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Dossier agriculture
Souhaitant rompre avec le cliché selon lequel l’île de Ré souffrirait d’une désaffection des agriculteurs – faute de moyens, de terres, de logements, etc. – nous avons choisi de mettre en exergue dans chacune des dix communes de l’île de Ré des agriculteurs qui s’installent, innovent, investissent, se diversifient… prouvant que l’agriculture rétaise demeure une activité identitaire forte de l’île.
Ars-en-Ré : Grégory et Anthony Talon, nouveaux acteurs économiques
Ils ont 54 ans à eux deux, ils ont franchi le pas en montant une EARL (1) à parts égales. Grégory, l’aîné avait déjà son entreprise agricole. Anthony, le petit frère, a terminé son apprentissage chez Rémi et Christophe Caillaud à Ars, après un bac pro à Surgères. Le domaine de prédilection du premier est la vigne et l’entretien du matériel. Pour le cadet c’est la pomme de terre et l’informatique. Leurs terres : 34 ha, celles des grands parents rétais maternels, celles qu’ils louent, celles qu’ils ont rachetées à d’anciens exploitants. L’agriculture qu’ils pratiquent à Ars est raisonnée. « Nous allons essayer de bien faire » disent-ils modestement. En rotation de la pomme de terre, ils cultiveront blé et orge. La paille servira de matière organique pour l’entretien du sol afin d’utiliser le moins possible de phytosanitaires. Ils sont complémentaires, les deux aiment le grand air. Ils ont grandi au milieu de la ferme en Lozère, dans le berceau familial paternel. « Je suivais mon oncle qui élevait des vaches laitières » sourit Grégory. « Et moi je traînais derrière eux » renchérit Anthony.
Autour d’eux, beaucoup de bienveillance. Leurs parents les épaulent en donnant un coup de main à l’occasion. Les agriculteurs arsais les ont engagés à se lancer. « Il faut être ambitieux et avoir du cran » affirment- ils un peu émus, face à l’aventure fraternelle. En outre, Grégory a accepté en septembre la présidence de la CUMA (Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole). « La mutualisation fait partie de la bonne entente » affirme t-il.
MB
Le Bois-Plage-en-Ré : « Plus raisonnée que 100 % bio »
Originaire de la région champenoise, Ghilaine et Christian Lamousse, tous deux proches de la cinquantaine, sont arrivés dans l’île de Ré en 2004, au Morinand, où ils ont repris l’exploitation de Michel Morin. « Nous souhaitions changer de région, alors venir dans l’île c’était joindre l’utile à l’agréable ! » ironise Christian.
Déjà dans la partie, le couple a ainsi repris en fermage 15 hectares de vignes et 5 autres hectares qu’ils consacrent au maraîchage et à la culture de pommes de terre AOC.
Du producteur aux consommateurs
« Au départ, le maraîchage nous l’avions prévu en dépannage, de façon à faire de la trésorerie compte tenu du système de paiement de la vigne par la coopérative (en moyenne, 2,5 ans après la récolte) » rappelle Ghilaine. « Mais ça a d’emblée si bien marché que nous avons continué et même développé ce secteur d’activité ». Ainsi, d’avril à fin octobre, ils vendent directement leurs légumes et une part de leur production de pommes de terre en bordure de route au Morinand, et sont présents sur le marché de Rivedoux via leur belle-fille Gaëlle. Spécialisés dans les variétés anciennes, Ghilaine et Christian proposent plus d’une centaine de variétés de tomates, une quarantaine de piments différents, mais aussi, des aubergines, des poivrons, des melons, etc., qu’ils cultivent en pleine terre mais aussi sous serres et tunnels. « Une production que je qualifierai de raisonnée plutôt que de 100% bio, bien que nous soyons sans doute plus bio que certains qui se déclarent bio ! » précise Ghilaine.
Leur pire ennemi, le lapin, qui occasionne une perte d’environ 15 % de la production, qui nécessite l’achat de voiles de protection et qui est responsable d’un léger surcoût du prix des légumes.
JPP
La Couarde-sur-Mer : Julien Dorin, 100 % pommes de terre, 100 % fermage
Pas de terres familiales, pas de terres personnelles. En 2007, Julien Dorin s’est néanmoins installé à La Couarde, où il mutualise aux trois-quarts un hangar communal avec des sauniers. Un second bâtiment, où il entrepose son germoir, est partagé avec un agriculteur. « Je vais là où on me loue des terrains, La Couarde, le Bois où je réside, et parfois Ars, c’est selon » convient-il. Il a choisi la mono-culture et il a investi dans tout le matériel nécessaire. Il a débuté avec 3 ha. Aujourd’hui avec douze hectares son objectif est d’atteindre 250 tonnes de récolte. Il travaille seul, cependant il emploie des saisonniers au moment de la récolte.
