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Alerte à … Ars-en-Ré
C’est devant une salle de 800 personnes et aux côtés de quasiment tous les Maires rétais – seul Léon Gendre manquait à l’appel alors qu’il avait pourtant affirmé lors du dernier conseil communautaire qu’il était solidaire de l’ « Union sacrée » décrétée entre eux – que le Président de la Communauté de Communes de l’île de Ré, Conseiller général du canton nord et Maire de Loix a durant deux heures martelé à l’envi ses messages d’alerte et d’un grand pessimisme pour l’avenir de l’île de Ré (lire notre dossier dans Ré à la Hune N° 72, téléchargeable sur www.rheamarketing.fr).
Tous derrière… lui devant !
Si cette première réunion s’est tenue dans le canton nord, ce n’est évidemment pas un hasard, puisque si les aléas (événement type Xynthia et réchauffement climatique) étaient pris en compte en l’état comme semble le souhaiter la Préfète Béatrice Abollivier, ce seraient 88 % des habitations du nord de l’île qui seraient impactées dans le cadre de la révision du Plan de prévention des risques littoraux (PPRL) succédant au PPRN d’ici fin 2012.
21 % des habitations du sud seraient néanmoins aussi concernées, d’où une seconde réunion d’information prévue le 31 juillet au Bois-Plage.
L’ensemble des Maires du Nord ont enfoncé le clou, puisque sur les communes – « sous-marines » comme l’a dit avec un humour noir Lionel Quillet – de La Couarde et de St Clément 98 % des habitations seraient concernées, celles des Portes étant touchées à 95 %, d’Ars à 92 %, et de Loix à 43 %.
Des élus très pessimistes et qui s’estiment floués
En effet, depuis mars 2012, l’État a une position simple par rapport au risque de submersion pour l’instruction des permis de construire : il prend en compte les aléas futurs pour anticiper les risques de submersion. Or non seulement au vu du règlement d’urbanisme en vigueur, aucun Maire ne peut refuser la délivrance d’un permis de construire, même en zone submersible, mais aussi en période de révision du PPRN, la Préfecture argumente ses refus sur la base d’une étude d’aléas qui n’a pas encore été transmise aux élus, ni encore moins été rendue publique.
Bien que pessimistes sur l’avenir, les élus ont souhaité informer la population de ce qu’il se trame et de la situation inextricable dans laquelle les mettent actuellement les services de l’État. Soit ils ne signent pas les permis de construire (qui reçoivent tous un avis négatif de la Préfecture) et vont avoir rapidement des centaines de contentieux à gérer, soient ils les signent et seront pénalement responsables à vie si un nouveau « Xynthia » survenait et mettait en danger des vies. Les responsables à leurs yeux ? « Une bande de gens qui ont fait un lobbying suicidaire auprès de l’État », trop content d’appliquer ainsi la notion de « précaution de risque », corollaire de la connaissance de l’aléa. En gros, d’ouvrir le parapluie. Les associations environnementales – représentées peu ou prou par le Président des Amis de l’île de Ré, Pierre Bot, dans le cadre du comité de suivi du SCoT – ont été pourtant les premières informées de l’arrivée de ces cartes d’aléas et de leur impact sur l’île. Lors de réunions entre Lionel Quillet, Jacques Boucard et Pierre Bot qui se sont tenues les 17 janvier, 21 février, 20 mars et 22 avril, au cours desquelles ces « experts » ont été très intervenants en matière scientifique, et lors d’une réunion organisée spécifiquement pour les associations environnementales à la CdC le 24 mai et à laquelle participaient des représentants des AIR (île de Ré), de l’ASSIP (Portes en Ré), de l’ASCC (La Couarde) et de l’APSL (Loix). Le Président de la CdC aurait à chaque fois sensibilisé ses interlocuteurs au fait que vouloir prescrire (imposer) une surface de résiduel constructible commune par commune serait dramatique pour la vie de l’île. Cela n’a pas empêché l’EPIR (collectif des associations) et les associations de déposer leur courrier en Préfecture. Il semblerait toutefois que ces derniers jours trois associations se soient désolidarisées de l’EPIR et aient voté leur retrait du collectif environnemental.
