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Agriculture rétaise : quel visage en 2030 ?
En pôle position des destinations touristiques préférées des français, l’île de Ré saura t-elle conserver son identité paysanne qui lui valait autrefois le surnom de « L’île aux champs » ?
Entre tourisme et qualité de vie se lèvent des énergies qui rassemblent des valeurs communes. Derrière les panoramas de cartes postales se cachent des producteurs qui ne cessent d’améliorer leurs pratiques pour que vin, pineau, cognac, pomme de terre, sel, miel de l’île de Ré rayonnent dans toute la France.
Parmi eux, les membres du GDAD, le Groupement pour le développement d’une agriculture durable de l’île de Ré, ont pris bénévolement de leur temps pour construire, en ligne avec la coopérative Uniré et les différentes associations environnementales locales, un dialogue positif.
Ces échanges ont donné lieu à des initiatives (réduction des intrants chimiques, choix de la rotation pour les pommes de terre plutôt que du tout-chimique, confusion sexuelle dans les vignes, etc) et à des projets innovants autant que prometteurs (éco-pastoralisme, candidature au programme national pour l’alimentation, participation au réseau Dephy).
Mais surtout, et peut-être est-ce là l’essentiel, les nombreuses concertations menées depuis trois ans ont conduit à l’élaboration d’un diagnostic (développement du foncier agricole, gestion des friches, régulation des nuisibles, accès à l’eau agricole) porteur d’un discours qui, le collectif l’espère, pèsera dans la politique locale de gestion du territoire.
L’agriculture durable : un atout majeur pour l’avenir de notre île
Très dynamique, le groupement a pu grâce au soutien de la coopérative et de la Communauté de Communes engager dès sa création en 2013 de nombreuses actions guidées par le choix d’une agriculture exigeante en matière de protection de l’environnement. Les unes réalisées avec succès, d’autres cheminent encore pour encourager la sauvegarde des paysages de l’île.
Projet pilote d’Éco-pastoralisme
Sujet épineux pointé par la Chambre d’Agriculture dans le cadre du diagnostic sur la révision du Schéma de Cohérence territorial commandé par Lionel Quillet, le problème de la gestion des friches du Sud et des prairies naturelles du Nord pourrait être l’occasion de voir chèvres ou moutons paître sur ces champs abandonnés.
En mai 2016, le GDAD et Ré Nature Environnement ont sollicité l’AFIPAR (une association régionale très active en faveur des territoires ruraux) et Agrobio Poitou- Charentes afin qu’ils présentent un projet d’étude aux élus de Sainte-Marie, au service de l’environnement de la CdC, au Conseil départemental, au Conservatoire du Littoral, à Terres de Liens et à la LPO.
L’idée d’installation d’un troupeau itinérant qui permettrait notamment l’entretien à moindre coût de friches arbustives difficilement accessibles a recueilli un franc succès et le service de l’environnement de la Communauté de Communes a accepté d’en financer l’étude de faisabilité, qui vient de débuter.
Programme national pour l’alimentation
Mieux manger et faire de notre modèle alimentaire une force pour l’avenir, telles sont les ambitions du Programme National pour l’Alimentation (PNA). L’essence de ce plan (issu de la Loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt de 2014) est de s’appuyer sur un partenariat avec les collectivités territoriales, le monde associatif, les organismes institutionnels et les acteurs privés pour encourager les initiatives relatives aux enjeux sanitaires, socio-économiques et environnementaux de l’alimentation.
Au regard de la qualité des projets proposés et de la mobilisation rencontrée l’année dernière, Stéphane Le Foll a décidé de rehausser significativement l’enveloppe de l’appel à projets du PNA, qui passe de 715 000 euros en 2015 à 2 millions d’euros en 2016.
En partenariat avec les bureaux d’études rétais « Lokal » et « Qualimenterre », le GDAD a répondu à cet appel le 30 novembre. Entre développement des circuits courts et valorisation des produits locaux (avec un focus sur la restauration collective : cantines scolaires, prison de Saint- Martin, EPADH), l’île de Ré figurera t-elle sur la liste des sélectionnés qui sera dévoilée début mars à l’occasion du salon de l’agriculture à Paris ?
Réseau Dephy
Dix viticulteurs de la coopérative (dont Jean-Jacques Enet le président) ont postulé cette année pour intégrer le réseau « Dephy ». Un réseau national de fermes expérimentales engagées dans une démarche volontaire de réduction de l’usage de pesticides.
Avec 1 900 exploitations en 2015 et 2008 en 2016, ce groupement d’agriculteurs prêts à tester et évaluer des systèmes de culture alternatifs, espère atteindre le seuil des 3000 participants pour mettre en place un observatoire national des pratiques agricoles en faveur de la biodiversité.
Jérôme Poulard, technicien culture à la Coopérative, aura pour mission d’accompagner ces exploitations (qui représentent un tiers du vignoble rétais) dans cette remise en cause des apprentissages antérieurs. Dès le printemps 2017, il coordonnera l’animation de ces sites pilotes qui alimenteront la base de données « Agrosyst », système d’information dédié au partage et à la valorisation des expériences.
Menées sur plusieurs années, les études du réseau Dephy sont déjà riches d’enseignement et permettront de dégager avec précision un indicateur du niveau d’utilisation des phytosanitaires.