Trouver des modes de culture moins traumatisants pour le sol, laisser des terres en jachère ou assurer une rotation par les céréales afin que la terre se repose, font partie de ses préoccupations.
« Ça a une incidence sur le prix du fermage » livre-t-il, conscient de la précarité de sa situation. Après un bac agricole à Saintes, Julien a exercé plusieurs métiers qui l’ont fait voyager, il est ensuite revenu à sa nature. « On a besoin de se construire un avenir ». Lorsque la saison de pomme de terre est terminée, l’été il vend les légumes qu’il produit, afin de compléter ses revenus. Déterminé, il s’investit dans la Coopérative Uniré dont il est vice-président et responsable de la Commission maraîchère. Il est aussi président du Syndicat de défense de la pomme de terre AOP. À ce titre, il soutient régulièrement le tubercule rétais auprès des journalistes et critiques culinaires.
MB
La Flotte : Un pionnier dans le projet de développement agricole flottais
Âgé de 22 ans, Romain Canteau fait partie de cette génération de jeunes qui se ré-intéresse à la terre, à l’agriculture, comme le démontrent les statistiques nationales relatives au nombre d’exploitations agricoles qui, ces toutes dernières années, ne diminuent plus.
Fils d’agriculteur installé à Frontenay- Rohan-Rohan, titulaire d’un BTS de Gestion Agricole, Romain, sur les conseils de son père, décide en 2010 / 2011 de venir s’installer dans l’île de Ré à La Flotte, sans même attendre la réalisation du projet de création d’un bassin d’irrigation voulu par le maire, Léon Gendre, ce afin d’y cultiver de la pomme de terre AOC. Sur 8 hectares de terres assez bien regroupées dans le secteur du Clos Martin, des parcelles appartenant au Conseil général, au Conservatoire du littoral, au Syndicat d’assainissement de Saint-Martin / La Flotte et à quelques particuliers, il se met dès l’automne 2011 à préparer les sols. « Les terrains ayant été reconnus aptes à faire de l’AOC, la coopérative UNIRÉ m’a fourni les pommes de terre de semence que, faute de locaux spécifiques je suis allé faire germer dans la maison que mes parents possèdent à Sainte-Marie ! J’ai ensuite planté mes premiers tubercules au tout début de l’année 2012 ».
Une première année d’exploitation quelque peu délicate en raison des aléas climatiques qui se sont enchaînés avec de la neige et du gel en février, d’où un retard dans le développement des pieds, après quoi il a fallu attendre avril pour bénéficier de quelques pluies salutaires. « La récompense est arrivée début mai avec une récolte peu étalée dans le temps, mais satisfaisante pour une première ».
On prend les mêmes et on recommence pour la campagne 2012/2013. Reste à espérer l’arrivée prochaine du système d’irrigation et la construction d’infrastructures, notamment un germoir, prévues dans le projet communal.
JPP
Loix : Denise et François Vion, légumiers bio à Loix
Le passage de Xynthia, qui a ravagé leurs vignes, a été déterminant pour le couple d’agriculteurs de Loix. Il les a poussés à opérer une reconversion dans la production de légumes bio, à petite échelle. Pour définir leur activité, ils disent légumiers, nom auquel ils sont attachés. À la différence du maraîchage, qui, comme l’indique le dictionnaire, consiste à cultiver des primeurs de façon intensive. Le 26 février dernier, Écocert est venu sur place leur délivrer le certificat d’agrément bio, obtenu au terme de trois années d’exploitation. 2000 m2 de terres sont consacrées à la production sans utilisation de pesticides. Uniquement des légumes d’été, tomates, aubergines, courgettes, salades, melons, fraises, que Denise vend tous les matins, sur le marché de Loix du 1er juillet au 30 août. Leur clientèle est fidélissime. Avant le vimer, Francis avait aussi un beau verger de quinze ans d’âge, il a été dévasté par la mer. Il y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Tenace, un an après, il a replanté soixante-dix jeunes arbres fruitiers sur une autre parcelle. Le verger devrait être certifié bio en 2014. Le terrain a été amendé avec du fumier composté vieux de cinq ans, la bouillie bordelaise est utilisée comme traitement. Abricotiers, pêchers, pommiers, pruniers, cerisiers, figuiers, sont encore en miniature, mais un jour les fruits seront sur l’étal du marché. Le couple cultive également la pomme de terre, en agriculture raisonnée. Toutefois il mène actuellement une réflexion pour produire de la pomme de terre bio.