L’État largement mis en cause par le rapport de la Cour des Comptes
La lecture du rapport de la Cour des Comptes sur la façon dont l’État et ses services ont géré l’après Xynthia ne va sans doute pas inciter celui-ci à réviser à la baisse ce principe de précaution, puisque la Cour des Comptes écrit : « Concernant la prévention des crises, elle passe d’abord par la fermeté des décideurs publics face aux pressions pour urbaniser les zones à risque. Avant les inondations, l’État a souvent fait preuve de faiblesse dans l’établissement des plans de prévention des risques et en réponse aux projets de construction dans les zones inondables ». La Cour s’interroge sur la gouvernance des digues posée de longue date et qui n’est toujours pas réglée et fustige la politique de rachats de maisons sur la côte atlantique qui « a été très coûteuse (316 millions d’€) et révèle de nombreuses incohérences ». La Cour précise qu’il « convient de définir une stratégie nationale face aux risques d’inondation, en particulier dans les territoires à risque important. Seule une stratégie cohérente, avec des mesures adaptées à chaque zone de risque, permettra d’assurer une protection efficace des populations ».
Des critères de la Préfecture plus que discutables
C’est sans doute là que le bât blesse, dans sa volonté d’ouvrir le parapluie l’État n’aurait-il pas tendance à oublier d’adapter sa stratégie aux contextes locaux ? Et la Préfète de Charente-Maritime à profiter de ces aléas pour restreindre drastiquement le résiduel constructible – au-delà même de ce que prévoit le SCOT, le plus restrictif de France sur un territoire qui n’est déjà construit et constructible que sur 20 % de sa surface – donnant ainsi satisfaction au lobby des environnementalistes qui campent sur leurs intangibles positions ? Selon nos informations, Béatrice Abollivier n’aurait pas hésité à expliquer à l’un de ses éminents interlocuteurs rétais qu’il devrait être content puisque cela « allait régler le problème du résiduel constructible sur l’île de Ré et qu’il y aurait ainsi moins de monde »… L’ancien Député Maxime Bono – sollicité par le Maire de La Couarde Patrick Rayton (lire Ré à la Hune 72) avançait un argument de taille auprès de la Préfète dans le courrier qu’il lui a envoyé le 5 juin dernier : « Le récent porter à connaissance complémentaire relatif à la révision du PPRN me semble, à terme, condamner purement et simplement la capacité à vivre normalement dans la commune de La Couarde… la réhabilitation et la restauration des maisons devenant impossible… En tant que Président de la Commission d’enquête sur la tempête Xynthia, j’ai eu l’occasion de mesurer les dégâts causés par un zonage hâtif et inadapté aux réalités du terrain. Il me semble important de ne pas reproduire localement les mêmes erreurs. C’est pourquoi, avant toute décision définitive, il m’apparaît indispensable que toutes les solutions techniques susceptibles d’améliorer la protection des habitations soient soigneusement étudiées. De surcroît, je me permets de souligner l’urgence de ces études complémentaires, la situation actuelle qui génère des sursis à statuer, conduirait à plonger la commune dans un immobilisme quasi-total et ne saurait être prolongée sans entraîner une profonde incompréhension de la part de l’ensemble des habitants et élus… ».
Quid des millions d’ engagés pour la protection des côtes rétaises ?
Ne pas reproduire les mêmes erreurs et plus encore l’État ne devrait-il pas tenir compte des millions d’€ déjà engagés pour la protection des côtes depuis Xynthia (Niveau 1 : 5 millions d’€, niveau 2 : 7 millions d’€) et du PAPI de l’île de Ré (45 millions d’€ ?
Or là encore l’Etat semble camper sur une position de précaution « extrémiste » estimant que si les digues retardent le risque, elles ne l’empêchent pas. Autrement dit que le PAPI de l‘île de Ré ait été labellisé * en commission nationale le 12 juillet pour 45 millions d’€ et in fine que 130 millions d’€ soient engagés à long terme pour la protection de l’île ne changeront rien à sa position, d’où le pessimisme des élus rétais.
Autre élément qui sera vite incompréhensible pour les Rétais, la Préfète qui émet désormais des avis négatifs sur les instructions de tous les permis de construire et certificats d’urbanisme du nord de l’île de Ré – plaçant ainsi les Maires dans une situation juridique, pénale et morale intenable vis à vis des habitants – ne semble pas selon nos informations faire de même sur d’autres territoires pourtant impactés par Xynthia tels Fouras, l’île d’Oléron, Châtelaillon ou encore Aytré, seules les communes d’Esnandes et de Charron semblant recevoir des avis négatifs.
