- Portraits
- Interview
Antoine Cornic : « J’ai un objectif en tête : finir le Vendée Globe. »
Le 10 novembre prochain, ils seront quarante navigatrices et navigateurs rassemblés aux Sablesd’Olonne, à prendre le départ de la 10e édition du Vendée Globe. Parmi eux, un Rivedousais, Antoine Cornic, 40 ans, et premier Rétais, depuis la création de la plus prestigieuse des transats en solitaire, à participer à cette aventure énorme. Et hors norme.

Ré à la Hune : Qu’as-tu ressenti lorsque tu as appris que tu étais le premier Rétais à prendre le départ du Vendée Globe ?
Antoine Cornic : De la fierté. Il y a plein de marins sur l’île, et des marins de très grande qualité, mais je suis le premier Rétais à partir en solitaire autour du monde.
Lorsque tu seras en pleine mer, du côté des Açores et même encore plus loin – c’est en tout cas tout ce que l’on te souhaite -, qu’est-ce que tu vas emporter de Rivedoux, le village où tu as grandi et travaillé ?
Mes proches seront avec moi, ma femme, mes enfants. Mon équipe, qui reste à terre, évidemment. Mes amis aussi, ceux qui, toutes ces années, ont partagé les moments de doute et de joie pour arriver à boucler ce projet. C’est sûr que dans les instants compliqués, et il y en aura forcément, c’est à eux que je vais me raccrocher, à ma terre, à toutes les personnes qui comptent pour moi.
C’est ton premier Vendée Globe, est-ce qu’il y a une préparation particulière ?
C’est un Vendée que je prépare depuis longtemps. J’ai mis vingt ans avant d’arriver au bout de mon rêve, et je sais que le monde de l’amateurisme sur les bateaux est définitivement révolu, il ne faut donc rien laisser au hasard. J’ai une préparatrice physique qui me mène la vie dure, parce que j’adore les bonnes côtes de boeuf entre amis !
Tu travailles aussi sur le plan mental ?
Oui, j’ai attaqué cette année une préparation mentale, je le fais surtout pour gérer l’après-Vendée Globe. Ça m’apprend à anticiper la suite. Ce que j’appréhende le plus, c’est le retour sur terre, la redescente. Avec cette préparation mentale, j’essaie d’éviter le gros coup de blues qui arrivera forcément derrière.
Quel est ton objectif sur ce Vendée Globe ?
Finir. Ce serait ma victoire. Comme je le dis souvent, on a envoyé six-cents personnes dans l’espace, et il n’y a que cent-vingt qui ont fait le tour du monde en bateau en solitaire sans escale. Le Vendée Globe, c’est à peu près 30% d’abandon à chaque édition, donc arriver aux Sables en mars, ou même en avril 2025, serait déjà pour moi une très grande performance.
Tu as été champion de France de judo, rugbyman, restaurateur à Rivedoux… Tu es conscient que ton CV est un peu atypique dans le monde de la voile ?
Peut-être, je ne me suis jamais trop posé la question… En tout cas, j’ai deux-trois copains dans ce milieu et ils ne me l’ont jamais fait sentir comme ça.
Ça te vient d’où, cette envie de tour du monde à la voile ?
J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont toujours laissé faire ce que je voulais. Ça tombait bien, gamin, j’avais deux milliards d’envies. Mon père courait en rallye et son rêve ultime, c’était de faire le Dakar. Pour 30.000 francs de l’époque (environ 6.500 € aujourd’hui, Ndlr), l’histoire a capoté et il n’a jamais pu s’inscrire. Du coup il m’a appris à aller au bout des choses sans avoir de regrets.
Sur ton site internet, les gens de ton équipe ont des noms comme Lolo, Lulu, Fif… C’est ça le secret, lorsqu’on a moins d’argent que les autres : travailler avec une bande de copains ?
En tout cas, leurs factures, ça n’est pas des factures de copains ! Mais oui,on s’adore. Ça n’est pas pour ça que l’on n’a pas des réunions houleuses de temps en temps, parce qu’il y a un vrai projet au bout et un sacré défi à relever. Mais c’est vrai que je passe plus de temps avec eux qu’avec ma femme et mes enfants. Le bateau s’appelle Human, non ?
Comment on fait accepter à ses proches que l’on va partir seul trois mois en mer ?
J’ai la chance d’avoir une femme qui ne navigue pas, elle n’a donc aucune appréhension et aucun rapport avec la dangerosité de la chose. On n’a qu’une seule règle entre nous : se téléphoner et se dire la vérité. Si ça ne va pas sur le bateau, si j’ai une blessure, un petit moral, je dois lui dire. De toute façon, elle le sait, elle l’entend à ma voix.
Quel est ton favori pour ce 10e Vendée Globe ?
C’est le Vendée Globe le plus ouvert depuis longtemps. Il y a évidemment Yannick Bestaven, le tenant du titre. À cause de résultats un peu moyens en préparation, il est passé d’une position de favori à outsider, et je trouve que ça lui va très bien. Charlie Dalin ne part pas pour sucrer les fraises, Jérémie Beyou non plus, le bateau de Boris Hermann va très vite dans les mers du Sud… Attention aussi à Nicolas Lunven, capable de te coller trois jours dans la vue avec des coups de météo incroyables.
Ça ne pourrait pas, enfin, être l’année d’une fille ?
Je rêve de voir Samantha Davies gagner ! Ça risque d’être un peu court pour elle cette année, mais elle a un super bateau et les capacités pour moi de gagner dans les années qui viennent. Je suis sûr qu’un jour, une fille gagnera le Vendée Globe.
Tu as prévu d’emporter combien de litres de ti’punch et combien de kilos de viande séchée à bord ?
J’ai cent-dix paquets de viande séchée, ça n’est pas grand-chose, ça correspond à vingt grammes par jour. Ni ti’punch, ni planteur, mais une mignonnette de champagne pour l’Équateur, et une autre pour le 31 décembre. Et pour le passage de tous les caps, des copains bourguignons m’ont préparé quatre petites bouteilles de ma parcelle favorite en Bourgogne, les Ruchottes. Si je les consomme toutes, ce sera bon signe…

Lire aussi
-
Portraits
Le charpentier de marine qui voulait devenir archiviste
Mathieu Boniton, qui, en 2022, a rejoint l’atelier-librairie Quillet comme restaurateur puis libraire, est un ancien charpentier de marine. Comment passe-t-on des chantiers navals aux livres anciens ? Retour sur la trajectoire imprévisible d’un homme discret.
-
Portraits
Rodolphe Blandin, la passion sinon rien
Il est le parrain du concours photo 2025 de La Couarde centré sur… l’amour. Belle occasion pour une rencontre avec Rodolphe Blandin.
-
Portraits
Leslie Vermeulen fait danser le bout de l’île
La Belge Leslie Vermeulen propose depuis le mois de janvier des cours de danse à Saint-Clément-des-Baleines. Cette ancienne danseuse de la compagnie belge The Groovies a accompagné de nombreuses stars sur scène, dont Michael Jackson.
Je souhaite réagir à cet article