MB
Les Portes-en-Ré : Un candidat, mais un « oui mais »
«Depuis le départ à la retraite de René Jauffrais il n’y a plus d’agriculteur aux Portes », regrette Christian Bourgne, maire du village.
« À ce jour », poursuit-il, « un agriculteur du continent travaillant dans une importante entreprise agricole s’est porté candidat à la reprise de terres arables, propriété du Conseil général et du Conservatoire du Littoral. Trois hectares lui ont été pour l’instant accordés ».
En parallèle, si des propriétaires privés lui ont fait diverses propositions de fermage sur leurs terres, il reste un problème majeur qui fait qu’il ne s’est pas encore installé aux Portes : celui de ne pas trouver de bâtiment à louer pour y entreposer son matériel ou à acheter pour y construire un hangar.
JPP
Rivedoux-Plage : Roger Calmus, une reprise d’exploitation réussie
Brevet d’agriculture et de viticulture en poche, Roger Calmus débute comme ouvrier agricole en Champagne. La vigne, c’est son métier. À son arrivée sur l’île de Ré, Roger est ouvrier agricole chez Christophe Caillaud. Par l’entremise de la coopérative viticole de l’île de Ré, en 2009, il a l’opportunité de reprendre l’exploitation viticole de Guy Neveu, qui prend sa retraite.
Installé sur Rivedoux, Roger exploite 10 hectares de vignes en fermage, plantées en cépage Uniblanc (pour le cognac), en Cabernet- Sauvignon, Cabernet-Franc, Merlot et Chardonnay (pour les vins de pays), répartis sur Rivedoux et Sainte-Marie. Avec la culture raisonnée, Roger limite le traitement phyto-sanitaire des ceps par la méthode bio des racks de « confusion sexuelle ». En plantant ses piquets, Roger nous confie sa passion pour ce métier et parle de renouveau avec le retour au pays de jeunes rétais expatriés : « Ils sont jeunes et sont aidés pour investir. Quand j’ai repris l’exploitation, j’ai pu bénéficier des facilités accordées par la coopérative UNIRÉ et de la solidarité de mes anciens patrons Rémy et Christophe Caillaud. Malgré une petite vendange en 2012, la tenue du marché et les prix stables à la production, sont des encouragements pour développer une production de qualité. »
Roger recherche des terrains sur son secteur, pour planter de nouvelles vignes, éviter la perte de droit et les terrains en jachère. Bientôt il s’installera dans les hangars agricoles de la zone du fonds des marais à Rivedoux. En parcourant ses vignes bien entretenues, nous avons pu déplorer les dégâts importants des lapins. « Les ceps rongés crèvent ! » lance Roger, en reprenant le volant de son tracteur, avec l’espoir de transmettre l’exploitation à son fils, ouvrier viticole sur Cognac.
ML
Saint-Clément-des-Baleines : La cabane de Jean-Marc
À Saint-Clément, qui ne connaît pas la cabane de Jean-Marc Massé ? Là, depuis trois ans, en juillet et août, il y vend tous les matins, les légumes qu’il produit. Tout a démarré après Xynthia. « 7,5 ha, la moitié de mon exploitation de pommes de terres, sont partis comme ça. J’étais le plus sinistré de la Coopérative pour la pomme de terre. J’ai été peu indemnisé, il fallait bouger » assure-t-il. Au début, il a planté un parasol et une table, sur son terrain au bord de la piste cyclable, afin de vendre les légumes de son jardin. L’année suivante, il installait la cabane démontable. Le maraîchage prend de plus en plus le pas sur sa culture de pommes de terre. Ses fraises sont plébiscitées : « Je n’en ai jamais assez ». Les clients adorent ses courgettes avec fleurs, tomates, concombres, salades croquantes, aromatiques, piments. Même les escargots sont gages de fraîcheur ! Rien n’est traité, ça pousse ou pas, au gré de la pluie et du vent. À peine cueilli, à peine vendu. Il arrive même à Laura, la jeune étudiante saisonnière qui tient la cabane, de dire aux habitués d’aller se servir directement dans le terrain, juste en face.