Conforter les exploitations existantes et favoriser l’installation des nouveaux porteurs de projets
Des exploitations se transmettent et l’enthousiasme est bien présent pour façonner l’agriculture de demain dans le respect de notre « spécificité insulaire » chère à Lionel Quillet. Grâce à l’appui de la Coopérative Uniré, le GDAD a prouvé sa capacité à structurer un discours fédérateur autour des enjeux du territoire.
Le soutien des associations, l’engagement des communes, suffiront- ils à sensibiliser le grand public à l’importance de l’agriculture dans le développement économique de l’île ? Les arguments nés de cette dynamique de concertation permettront-ils au GDAD d’inscrire ses besoins fonciers dans le nouveau plan d’urbanisme intercommunal (PLUi) et de mobiliser les élus ?
Des espaces publics trop peu exploités
Quels usages et quelles gestions des terres non encore urbanisées de l’ile de Ré ? Définir les zones d’extension agricole, c’est le travail de cartographie à mener, qui du SCOT (schéma de cohérence territoriale) annulé en 2015 au PLUI peine à aboutir.
En dépit du signe fort donné par la CdC avec la création du Comité Cigale (comité intercommunal de gestion de l’agriculture et de l’environnement) en juin 2015, les cartes des attentes, des besoins et des moyens mis en oeuvre, ont du mal à se croiser.
Avec près de 2000 ha de surface agricole cultivée (dont 450 de marais salants), le GDAD ambitionne dans les dix ans à venir d’atteindre les 3 400 ha pour maintenir la croissance annuelle de commercialisation des productions actuelles autour de 3 % et assurer une diversification des cultures.
Une revendication qui correspond presque exactement aux 717 hectares préemptés ces dernières années par le Conseil Départemental et le Conservatoire du Littoral au titre de la préservation des espaces naturels sensibles. Potentiellement, les deux administrations couvrent conjointement un périmètre de préemption de 7 600 ha sur l’île dont 1200 ont été identifiés par la chambre d’agriculture comme possible zone agricole. Largement de quoi répondre favorablement au désir d’émancipation de la profession ! Particulièrement exposés au déficit de surface plantée du fait de la rotation, les producteurs de pommes de terre se mobilisent aussi pour voir le projet de mutualiser les ouvrages hydrauliques du bassin d’irrigation de la Flotte poursuivi.
4500 m2 de besoin en bâtiments agricoles exprimés
S’installer ? Transmettre ? Le fait est qu’une part significative du bâti agricole existant est détournée de son usage lors du départ à la retraite de l’exploitant. Or, le manque de bâtiments agricoles et l’accès au droit de construire extrêmement difficile posent un réel problème d’orientation de l’agriculture sur l’île.
Dans ce contexte, le GDAD demande aux pouvoirs publics une posture forte : geler le changement d’usage des bâtiments agricoles ou le compenser par une nouvelle construction.
Les besoins sont divers : hangars à matériel agricole, germoirs à pomme de terre, salorges, laboratoires de transformation des produits agricoles, etc.
La mutualisation est un fonctionnement culturel dans l’agriculture rétaise, plusieurs CUMA (coopérative d’utilisation de matériel) le prouvent. Gain d’espace, pérennité, économie : on le sait, de nombreux agriculteurs de l’ile de Ré sont intéressés par une CUMA intercommunale pour accéder à du matériel performant (pulvérisateur à panneaux, récupérateurs) sans avoir à subir des investissements lourds.
Mais parmi les nouvelles pistes, la possibilité de disposer de bâtiments d’hivernage, mutualisés aux différentes professions, coopérateurs ou indépendants, constituerait également une réponse pertinente au besoin de surface validé par la Chambre d’Agriculture (notamment dans le Nord de l’île soumis aux contraintes du PPRL).
Main dans la main pour construire l’agriculture du futur
Si la place de l’agriculture dans l’économie française baisse de plus en plus, les petites exploitations ayant tendance à disparaître au profit de structures moins nombreuses mais plus grandes ; l’île de Ré peut s’enorgueillir d’un terroir généreux que des producteurs ambitieux souhaitent mettre davantage en valeur.
Tous les acteurs de la filière ont compris la nécessité de se mettre autour de la table pour prendre en mains le devenir agricole et identifier les pistes de développement.
Idéalement, en 2030, exploitations et bâtiments agricoles s’émancipent sous l’impulsion d’une nouvelle génération, porteuse de valeurs fortes.
Idéalement, en 2030, les 80% de terres non urbanisées sont gérés selon des principes agri-environnementaux permettant une agriculture durable, et les zones à fort enjeu sont discutées de façon collégiale et régulière.
Pour ce faire, idéalement, en 2030, le service agricole de la Communauté de Communes est animé par un technicien dédié, en contact quotidien avec les agriculteurs. Une implication des élus d’autant plus nécessaire qu’elle seule donne accès à des fonds de recherche et d’investissement à l’échelle européenne.
Théorie ou utopie ? Bien qu’ayant montré leur unité, la récente annonce du Président de la CdC en réunion publique du 10 décembre dernier, de missionner le CESIR pour une étude de perspective à 20 ans de l’agriculture rétaise, laisse les agriculteurs perplexes, qui se demandent s’ils doivent continuer à « phosphorer »…
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