPI 2 : Trouver le financement et les compensations naturelles pour Les Portes et une nouvelle solution pour Ars
Le PAPI 2 concernant notamment la protection du Fier d’Ars, projet validé par la Commission Mixte Inondations en 2020, dont le coût prévisionnel était de 33,5 M€, doit être financé à 40 % par l’Etat, 30 % par la CdC de l’île de Ré et 30 % par le Département, la Région Nouvelle Aquitaine s’étant désengagée. Les études sont longues et il faut obtenir les compensations environnementales demandées par l’Etat. « Pour un mètre de digue il faut rendre à la Nature cinq à dix hectares. Ce projet est sous maîtrise d’ouvrage du Département, déléguée par la CdC. Du côté des Portes et de Saint-Clément les études seront terminées mi 2025, les compensations ne sont pas encore faites. Si celles-ci sont trouvées et s’il n’y a pas de contentieux en référé, le projet pourrait démarrer en 2026/2027 sur Les Portes. Il faut pour cela que le Département et la CdC délibèrent, le coût du projet étant passé de 4 à 9 M€, si on ajoute les études préalables on monte à 10 M€. La présidente du Département va devoir convaincre les conseillers départementaux de toute la Charente-Maritime de mettre 3 M€ sur les digues de l’île de Ré. La CdC doit aussi délibérer. Et l’État ne considérant que le montant de départ, le Département et la CdC vont devoir prendre en charge la différence, ce qui va nous mener à 4 ou 5 M€ chacun. Je ne suis pas certain du vote du Département. », a expliqué Lionel Quillet.
Du côté d’Ars, le plan de protection initialement élaboré se révèle plus complexe que prévu, il faut trouver de nouvelles solutions.
La Levée de Lilleau des Niges en question
Concernant la Levée de Lilleau des Niges, appelée Levée du Fier, qui est propriété de l’Etat, « elle n’entre pas dans le système d’endiguement et la CdC n’a pas l’autorisation d’intervenir dessus. Cette levée n’est pas considérée comme protégeant les populations (étude du Cerema). Jamais l’Etat n’a accepté qu’une Réserve naturelle soit protégée par une digue, personne ne peut y déroger. Ainsi, aux Boucholeurs, la Réserve naturelle est condamnée à être soumise à la montée des eaux. Lilleau des Niges aux Portes ne sera jamais protégée dans le cadre du PAPI 2 et son tracé, labellisés en juillet 2020. En juillet 2022, l’Etat a rappelé deux principes concernant cette levée : pas d’entretien au titre de la prévention des inondations et aucune dégradation volontaire de l’ouvrage. Le Plan de gestion de la réserve naturelle 2022- 2031 a été fixé par arrêté préfectoral en mars 2023, après approbation du Comité consultatif. Après les tempêtes automnales 2023, l’Etat a autorisé exceptionnellement la Commune des Portes à intervenir sur l’ouvrage pour colmater les brèches. », a précisé Lionel Quillet, alors qu’était prévue quelques jours plus tard une réunion publique organisée par la jeune association « Sauvons nos levées et nos marais rétais classés » (lire notre article en page 19).
Une stratégie de lutte contre l’érosion
« L’Etat ne finance pas la lutte contre l’érosion des dunes et falaises, il demande aux populations de reculer. J’ai beau expliquer qu’à force de reculer sur une île… cela va devenir compliqué ! Nous avons ouvert une jurisprudence puisque le Préfet et le Secrétaire général sont enclins à nous autoriser à intervenir sous trois critères : la CdC s’en occupe, elle finance à 100 % (avec l’écotaxe pour les dunes) et elle propose à l’État des solutions techniques. », ainsi Lionel Quillet a -t-il introduit le sujet, avant de passer la parole à Patrick Rayton, 1er vice-président de la CdC, qui a présenté le travail en cours pour lutter contre l’érosion des côtes de l’île de Ré.