En parallèle, au marché de Saint- Clément, Aurélie, propose aussi la production. Du coup, l’agriculteur aimerait à terme, agrandir son jardin pour proposer aux clients de faire leur propre récolte. La cabane va évoluer vers un local commercial avec un préau pour protéger les légumes du soleil et de la pluie. Le permis de construire d’un bâtiment en dur vient d’être accordé. Cependant, cet été, la cabane sera encore bien au rendez-vous.
MB
Saint-Martin-de-Ré : « Des voisins » cultivent les terres martinaises
Si aucun agriculteur ne réside aujourd’hui sur le territoire communal de Saint-Martin-de-Ré, ils sont un certain nombre venus des communes limitrophes à exploiter des parcelles situées sur ce territoire. Parmi eux, un jeune agriculteur boitais de 28 ans, Jonathan Henry, qui, associé à ses parents, Régis et Danielle, cultive non moins de 11 hectares, principalement des vignes, dans les terres caillouteuses de la Moulinatte et du Chaffaud, à Saint-Martin.
Après un baccalauréat professionnel « vigne et vin » à Saint-Genis-de- Saintonge, puis un BTS (brevet de technicien supérieur) « comptabilité et gestion agricole », Jonathan fera un stage d’installation de cinq mois à Adélaïde, en Australie, avant de s’installer officiellement le 1er mai 2008 au sein de l’entreprise familiale qui comprend 25 hectares de vignoble, 8 de pommes de terre AOC, 5 de céréale (blé destiné à la minoterie de Courçon) et 5 hectares dits de rotation pommes de terre.
« En étant trois permanents, mes parents et moi sur ces 43 hectares, il y a à l’année toujours quelque chose à faire, et quand arrive le temps de la taille dans les vignes et celui de la pleine saison de la pomme de terre, il nous faut faire appel à des saisonniers » précise Jonathan.
Avec trois autres agriculteurs, regroupée en CUMA (coopérative d’utilisation de matériel agricole), l’entreprise partage au prorata des superficies de chacun, l’utilisation et l’entretien d’une machine à vendanger, ainsi que de petits matériels type broyeur etc. « Comme pour tout agriculteur rétais, si en plus vous cultivez des céréales, le pire ennemi reste le lapin. Chasseur, on peut intervenir, réguler quelque peu. Mais seul, on n’y arrivera pas. C’est pourquoi j’ai bon espoir dans le plan “anti-lapin” qu’est en train de mettre au point la Communauté de Communes ».
JPP
Sainte-Marie-de-Ré : De l’informatique à la viticulture
À Sainte-Marie de plus en plus de jeunes se tournent vers l’agriculture. Ainsi Carole Pardell, Olivier Bouyer, Eric Mounier, Louis Bouyer et bien sûr Anthony Cordon.
Bien que la famille soit dans la vigne depuis au moins trois générations, les études suivies par Anthony Cordon aurait normalement dû le conduire à autre chose qu’au métier de viticulteur. Diplômé en génie électrique de l’informatique industrielle et d’une formation aux techniques de commercialisation, il intègre en 1999 le groupe PSA (Peugeot) mais se rend très vite à l’évidence qu’il ne se voit pas passer sa vie devant un écran d’ordinateur, et de plus, la vie parisienne pour le Rétais qu’il est lui pèse. Il démissionne.
Dès son arrivée, il fonde une société multi-services d’aide et de travaux divers, la bien-nommée : « Pougnée d’Mainye » (poignée de main), qu’il animera pendant trois avant de se lancer à son tour dans la vigne, aux côtés de son père Michel. « Sachant pour mon père l’heure de la retraite proche, je ne pouvais me résoudre à voir disparaître l’entreprise familiale. J’ai donc suivi la nécessaire année probatoire afin de pouvoir m’installer officiellement et de pouvoir reprendre, désormais seul, depuis décembre 2012, les 12 hectares de vigne en production ».
De par sa formation, Anthony est toujours prêt à expérimenter ce qui est nouveau ou à la pointe du progrès dans son domaine. Adepte de la technique confusion sexuelle qui, déjà, limite l’emploi de certains produits phytosanitaires, il compte bien cette année se déclarer « en reconversion bio », tout comme certains autres jeunes viticulteurs maritais. « Je vais dans un premier temps l’expérimenter sur tous mes cépages de rouge en espérant pouvoir sortir en 2019, et peut-être avant, ma première bouteille de vin bio ».
Parfaitement dans son élément et conscient de la nécessité de préserver l’environnement, d’entretenir les paysages, d’enrichir la biodiversité, Anthony a, dans un clos abandonné, prévu cette année d’y faire une jachère mellifère dans laquelle il installera sa toute première ruche.
JPP
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