- Social
- Violences faites aux femmes
25 novembre : une journée pour comprendre et agir
En cette journée particulière, La Maline a ouvert ses portes pour une 2ème rencontre des acteurs du social dédiée aux femmes victimes de violences.
On préfèrerait qu’elle n’existe pas. La Journée Internationale de Lutte contre les violences faites aux femmes témoigne d’un phénomène douloureux déclaré grande cause nationale. Est-il récent ? Bien sûr que non. Ce qui ne le rend pas plus acceptable.
Multiforme, allant du harcèlement de rue au meurtre, en passant par un nuancier aux couleurs douteuses, la violence faite aux femmes est un fléau en voie d’expansion, souvent avec de nombreuses victimes collatérales, les enfants. Extraits d’une journée intense, mêlant émotion et réflexion.
Le drame du non-dit
Dans la salle, élus, membres d’équipes municipales et d’associations. Sur scène, Lionel Quillet, Véronique Richez-Le Rouge, la sous-préfète Anne Wincopp-Toch et Aurélie Bourgoignon, déléguée du Préfet aux droits des femmes de Charente-Maritime.
« Je suis Maire depuis 27 ans et c’est une grande frustration parce qu’il y a des personnes… je sais et je me sens impuissant », reconnaît Lionel Quillet d’un ton grave. « Ici, on pense que tout est merveilleux mais non… », renchérit Véronique Richez-Lerouge, soulignant des plaintes déposées plutôt à La Rochelle que sur l’Île de Ré. Car ici comme ailleurs « et même si la parole se libère, il y a encore beaucoup d’obstacles », affirme-t-elle, signalant une augmentation de 45% des violences conjugales en 2019 sur la Charente-Maritime. Un peu plus tard, Aurélie Bourgoignon fera le point sur le Grenelle.
La violence en images – Fred & Marie
Fred fait son footing pendant que Marie fait la cuisine. Ce soir, ils fêtent entre amis les cinq ans de leur rencontre. Une soirée normale d’un couple de la classe moyenne plutôt aisée. Mais la robe choisie par Marie ne plaît pas à Fred (bien trop affriolante), l’une des amies de Marie (Anna) ne plaît pas à Fred (elle doit l’appeler pour annuler). Fred boit un peu trop et ne se rappelle même plus de ce jour qu’ils sont censés célébrer avec leurs invités. Marie s’enfuit dans la cuisine. « Pas de gifle, pas de coups, pas de sang et pourtant, quelle violence ! », commente Brice Samson une fois ce premier court métrage terminé.
Marie & Fred (2) : Anna, l’amie détestée de Fred, prend son café lorsqu’on frappe à sa porte : c’est Marie. Sa joue est marquée de rouge, sa lèvre écorchée. Restée seule elle lit, appelle sa mère et peu après… des coups violents à la porte. Fred l’a cherchée partout et l’a trouvée. Elle n’ouvre pas mais dans la cour de l’immeuble il va, pendant des heures, demander pardon. Marie aime Fred… Marie descend.
Anna (3) : les cheveux de Marie ont poussé (donc du temps a passé). Avec l’aide d’Anna, elle peint le mur d’une pièce vide, suspend son geste, une lueur triste dans le regard, puis sourit… Marie a quitté Fred.
Encore fragile, Marie se réapproprie sa vie. Mais pour certaines, l’issue sera fatale. 122 femmes sont mortes en France en 2021 sous la violence de leur conjoint ou compagnon.
De l’emprise aux procédures
Le Docteur Maxime Bourriat, médecin légiste à la toute récente unité médico-judiciaire de l’hôpital de La Rochelle, explique le phénomène d’emprise, poison lent aux effets physiologiques , impactant des zones cérébrales et nerveuses jusqu’à la « dissociation traumatique ». Pour se protéger de la souffrance, le cerveau se met en « off » et la victime est comme anesthésiée.
Sur un autre registre, Camille Joguet, juriste assistante VIF (Violences Intra- Familiales) au parquet de La Rochelle et Maître Christine Teisseire, avocate référente au barreau de Rochefort, évoquent tour à tour la question sous l’angle judiciaire. « Si les actes de violence, psychologiques ou physiques, relèvent du Pénal, celui-ci ne met pas à l’abri » explique Maître Teisseire, insistant sur la nécessité d’une procédure civile en parallèle. Difficile tout ça quand on vit un enfer quotidien. La matinée s’achève et prendre l’air fait du bien.
Parcours d’une victime
Au programme de l’après-midi, trois ateliers. Comment recueillir la parole par la Gendarmerie de Saint- Martin, comment accompagner une victime inconsciente de l’être ou dans l’incapacité d’agir avec la Délégation territoriale d’Action Sociale, comment l’accompagner après la séparation et dans sa reconstruction avec le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles. Nous choisissons le premier, un peu parce qu’il semble un acte fondateur, un peu parce que nous voulons savoir comment cela se passe ici.
Antoine Golmiche raconte une prise en charge type. « Toute l’équipe a été formée et nous nous sommes adaptés et réorganisés », explique l’Adjudant à la Gendarmerie de Saint-Martin, évoquant « un accueil privilégié » même en cas de signaux faibles.
Après une écoute du récit et sa reformulation avec la victime se pose la question de la plainte. En cas de refus, « il s’agit de faire prendre conscience de l’emprise et des risques ». Et dépôt de plainte ou pas, une enquête sera de toute façon diligentée et contact immédiat pris avec le Procureur de la République, notamment pour évaluer le degré de dangerosité. « Interpellation, garde à vue et même en cas de relaxe, passage devant le procureur sont obligatoires. Entré au tribunal sous contrôle judiciaire, c’est ensuite au Juge des Libertés et des Détentions de décider du sort de l’auteur des faits. Il y a un avant et un après le Grenelle », poursuit Antoine Golmiche, reconnaissant qu’il faut encore améliorer le temps entre les auditions judiciaires. Bien sûr, les victimes sont orientées vers toutes les structures pouvant les protéger.
« 12 cas de violences conjugales sont actuellement sous procédures judiciaires sur l’Ile de Ré », précise Antoine Golmiche avant d’ajouter aussitôt « mais il y en a certainement plus ».
La journée s’achève, alors qu’en ressort-il ? Les choses ont changé c’est sûr. La violence psychologique est aujourd’hui considérée comme telle alors qu’avant, il fallait plutôt du sang pour qu’une femme soit crédible. Pouvoirs publics et système judiciaire sont en extrême vigilance et les forces de l’ordre sont formées à un accueil personnalisé des victimes. Un préjugé trop facile est tombé : les violences intrafamiliales touchent toutes les classes sociales sans exception.
Restent les non-dits, l’emprise, la peur, et ce ne sont pas là les moindres ennemis des victimes. L’entourage joue un rôle essentiel et il est bon de savoir, comme l’a précisé Antoine Golmiche, que « tout le monde peut faire un signalement, parents, amis, voisins… ». Insuffisant bien sûr pour la justice mais un petit pas quand même, déclencheur peut-être, comme un rayon de lumière dans un ciel sombre.
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