« Vous voyez l’engagement total des élus pour protéger l’île de Ré, le repli stratégique souvent prôné par l’Etat n’est pas notre façon d’envisager l’avenir. Certains nous ont dit que nous nous attaquions au sujet de l’érosion bien tard, ce n’est pas le cas puisque depuis dix ans nous étudions l’évolution du trait de côte de l’île, de son système dunaire et de falaises. L’île comporte 19 km de dunes (presque un tiers de son littoral), 11 km de phénomène naturel hors compétence obligatoire GEMAPI de la CdC. Mais la Loi Climat et Résilience d’août 2021 permet aux EPCI – au titre de la GEMAPI – d’élaborer des stratégies de gestion de la bande côtière. Quant au recul du trait de côte, conséquence de l’érosion, il est de compétence communale. Pour intervenir sur le Domaine public maritime nous devons demander une Autorisation d’occupation temporaire (AOT) à l’Etat. », a expliqué Patrick Rayton.
Tout l’enjeu pour la CdC est donc en 2024-2025 d’organiser une compétence intercommunale sur la lutte contre l’érosion, avec la validation de l’Etat.
« On intervient déjà sur les dunes avec l’ONF via l’écotaxe, le partenariat mairies/CdC avec l’ONF est excellent. Ce travail se fait depuis de nombreuses années, depuis la mise en place de l’écotaxe. La CdC perçoit aussi la taxe GEMAPI, qui peut être affectée à l’érosion en plus de la submersion. Notre stratégie est de pouvoir agir plus rapidement, en démontrant à l’Etat qu’il y a nécessité de défendre. L’étude en cours depuis début juillet 2024 sera finalisée en 2025, la discussion sera : « Où faut-il défendre », l’Etat ne sera pas d’accord à certains endroits. »
Bilan de dix ans d’observation
Le bilan de dix ans d’observation confirme le fort impact des évènements tempétueux des hivers 2013/2014 et 2023/2024 sur les reculs dunaires, mais aussi la résilience de certains cordons dunaires lors de périodes calmes avec reconstruction de la façade dunaire. Le taux d’érosion annuel serait compris entre 0 et 0,8 mètre selon les secteurs, Saint-Clément, Ars et La Couarde étant les plus touchées. D’autres secteurs sont a contrario en taux d’accrétion très importants comme La Loge (50 m) et Sablanceaux (120 m).
« Ce qui est plus inquiétant pour nous est le niveau des plages qui baisse, ce qui fait que la mer arrive beaucoup plus vite sur les pieds de dunes et on a moins de sédiments (sable) sur les estrans depuis 2016, avec une accélération depuis 2019. Côté falaises, l’observation depuis 2021 montre qu’on a des effondrements sur 3 % du linéaire, avec des reculs moyens de 0,5 m. »
Sur dix ans, les travaux de restauration des dunes réalisés par l’ONF avec le financement de la CdC, dans le cadre de deux conventions forêts et dunes, se sont élevés à 4,1 M€, grâce à l’écotaxe. Durant l’hiver 2023/2024, après les nombreux épisodes tempétueux, la CdC a obtenu des AOT de l’Etat pour des travaux d’urgence, réalisés à hauteur de 481 K€, notamment à Saint-Clément, Les Portes et La Couarde. L’ONF a aussi remis en état, avant la saison 2024, des accès de plage avec un financement de la CdC pour 293 K€.
« Eviter de jouer les Shadoks »
Les élus ont aussi voté en 2024 le lancement du plan à long terme en matière de lutte contre l’érosion ou « Stratégie locale de gestion intégrée de la bande côtière ». Une phase d’étude de douze à quinze mois est nécessaire pour proposer à l’Etat des solutions différenciées et adaptées selon les sites. L’idée étant d’éviter de jouer aux Shadoks, apporter du sable ou de l’enrochement, ensuite emporté par la houle….
« On ne va rien s’interdire, aucune solution, nous n’avons pas posé de limites au bureau d’études pour protéger le territoire : lutte active souple ou dure, accompagnement des processus naturels, et même repli stratégique qui sera inévitable à certains endroits, même si ce sera un choix difficile… Tout fera l’objet d’une négociation avec l’Etat qui souhaite qu’on lui présente un plan global pour toute l’île de Ré à horizon 2050. La volonté des élus est d’être en deçà du retrait naturel des côtes. Nous avons fait établir des cartes – une par commune et globale île de Ré – des risques maximum d’érosion des côtes si on ne faisait rien. On a dix à trente ans pour trouver des solutions. » ont conclu Patrick Rayton et Lionel Quillet.
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