Tous les habitants – permanents et secondaires – sont concernés, à titre individuel ou collectif
L’île de Ré semble encore victime de son image d’île de riches auprès des Services de l’État – qui auraient cyniquement fait part qu’il s’agissait sur l’île « d’un problème de riches » – et de l’action de lobbying local et national d’un petit groupe d’environnementalistes. Que ces derniers soient vigilants sur la protection de l’île de Ré est tout à leur honneur et l’île n’aurait certainement pas été autant préservée si eux ou leurs prédécesseurs n’avaient pas été vigilants dans le passé; qu’ils soient jusqu’au-boutistes dans le cadre d’un SCOT déjà très conservateur relève plus de la défense d’une idéologie coûte que coûte au détriment des habitants et qui va générer une iniquité totale entre propriétaires.
Et si la vie permanente se voit sérieusement hypothéquée désormais dans l’île de Ré du fait de leur action de lobbying acharnée qui va compromettre bon nombre de projets collectifs tels les crèches, les logements à loyers modérés, ou quelques zones d’activités au nord qui sont dans les tuyaux depuis 20 ans (Moulin Rouge à St Clément, zone artisanale aux Portes) ne nous leurrons pas une grande majorité des résidents secondaires largement implantés sur les communes du nord de l’île seront aussi impactés au premier chef. Ces mêmes « secondaires » qui alimentent le gros des troupes des associations environnementales telles les Amis de l’île de Ré. Non seulement aucune rénovation, extension ne sera plus possible dans leurs résidences du nord de l’île mais qui voudra acheter leur propriété située en zone inconstructible ? Sans oublier les problèmes que cela va engendrer pour les héritages et successions familiales. Les assureurs eux commencent à refuser d’assurer les communes, et que feront-ils demain pour des maisons en zone déclarée « à risque » ?
Des paradoxes…bien éloignés de la notion de développement durable
Les positions des services de l’État et des associations environnementales révèlent bien des paradoxes et ne semblent pas toujours logiques. Car n’est-ce pas l’État qui valide et finance en partie les PAPI et les associations environnementales qui réclament à juste titre une meilleure protection des côtes ?
Or à quoi bon protéger une île avec 111 km de côtes dont 58 km de digues et dont 50 % de la surface est située sous le niveau de la mer, et dépenser pour cela 130 millions d’€, alors même qu’elle se désertifierait progressivement ? À quoi servent les analyses coûtsbénéfices (ACB) demandées dans le cadre des PAPI ? À moins que – parvenant enfin à avoir une approche scientifique, rationnelle et responsable de la défense des côtes et de la gouvernance des digues – les services de l’État mettent tous les acteurs rétais autour d’une table. Et que tous regardent comment font certains de nos voisins européens tels les Pays-Bas par exemple, pour vivre en toute sécurité sur un territoire très largement poldérisé, donc gagné sur la mer…
Il en va de la survie de l’île de Ré, sur laquelle vivent toute l’année tant bien que mal 20 000 habitants que l’on voudrait sacrifier sur l’autel d’un principe de précaution et au nom d’une idéologie de protection de l’environnement qui occultent totalement le concept même de développement durable, fondé sur l’idée qu’il ne saurait y avoir de territoire protégé sans population qui y vit, y travaille et l’entretient…
Le PAPI de l’Île de Ré labellisé
* La Commission nationale (CMI) a émis un avis favorable à l’unanimité le 12 juillet dernier sur le PAPI de l’île de Ré (45 millions d’€) et la Direction de l’Environnement a émis des compliments sur le dossier rétais. Le même jour, ont été validés les PAPI de Port des Barques, Charente et l’île d’Oléron (25 millions d’€). Celui de La Rochelle passera en septembre. Au sein des PAPI, chaque projet devra désormais être validé techniquement, les réserves foncières acquises (cela ne concerne pas Ré a priori), les risques de contentieux purgés, et le tour de table financier validé avant de démarrer en 2013. À l’exception de la reprise intégrale de la Digue du Boutillon labellisée au titre du Plan de submersion rapide (PSR) pour 10 millions d’€, au nom du principe de l’intégrité territoriale de l’île (puisque son analyse coûts-bénéfices est négative du fait du peu d’habitations directement exposées) et dont les travaux devraient démarrer d’ici fin 2012.
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